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sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Jeu Mar 24, 2011 7:26 am Sujet du message: [M] [Critique] Le baron de Crac |
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Le baron de Crac (Baron Prásil)
Tchécoslovaquie (1962)
Réalisation : Karel Zeman
Avec : Milos Kopecký, Rudolf Jelínek, Jana Brejchová, Karel Höger, Eduard Kohout, Václav Trégl, un Ara macao...
Genre : Fantastique, Animation, Aventure
AKA : Baron Munchausen
Accroche : Gilliam, t’es qu’un médiocre.
Un astronaute (ou plutôt un cosmonaute, car il s’exprime en tchèque et répond au prénom de Tonyk) débarque sur la Lune. Il découvre des traces de pas humains et un gant blanc. Surpris, il suit les traces jusqu’à ce qu’elles l’amènent aux trois héros du roman de Jules Verne « De la Terre à la Lune » et à Cyrano de Bergerac, ainsi que, arrivant à cheval, au Baron Prasil (Munchausen en version internationale). Ces cinq premiers découvreurs de la Lune sont persuadés que leur épigone est en fait un authentique indigène sélénien. Munchausen se propose de lui faire découvrir la Terre. Utilisant le vaisseau tracté par des pégases du Baron, ils (le Baron et Tonyk) débarquent à la cour du sultan ottoman en plein 18e siècle. Munchausen a choisi la Turquie comme première étape, par égard pour son compagnon de voyage, car c’est le pays du croissant de lune. Sur place, ils découvrent une princesse européenne captive, qu’ils entreprennent de délivrer.
Seconde adaptation tchèque des célèbres aventures du Baron de Munchausen (Prasil en tchèque, de Crac en français), ce film arrive surtout une vingtaine d’années après le Munchausen de Josef von Baky, chef d’œuvre de l’UFA, et l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma (si vous voulez en savoir plus, je vous invite à consulter l’excellente critique qui lui est consacrée sur le site « Tortillapolis »). Quand une œuvre littéraire a déjà fait l’objet d’une adaptation cinématographique tellement réussie qu’elle en devient référentielle, il est difficile de ne pas faire la comparaison avec celle-ci. Et bien… les deux films sont totalement différents, que ce soit au niveau de l’histoire et de son traitement (on peut dire sans risques que ce « Baron Prasil » ne doit rien à son aîné allemand ; tout au plus reprend-il l’incontournable scène du « chevauchage » de boulet), et pourtant ce sont tous les deux de magnifiques réussites.
Humour, inventivité, poésie, légèreté, imagination, finesse… on trouve tout cela dans ce « Baron Prasil », sorte de chef-d’œuvre dans son genre si particulier, de film d’animation avec de vrais acteurs. Mais pour pouvoir apprécier cette petite merveille il faut, malgré tout, ne pas être hermétique à son esthétique unique, marque de fabrique de son réalisateur Karel Zeman, inspiré du cinéma de Méliès et des gravures du 19e siècle. Plus particulièrement de l’œuvre de Gustave Doré, le générique du début étant d’ailleurs constitué des illustrations de l’immense caricaturiste français pour l’édition de 1862 des « Aventures du Baron de Crac ». A presque chaque scène du film, se dégage l’impression que Zeman a su transcender un budget relativement modeste grâce à quelques bouts de ficelles et beaucoup de génie.
Karl Zeman est (avec Jiří Trnka) l’un des grands noms de l’animation tchèque des années 50 et 60. Il est issu de la célèbre tradition tchèque du théâtre de marionnettes, le meilleur du monde. Cet art de la marionnette que Trnka portera à la perfection, Zeman va, lui, rapidement s’en affranchir pour développer son style propre et si particulier mêlant dessins animés, dessins non animés, figurines en stop motion, prises de vues réelles et acteurs en chair et en os. Après des courts et des moyens métrages d’animations classiques, il réalisera en 1955 « Voyage dans la préhistoire », son premier long métrage utilisant de vrais acteurs. Il emploiera ce mélange de techniques qui lui est si particulier jusqu’en 1970, avec « L’arche de Monsieur Servadac » (chroniqué en ces lieux), avant de revenir aux films d’animation pour enfants.
Mais parlons un peu du personnage de « Munchausen », incarné dans ce film avec élégance, flegme et humour par Milos Kopecký. Grande figure de la littérature populaire des 18e et 19e siècles, le Baron de Munchausen a vraiment existé, et était un nobliau allemand qui a servi dans l’armée russe en campagne contre les Turcs. Ses exploits, grossis démesurément par une forte tendance à l’affabulation dans ses mémoires parues en 1781, vont être le départ d’une série d’ouvrages apocryphes où ses aventures, tirant de plus en plus vers la fable et la satire, en feront le personnage littéraire que l’on connaît aujourd’hui. Parmi les adaptations cinématographiques des aventures de notre Baron, on ne saurait oublier celle qui fut chronologiquement la première, un court métrage de Méliès, et celle qui est à ce jour la dernière, signée Terry Gilliam. De la version de Gilliam, dont le scénario suit beaucoup plus servilement l’œuvre littéraire que ses aînés, on peut dire que, bien qu’étant assez réussie, elle n’a pas le brillant et la santé du film de Baky, ni l’inventivité et la poésie du film de Zeman.
Cette digression étant faite, revenons à ce Baron Prasil et à son casting. Inutile de préciser que Zeman, auteur complet, en a aussi écrit le scénario, mais pas les dialogues. La musique, qui tient une part très importante dans le film, est l’œuvre de Zednek Liska, l’un des trois ou quatre compositeurs attitrés du cinéma tchèque des années 60 et 70 (plus de cent films au compteur). Dans le rôle titre, on trouve une grande figure du cinéma tchèque : Milos Kopecký, juif pragois survivant des camps de concentration, et acteur de théâtre d’avant-garde. Le jeune premier, Rudolf Jelínek (Tonyk dans le film), s’il n’accédera jamais au vedettariat, fera une longue carrière en tant que second rôle, y compris dans des films hollywoodiens tournés en République Tchèque. Jana Brejchová, qui joue l’unique (ou presque) rôle féminin du film, eût elle aussi une carrière bien remplie, mais elle est surtout connue pour avoir été l’épouse de Milos Forman et (bien plus longtemps) celle de Vlastimil Brodsky, le plus célèbre acteur du cinéma tchèque.
Tous ces talents conjugués ayant contribué à faire ce petit bijou du cinéma tchèque, grâce leur soit donc rendue.
8,75/10
Dernière édition par sigtuna le Jeu Mar 24, 2011 8:20 am; édité 2 fois |
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sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Jeu Mar 24, 2011 7:32 am Sujet du message: |
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Et donc merci à Mallox de m'avoir encouragé à voir ce film qu'un à priori idiot concernant son esthétique (j'avoue avoir été gêné pendant les 5 première minutes avant d'être conquis), et le fait qu'il soit issu d'un pays ni bordé par la Baltique, ni traversé par le Danube, me retenait de voir jusque là. |
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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Jeu Mar 24, 2011 8:17 am Sujet du message: |
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Citation: | merci à Mallox de m'avoir encouragé à voir ce film |
Bah vraiment de que dalle. c'est juste que lorsque je l'ai vu apparaître, il m'a semblé de suite que ce film était pour toi !
(faudrait plutôt aller remercier les type de la caverne qui font un boulot remarquable !)
Citation: | Accroche : Gilliam t’es qu’un minable. |
Merci ! Une plainte de plus à venir !  _________________
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sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Jeu Mar 24, 2011 8:20 am Sujet du message: |
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mallox a écrit: |
Citation: | Accroche : Gilliam t’es qu’un minable. |
Merci ! Une plainte de plus à venir !  |
Gilliam nous lit
Bon je corrige ça par un "médiocre". |
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Walter Paisley 99 % irradié


Inscrit le: 27 Nov 2004 Messages: 1332 Localisation: Place du Colonel Fabien
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Posté le: Jeu Mar 24, 2011 9:05 am Sujet du message: |
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Je n'oublierai pas de rendre la pareille depuis notre critique du Gilliam, qui mentionne le présent film, que je n'ai hélas pas vu mais qui me semble très bonne.
D'ailleurs si ce film est bien, que le Baky l'est aussi et que le Gilliam de même (même si Sigtuna le trouve inférieur), qu'en est-il de la version soviétique ? |
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sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Jeu Mar 24, 2011 9:41 am Sujet du message: |
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Walter Paisley a écrit: | qu'en est-il de la version soviétique ? |
Bien que ce soit un Tvfilm il a semble t'il une excellente réputation.
Il existe aussi un dessin animé de long métrage français dont, par charité chrétienne, j'ai occulté l'existence dans la critique, disons qu'il est destiné à un très jeune public. |
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Lynch971 40 % irradié


Inscrit le: 16 Juin 2009 Messages: 390 Localisation: In Uranus
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Posté le: Jeu Mar 24, 2011 11:51 am Sujet du message: |
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à première vue (pareil pour celui de Gilliam du coup), on dirait que le personnage du Baron de Munchausen ait été pas mal inspiré de celui de Cyrano de Bergerac, non ? (Etats et Empires de la lune/soleil) En tout cas y'aurait un parallèle intéressant à faire là-dessus
Sinon ça donne bien envie de le voir... :happy: _________________ "La vie est une chienne avec un god-ceinture de 30 cm de long" V.Masuka, Dexter |
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sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Jeu Mar 24, 2011 12:31 pm Sujet du message: |
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Lynch971 a écrit: | à première vue (pareil pour celui de Gilliam du coup), on dirait que le personnage du Baron de Munchausen ait été pas mal inspiré de celui de Cyrano de Bergerac, non ? (Etats et Empires de la lune/soleil) |
Indéniablement la partie lunaire des aventures du Baron l'est (inspiré de cyrano). Maintenant je n'ai lu ni l'un ni l'autre (sous quelques versions que ce soit ) donc je ne saurais approfondir. |
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flint Super héros Toxic


Inscrit le: 13 Mar 2007 Messages: 7606 Localisation: cusset-plage
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Posté le: Jeu Mar 24, 2011 5:48 pm Sujet du message: |
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Pas vu cette version, hélas ; d'ailleurs ce serait vraiment une bonne chose qu'un éditeur se penche un peu sur les oeuvres de Karel Zeman. Je sais que "Le dirigeable volé" est sorti chez les éditions Montparnasse il y a quelques années, mais je n'ai jamais réussi à le trouver (il doit être épuisé). J'ai vu quelques extraits des "Aventures fantastiques" ("The Fabulous World of Jules Verne"), et j'ai été stupéfait par l'imagerie incomparable du réalisateur.
Quand on se penche sur la filmographie de Zeman, on se dit qu'il y aurait largement matière à sortir un beau coffret regroupant quelques uns de ses films. |
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sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Lun Mar 28, 2011 7:31 am Sujet du message: |
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Walter Paisley a écrit: | qu'en est-il de la version soviétique ? |
Eh bien elle n'est pas mal du tout, quoique n'ayant aucun rapport avec les films qui l'ont précédé et succédé, vu qu'ici ce ne sont pas les aventures du Baron mais la vie d'un rêveur poète confronté à la réalité étriqué de ses contemporains (enfin à la réalité, car la moitié des autres personnage est aussi pas mal azimuthé). Soit la thématique présente das tous les films de Gilliam, mais dans un traitement (scénaristique) beaucoup plus fin au moins du point de vue de l'humour (d'un absurde très "grand slave").
C'est un peu "Nicolas Gogol meet the monty python". Le scenario est intelligent, les dialogues brillantissimes (avec des répliques devenu culte en Russie), l'interprétation solide.
Mais, mais, mais... c'est un téléfilm avec une demi douzaine d'acteurs, 30 figurants à tout péter et 2 cameras fixes. Malgré une bonne exploitation des décors naturel et de la vielle ville de konisberg/Kaliningrad on est à la limite du théâtre filmé.
Edit: si vous voulez en savoir plus, allez sur le forum de Tortillapolis  |
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