flint Super héros Toxic
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Posté le: Ven Sep 24, 2010 3:21 pm Sujet du message: [M] [Critique] Le spectre du professeur Hichcock |
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Le spectre du professeur Hichcock
Titre original : Lo spettro
Genre : Fantastique, Gothique, Thriller
Année : 1963
Pays d’origine : Italie
Réalisateur : Riccardo Freda
Casting : Barbara Steele, Peter Baldwin, Elio Jotta, Harriet Medin, Umberto Raho, Carlo Kechler…
Aka : The Ghost
Dans un château retiré en Ecosse, en 1910 – Le docteur John Hichcock organise une séance de spiritisme dans son salon, en compagnie de sa femme Margaret, de son ami et confrère Charles Livingstone et de quelques notables de la région. Le medium n’est autre que Catherine Wood, la gouvernante du domaine. Dans un état second, la domestique se met à parler en sanskrit. D’après Hichcock, cette voix proviendrait d’un esprit de la mort.
Le docteur Hichcock souffre d’une grave maladie qui le cloue dans un fauteuil roulant. Quasiment invalide, il s’est réfugié dans la recherche scientifique et également dans l’occultisme pour trouver un moyen de lutter contre son infirmité, voire la vaincre.
Il a mis au point un traitement spécial et très dangereux, consistant à se faire inoculer par voie intraveineuse un poison mortel puis son antidote. Le médecin pense que cette thérapie pour le moins particulière devrait le conduire à la guérison. Mais les jours passent, et la souffrance est toujours bien présente. Des signes de rémission apparaissent, mais de manière très sporadique. Même l’aide de Livingstone ne parvient à apaiser les tourments du malade. Hichcock est amer, semble las de vivre, incite son ami à l’euthanasier, puis tente maladroitement de se suicider avec un pistolet en présence de sa femme.
Margaret ne supporte plus cette situation, d’autant qu’elle entretient depuis un bon moment une liaison adultère avec Livingstone. Elle demande à son amant d’éliminer son mari. Mais le médecin hésite…
Un an après « L’effroyable secret du docteur Hichcock », Riccardo Freda récidive donc avec cette fausse suite, fausse dans la mesure où il s’agit bel et bien d’une nouvelle histoire, contrairement à ce que son titre pourrait laisser supposer. La genèse de « L’effroyable secret… », narrée avec brio par Alain Petit en bonus du film, avait commencé lorsque le réalisateur avait certifié à ses producteurs qu’il était capable d’écrire un scénario en une semaine et de réaliser le tournage en deux semaines maximum. Pari avait été tenu. Ernesto Gastaldi s’occupa du scénario, une histoire gothique empruntant au « Rebecca » d’Alfred Hitchcock, d’où le probable clin d’œil du scénariste en gratifiant le héros du nom de Hichcock. Pour ce film, Freda s’octroie les services de Barbara Steele, devenue en seulement deux films (« Le masque du démon » et « La chambre des tortures ») l’égérie du cinéma gothique. Et puis, il a aussi l’idée géniale d’aller chercher une actrice américaine émigrée en Italie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une inconnue ou presque : Harriet Medin White. « L’effroyable secret… » servira de tremplin à cette femme au visage strict bien que foncièrement sympathique, puisque le cinéaste fera de nouveau appel à elle dans « Le spectre… », toujours pour incarner une gouvernante inquiétante. Cette double composition lui vaudra d’être engagée trois fois par Mario Bava (« Les trois visages de la peur », « Le corps et le fouet », « Six femmes pour l’assassin »). On la verra encore dans un rôle similaire dans l’excellent « Les nuits de l’épouvante » d’Emilio Scardamaglia.
Au niveau du décor, les deux actrices féminines réintègrent le château prêté par un milliardaire au réalisateur, et les rôles masculins principaux sont tenus par Elio Jotta (« La police a les mains liées ») et Peter Baldwin (« La donna del lago »), remplaçant plus ou moins Robert Flemyng et Silvano Tranquilli. Car, comme pour le premier film, « Le spectre du professeur Hichcock » est un huis-clos dans un château avec essentiellement quatre personnages. Mais le Hichcock de cet opus n’a rien à voir avec le premier, et Barbara Steele passe d’un rôle de victime à celui d’une garce de premier ordre. D’ailleurs, l’un des intérêts de ce film demeure dans les caractères des protagonistes, qui ont chacun un comportement répréhensible. Il s’agit d’une machination à tiroirs dans laquelle les personnages ont tous quelque chose à se reprocher, sont corrompus par le mal à différents degrés.
« Le spectre du professeur Hichcock » tient plus du thriller que du film fantastique, en fait, dans lequel le cadre inquiétant, et les allusions au spiritisme et à la médecine expérimentale donnent à l’œuvre un cachet gothique prononcé. L’intrigue est somme toute classique, avec le triangle mari/femme/amant, complété par la gouvernante que l’on soupçonne très vite d’être la complice du mari. Tout réside donc dans cette opposition que vont se livrer les deux duos. Lequel finira par avoir raison de l’autre ? Après la mort du docteur Hichcock, à environ un tiers du métrage, ce dernier semble revenir de l’au-delà afin de tourmenter ses bourreaux. Mais la thèse de la machination reste plus ancrée dans l’esprit du spectateur que celle d’une vengeance surnaturelle, et ce ne sont pas les quelques artifices déployés (avec talent et roublardise) par le metteur en scène qui vont changer la donne.
Malgré, donc, l’utilisation de grosses ficelles (le fauteuil roulant dévalant les escaliers, la boite à musique se mettant toute seule en marche…), reconnaissons à Riccardo Freda un véritable savoir faire ; et même si « Le spectre… » apparaît, dans l’ensemble, un peu moins bon que « L’effroyable secret… », il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’un très bon spectacle, de la part d’un auteur qui aura eu le mérite de donner au cinéma fantastique italien ses lettres de noblesse. Oui, parce qu’avant « Les Vampires », en 1956, c’était le désert à ce niveau là. Certes, les premiers essais de Riccardo Freda dans le genre seront des semi-échecs personnels (abandonnant « Les Vampires » et « Caltiki, le monstre immortel » en plein tournage, au profit de Mario Bava). Néanmoins, le réalisateur se rattrapera largement par la suite, avec les deux « Hichcock », mais aussi des péplums « fantastiques » comme « Maciste en enfer » et « Le Géant de Thessalie ». Ce n’est que justice, tant le cinéaste aura préalablement montré toute l’étendue de son talent durant deux décennies, à travers des films d’aventures (« Don César de Bazan », « Sept épées pour le Roi ») ou des péplums (son « Spartacus » n’a rien à envier à celui de Kubrick) à connotation historique.
Moins sulfureux peut-être que « L’effroyable secret du docteur Hichcock » (la nécrophilie, en 1962, était un sujet hautement risqué), « Le spectre du professeur Hichcock » est pourtant un film réussi, malgré un sujet plutôt basique à base d’adultère. En plus d’un final étonnant où l’auteur fait preuve d’un grand cynisme (et d’humour noir), on notera bon nombre de scènes marquantes, notamment les deux passages où Margaret fait usage d’un coupe-choux. Dans le premier, elle rase son mari lors d’une séquence où la nostalgie laisse planer une tension extrême. Dans le second, elle l’utilise dans une scène de meurtre incroyablement violente pour l’époque, et encore impressionnante aujourd’hui. Avec son quatuor d’acteurs au diapason, quelques seconds rôles convaincants (Umberto Raho en révérend, toujours impeccable), un cadre sinistre à souhait accentué par la quasi-obscurité régnant dans les lieux, et une belle partition musicale de Franco Mannino (« Les Vampires », « Sept épées pour le Roi »), « Lo spettro » est définitivement à ranger parmi les réussites du cinéma gothique.
Note : 7,5/10
Fiche DVD -
Le spectre du professeur Hichcock – Artus films
Région : Zone 2 PAL
Editeur : Artus films
Pays : France
Sortie film : 9 décembre 1964 (France)
Sortie dvd : 5 octobre 2010
Durée : 91 minutes
Image : 1.66 original respecté – 16/9e compatible 4/3
Audio : mono
Langue : Français, Anglais
Sous-titres : Français
Bonus :
- « Riccardo Freda et le fantastique », par Alain Petit (29 minutes)
- bandes-annonces de l’éditeur
- diaporama (2 minutes)
Commentaire : Si « L’effroyable secret du docteur Hichcock » est passé sur une chaîne satellite dans une copie fort convenable (mais mériterait amplement une sortie dvd), « Le spectre du professeur Hichcock » n’avait eu la faveur que d’une médiocre commercialisation en vidéo, qui plus y est sous le titre ridicule de « Dernière Phase ». Artus Films, après « La sorcière sanglante », gratifie à nouveau son public d’une perle du cinéma gothique italien avec la belle Barbara Steele.
Au regard de la copie proposée, il semblerait que l’éditeur ait récupéré le transfert de Retromedia Entertainment, auquel il a rajouté une piste française (satisfaisante) ainsi que des sous-titres français (optionnels) sur la piste anglaise. On constate en effet que le titre au générique est « The Ghost » (titre de son exploitation dans les pays anglo-saxons), et que la copie proposée souffre des mêmes carences que son homologue outre-atlantique, à savoir l’apparition sporadique de fines lignes blanches verticales traversant l’écran, quelques scories, et un peu de souffle à certains moments, sans oublier un contraste dans les obscurs un peu juste par instants (mais concernant ce dernier point, il s’agirait d’un défaut d’origine impossible à corriger).
Néanmoins, ces quelques imperfections n’altèrent pas la bonne vision du film, qui se suit avec plaisir, avec le choix de deux langues dans des pistes qui, sans être puissantes, sont tout à fait correctes.
En bonus, outre huit bandes-annonces empruntées au catalogue de l’éditeur, on notera un petit diaporama constitué d’affiches et de photos d’exploitation du film sur fond musical, mais surtout un tour d’horizon de la carrière de Riccardo Freda par Alain Petit. A l’image de ses propos sur Antonio Margheriti dans le dvd « La sorcière sanglante », cet historien du cinéma de genre évoque l’incursion marquante de Freda dans le cinéma fantastique, livre des anecdotes instructives à propos des deux films du réalisateur avec Barbara Steele, s’attarde ensuite sur Harriet White Medin avant de rendre hommage à Umberto Raho. Bref, un entretien comme toujours passionnant avec un Alain Petit disponible et sympathique.
Note : 8/10
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