Introduction alternative à Cinérotica par Francis Moury

 
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Throma
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MessagePosté le: Jeu Sep 25, 2008 1:45 pm    Sujet du message: Introduction alternative à Cinérotica par Francis Moury Répondre en citant

Transmise par l'éminent Francis Moury, voici comme il l'indique dans sa note en préambule une introduction non retenue pour le magazine encyclopédique Cinérotica conduit par Christophe Bier.

Je la publie sur le forum de Psychovision à sa demande. Merci à lui !
Il serait regrettable qu'un texte si foisonnant passe à la trappe.
Bonne Lecture !




Note préliminaire :
Voici la première version d’un texte écrit il y a presque 10 ans et qui devait servir de préface au Dictionnaire des films français érotiques et pornographiques, dictionnaire auquel j’ai collaboré et dont la venue est annoncée, divisée en 24 fascicules mensuels livrés avec l’encyclopédie Cinérotica, pour la fin de ce mois de septembre 2008.
En la relisant en cette soirée du 24 septembre 2008, j’y souscris toujours : Christophe Bier, le rédacteur en chef dudit dictionnaire l’avait refusé en son temps, estimant son ton un peu trop universitaire et « vieux jeu ».
J’avais accepté son refus de bonne grâce : après tout, on n’allait pas se disputer pour une préface tant le travail auquel elle devait servir était intéressant et tant la tâche était vaste. Il fallait réserver nos forces à autre chose qu’à se disputer une préface. Celui qui lira le dictionnaire mois après mois aura une idée de la justesse de cette réflexion : il fallait en effet économiser nos forces, c’est bien certain.
Pourtant cette préface abandonnée donne encore, me semble-t-il, une bonne idée de nos ambitions collectives. La publier aujourd’hui telle quelle lui redonne toute son actualité puisque ce que je voulais qu’elle préface va paraître !
Elle est divisée en 3 sections :
- Pour une contribution à l’histoire du cinéma
- Erotisme et pornographie : de la diversité à l’unité du livre
- Du film concret à la « fiche film »




Projet retrouvé d’INTRODUCTION au DICTIONNAIRE DES FILMS FRANÇAIS EROTIQUES et PORNOGRAPHIQUES


I) Pour une contribution à l’histoire du cinéma

Contribuer à l’histoire générale du cinéma français en produisant un catalogue exhaustif des films 35mm érotiques et pornographiques français a semblé aux auteurs du présent travail nécessaire et urgent. Cette contribution (et ses limites inhérentes) ne peut, nous semble-t-il, être justement estimée que si nous précisons au lecteur l’esprit qui a animé cette entreprise, son objet et sa méthode.


Dans la préface d’Henri Langlois à la neuvième édition revue et augmentée de l’Histoire du cinéma mondial de Georges Sadoul (1904-1967), éd. Flammarion, Paris 1972, on trouve cette double définition du critique et de l’historien :
“La critique ne saurait se rencontrer avec l’Histoire que dans la mesure où son jugement préfigure celui de l’avenir. (…) L’historien, au contraire, a l’avantage du recul, la sûreté de son jugement consiste, non pas à pressentir l’avenir au-delà du présent, mais au contraire à pourchasser, au travers des ombres et des fausses perspectives qui l’obscurcissent, le passé pour en faire jaillir le visage ; or il est impossible de le faire sans pénétrer le passé, sans le connaître dans sa complexité et sa totalité et ceci n’est possible qu’à condition de se documenter, de disposer des éléments d’appréciation, de jugement, de contrôle, indispensables.”
Langlois classe pour cette raison Bardèche et Brasillach, Louis Delluc, Léon Moussinac, G. Charensol parmi les critiques et les témoins mais il ne reconnaît qu’à Sadoul la qualité d’historien authentique. De fait, en 1964 lors d’une conférence à Venise, Sadoul jetait les bases d’une méthode historiographique du cinéma (Matériaux, méthodes et problèmes de l’histoire du cinéma) analogue en portée à celles qu’avaient établies (entre autres) Gustave Lanson pour l’histoire de la littérature, Fustel de Coulanges pour l’histoire antique, et Émile Bréhier pour l’histoire de la philosophie. C’est elle qui est reproduite dans les pages V à XXIX de l’édition de 1972. La page V en donne les grandes divisions :
“On peut diviser en trois grandes catégories les matériaux dont dispose un historien du cinéma :
1° Les sources et références sur papier, manuscrites ou imprimées ;
2° Les sources orales ;
3° Les sources sur pellicule, c’est-à-dire les films eux-mêmes.”
Cette définition de l’historien du cinéma selon Langlois, nous avons tenté d’y correspondre. Cette méthodologie établie par Sadoul, nous avons tenté de l’appliquer à nos objets. Simplement nous devons rajouter aux sources sur pellicules les sources vidéos et numériques, puisque certains distributeurs utilisent aujourd’hui ces supports pour y réinscrire les oeuvres originellement fixées sur pellicule.



1° Les sources et références sur papiers, manuscrites ou imprimées sont les suivantes :
Elles peuvent consister en archives conservées par les producteurs, scénaristes, réalisateurs, distributeurs. Synopsis rédigés manuellement ou “premiers jets”, dossiers d’agréments déposés par les producteurs au C.N.C. pour passage à la commission de classification, affiches d’exploitation, affichettes publicitaires (que les Anglo-saxons nomment “flyers”) ou jaquettes de cassettes VHS, documents conçus et réalisés par UNIFRANCE pour promouvoir la vente des films français à l’étranger, scénarios complets contenant les continuités dialoguées et le découpage, listes de dialogues en vue du doublage en une langue étrangère ou de la détection, articles illustrés ou non parus dans des les revues de cinéma ou de vidéo, professionnelles ou destinées au public des cinéphiles ou au grand public, livres français ou étrangers. Tous ceux-ci seront crédités dans notre bibliographie et cités en note. Quant à la consultation, au téléchargement et à l’impression (via un ordinateur personnel et une imprimante) de fichiers disponibles sur Internet, ils constituent une source nouvelle qui n’existait pas à l’époque de Sadoul. Elle est à la fois une source écrite et une source filmique, sous réserve, pour cette dernière, de la qualité de définition disponible techniquement.

2° Les sources orales sont bien évidemment les mêmes que celles décrites par Sadoul : entretiens originaux avec les témoins et auteurs du genre, documentaires où ces auteurs et témoins livrent leur point de vue (documentaires tournés sur pellicule ou réalisés en vidéo pour leur diffusion sur un canal de télévision). Mais certains d’entre eux refusent d’évoquer cette période de leur activité et certains autres sont décédés.

3° Les sources sur pellicules ne sont pratiquement plus visibles pour la grande majorité des films qui nous intéressent ici. La distribution de ces deux genres de films en salles de cinéma a quasiment disparue. La seule façon de voir ces films est de les visionner en vidéo. Or la majorité des distributeurs qui distribuaient ces films en vidéo a cessé son activité. Seule la société de distribution F.F.C.M. (Alpha France) tente aujourd’hui de redonner vie à son catalogue classique. Quant aux sociétés de télévision, elles ne recherchent guère ces films qu’elles jugent démodées et ne correspondant plus aux goûts du public. Seule Canal + en diffuse un ou deux par an à ses abonnés. Si bien qu’on peut dire, au sens strict, qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes (juillet 1999), ces films sont bel et bien devenus en majorité invisibles.

Ce qui constitue le point commun de ces trois types de source en matière d’érotisme et surtout de pornographie est, paradoxalement, la rareté et la difficulté d’y accéder. Paradoxalement disons-nous, car enfin les grandes caractéristiques du cinéma érotique de 1968 à 1975 et du cinéma pornographique de 1975 à 1990 furent précisément celles d’une diffusion démesurée en salles, d’une publicité agressive et voyante, d’un succès public et financier considérable. Et cela, en dépit d’une tutelle légale, juridique et policière foncièrement contraignante et en dépit de l’hostilité marquée d’une partie non négligeable de l’opinion publique.



II) Érotisme et pornographie : de la diversité à l’unité du livre

Les auteurs du présent ouvrage se sont vite rendus compte qu’avant d’écrire une histoire du cinéma érotique et pornographique français, il convenait dans un premier temps d’en rassembler les matériaux. Ils constataient depuis des années que ces matériaux étaient épars, difficiles d’accès ou déjà en voie de disparition totale. Et que, si rien n’était fait dans ce sens, ils se retrouveraient vite non pas dans la position de l’historien mais dans celle de l’archéologue. Ils durent d’ailleurs convenir que, concernant un certain nombre d’oeuvres, ils étaient déjà dans cette situation ! Il fallait par conséquent établir au plus vite des fiches techniques de générique précises, des dates fiables de sortie et/ou de réalisation, des métrages exacts ou des durées exactes, des résumés précis de scénarios. Il s’agissait pour cela de visionner ou de faire appel à la mémoire de ceux qui avaient visionné, de rassembler les cassettes VHS parfois re-titrées et dont les jaquettes étaient parfois sans rapport avec le contenu, d’interroger les professionnels. Il a semblé nécessaire de munir d’ores et déjà cette synthèse factuelle de commentaires critiques et historiques. Et de retenir l’ordre alphabétique pour plus de commodité. Un index chronologique année par année et un index des créateurs et artistes le complètent. Les illustrations posaient un problème délicat. Un ouvrage sur le cinéma ne contenant aucune photographie des films dont il traite, même si son contenu est admirable et valable, nous paraît par trop aride aujourd’hui. Un ouvrage en contenant trop risque de s’assimiler à un livre de photographies commentées, genre par ailleurs très respectable en soi, mais qui, dans le cadre de notre matière, prête évidemment à l’équivoque. On jugera si nous avons observé une juste mesure proche de l’anémie ou de la luxuriance, du racolage ou de la nécessaire information.

Quant au choix du sujet lui-même, certains se demanderont pourquoi une telle énergie dépensée pour une matière qu’ils jugent trop basses dans l’ordre esthétique ou même immorale ? A ceux-là nous ne pouvons que répondre par les arguments éprouvés et connus suivants : l’érotisme et son espèce « pornographie » sont des « genres de l’art ». Le cinéma s’y est donc illustré. En outre, tout comme le western italien, le cinéma fantastique ou le “peplum”, ce genre recouvre de nombreuses espèces. Il est riche et varié dans le sens que donnent au mot “variété” Paul Valéry d’une part et les éditeurs new-yorkais de Variety d’autre part. On y trouve des génies, des tâcherons et d’honnêtes artisans, des navets et des chefs-d’oeuvre, des stars et des starlettes, des producteurs authentiques et des escrocs. Il a été, comme les genres cités supra, injustement méprisé par la plupart des critiques et des historiens contemporains de sa grandeur et de sa décadence. Il se trouve être le seul genre à n’avoir pas encore été réhabilité. Peut-être parce qu’en raison de sa nature même, il ne pourra jamais l’être totalement : l’interprétation psychanalytique et sociologique pourrait ici utilement intervenir. Mais il se trouve aussi que le présent ouvrage vient à son heure : la Cinémathèque française tente aujourd’hui de sauver ces films et d’en préserver les négatifs. Des documentaires télévisuels lui sont consacrés ainsi que des rétrospectives (assez rares il est vrai) et les professionnels français du secteur commencent à rendre hommage à leurs aînés lors de certaines manifestations. Certaines études partielles ou plus amples lui ont été consacrées, qui témoignent ainsi de la permanence de l’intérêt inévitable qu’il suscite.

Une autre objection est à la fois plus classique et plus redoutable : pourquoi avoir traité dans le même ouvrage les films érotiques et les films pornographiques ? Cette question recouvre de nombreuses questions annexes, théoriques et pratiques. Lo Duca et Maurice Bessy y ont en partie déjà répondu dans leur monumental L’Érotisme au cinéma (Tomes I&II, Coll. Filmarchives, éd. Lherminier, Paris 1981). Cette question fait, depuis la parution du livre d’Emmanuelle Arsan (Emmanuelle, éd. Eric Losfeld, Le terrain vague, Paris 1968) les délices de l’intelligentsia française. Il est vrai qu’elle est, effectivement, délicieuse en elle-même et très riche sur le plan de ses implications. Du point de vue de l’histoire et de l’esthétique du cinéma, il est indéniable que certains films érotiques ont été conçus par leurs producteurs (et reçus par le public) comme des films pornographiques alors que certains films pornographiques peuvent légitimement revendiquer une dimension poétique et érotique authentique. Et que cette dimension fut d’ailleurs perçue comme telle par le public des salles populaires de l’époque. Il y a là un phénomène de décalage sociologique que Jean-Marie Sabatier avait parfaitement identifié : Le Cauchemar de Dracula (Terence Fisher, GB 1958) était selon lui le nouveau Traité du Désespoir du public qui fréquentait le Colorado, le Mexico et le Brady. Il avait parfaitement raison. Nous pouvons dire pour notre part, que Mes Nuits avec Alice, Pénélope, Arnold, Maud et Richard (Frédéric Lansac, Fr. 1976) fut peut-être mutatis mutandis l’équivalent de L’Érotisme de Georges Bataille comme l’a d’ailleurs expressément revendiqué son producteur dans une interview accordé à Pat Delbe en 1978 (op.cit. infra; Cf. : bibliographie) pour le public de l’Alpha-Elysées, du Maine Rive-Gauche ou du Latin…



Cette question en introduit une autre : les critères de la sélection ? La méthode retenue mélange en effet les deux genres (érotisme et pornographie) inextricablement et l’ordre alphabétique retenu fait se succéder comédie érotique légère et “hard love” sans autre forme de procès. Alors ? Bien qu’ils s’interpénètrent naturellement dans la vie comme dans sa représentation filmique, l’administration française du cinéma a eu et a encore pour tâche de les distinguer et de les classer. C’est toute l’histoire de la loi X dont on trouvera les péripéties relatées précisément dans les deux numéros spéciaux célèbres parus en 1975 et 1977 - un avant, l’autre après le vote de la « Loi X » de 1976 – de la revue professionnelle Le Film français. Concernant les films antérieurs à la loi X, le critère employé par le C.N.C. a été naturellement retenu : représentation explicite d’un acte sexuel. Si on nous demande de quel droit on peut définir ce qui est “sexuel” et ce qui ne l’est pas, la seule réponse possible est de renvoyer aux ouvrages philosophiques, juridiques, psychiatriques, psychanalytiques, sociologiques consacrés à cet aspect de l’activité humaine. Ajoutons pour ceux que cette définition passionne qu’ils trouveront aussi de nombreux renseignements dans l’art plastique et la littérature classique des différentes civilisations. En ce qui concerne la civilisation européenne, Ovide et Platon fournissent déjà une mine appréciable de descriptions et de théories au lecteur peu averti pour autant qu’il s’agisse d’un lecteur majeur, normalement éduqué et constitué. Le lecteur saura en tout cas exactement à propos de chaque film ce qu’il contient, et même s’il contient les deux simultanément : le cas est heureusement très fréquent !

Autre question, beaucoup plus épineuse : comment décider, en ce qui concerne les films érotiques, s’ils appartiennent vraiment à cette catégorie ? Une comédie érotique est-elle d’abord une comédie ou d’abord un film érotique ?
Ici deux critères interviennent :
1)le film a d’abord été conçu par son (ses) producteur(s) et son réalisateur ainsi que par ses distributeurs comme ayant une finalité principalement érotique et son habillage en comédie (ou en tout autre genre) ne relève dès lors que de la contingence.
2)Le public a considéré que le film était un objet de son désir en raison, d’abord et avant tout, de sa charge érotique. La publicité, le “bouche-à-oreille”, et son résultat au box-office ont été déterminé par la présence d’une ou de plusieurs scènes érotiques qui furent l’élément moteur (au sens aristotélicien) de la venue du public dans la salle de cinéma.
Si aucun de ces deux critères ne s’avère suffisant, nous plaidons la subjectivité du jugement de goût (et sa kantienne finalité sans fin…). Subjectivité tempérée par le débat et la discussion, sinon la disputatio, entre observateurs de bonne foi.

Pourquoi 1968 comme terminus a quo ? Parce que, de même qu’il y a un cinéma d’avant et d’après Godard, une histoire du cinéma d’avant et d’après Sadoul, une cinémathèque française d’avant et d’après Langlois (à qui nous empruntons les deux premières dichotomies, cf. : op.cit. supra), il y a un cinéma d’avant et d’après 1968 qui correspond à une modification des sociétés dans lesquelles le cinéma érotique vivait et qui a amené son évolution vers le cinéma pornographique. Sans doute l’érotisme existait-il au cinéma avant 1968 (et Duca & Bessy l’ont amplement repéré) mais sous une forme assez contrainte ou (ce qui revient au même) sublimée. Il est devenu un genre à part entière après cette date. La pornographie, pour sa part, était avant cette date clandestine. Elle accéda alors à un stade qu’il n’est pas exagéré de nommer industriel. Les seules exceptions notables à cette date de départ sont constituées d’anthologies ou de films incontournables (essentiellement érotiques) à une mise en perspective correcte de cette production contemporaine constituée en genres autonomes.

Pourquoi uniquement les films 35mm ? D’abord précisons que certains films furent originellement tournés en 16mm puis “gonflés” en 35mm pour permettre leur exploitation en salles. Nous les considérons bien entendu comme des films à part entière. Nous avons exclu ceux tournés en 8mm ou en super 8mm. Le majorité n’était d’ailleurs pas français ou pas à part entière. Leurs conditions de production, de tournage et de diffusion étaient parallèles mais sans rapport avec celle des films 35mm. Enfin nous avons exclu ceux tournés en vidéo - à une ou deux exceptions près : Baise-moi ! fut distribué en salles de cinéma même si tourné en vidéo numérique – car la production X en vidéo a commencé en France vers 1980 et se poursuit aujourd’hui. Elle est extrêmement riche et variée. Lui accorder une place aurait accru démesurément les dimensions de cet ouvrage. Quant aux cas des films tournés actuellement en 35mm ou en Super-16mm puis directement “mastérisés” et diffusés uniquement par le canal de la vidéo ou des chaînes de télévision, nous avons préféré y renoncer aussi et pour les mêmes raisons.
Ce qui caractérise un film de cinéma, c’est que son passage en salle le rend parent de ses ancêtres, à savoir le théâtre et l’opéra. Et ces trois grands arts ont en commun l’idée d’une représentation collective qui modifie et conditionne la création même de l’artiste créateur et sa réception par le public. Ici, il faudrait reprendre les analyses classiques de Gouhier sur l’essence du théâtre et celles de la Poétique d’Aristote. La vidéo modifie fondamentalement la donne, même s’il y a eu des vidéos projetées en salles puisque la destination de la vidéo est d’abord l’individu, et non une collectivité d’individus rassemblés en un lieu dédié au spectacle.



III) Du film concret à la « fiche film »

Tout d’abord le présent ouvrage n’est pas un ouvrage publicitaire. Il ne prétend pas pousser à la consommation des produits d’une firme quelconque. Nous avons en revanche utilisé de tels catalogues, lorsqu’ils existaient, comme source d’information forcément partielle et partiale.

Les critères de jugement ne sont pas limitatifs. Il ne suffit pas qu’un film se déroule dans de splendides paysages naturels ou dans de très beaux décors, que son scénario soit construit et plein de rebondissements, que ses actrices soient belles et talentueuses, que sa réalisation technique soit correcte pour qu’il soit bon ou beau. Kant a écrit que la beauté n’était pas la représentation d’une belle chose mais la belle représentation d’une chose. Nous partageons cette idée. En revanche ces éléments, lorsqu’ils existent, doivent être mentionnés pour que le lecteur puisse se faire une idée exacte du film.

Il est possible de critiquer correctement un film en quelques lignes, mais certains films nécessitent une analyse plus étendue que d’autres, en raison de leur importance historique, thématique, sociologique ou esthétique. Ici il ne s’agit pas d’une sélection de 1.000 ou 1.500 films sur le million (ou davantage en tenant compte des films tournés « direct to video / TV ») aujourd’hui produit par l’ensemble du cinéma mondial depuis ses débuts mais d’un catalogue exhaustif de la période et du pays considéré : il est par conséquent évident que les notes critiques sont souvent plus proches, du point du vue de l’espace occupé (à quelques notables exceptions près reconnaissables du premier coup d’œil) de celles de Sadoul que de celles de Lourcelles, dans leurs respectifs Dictionnaires des Films.



On connaît le mot de Renan : Toute admiration est historique. Il est partiellement vrai. Le public qui a accordé plus d’entrées et d’argent à tel film qu’à tel autre n’avait pas une vision historique des deux genres « érotisme » et « pornographie » en question. Pour la bonne raison que ces genres se constituaient comme genre sous, et par, ses yeux. Les préfaces de Molière ou Racine à telle ou telle de leur pièce de théâtre apportent la contrepartie : l’admiration naît aussi de la valeur intrinsèque de l’oeuvre et son succès en est la marque. Le public ne peut avoir tout à fait tort. Le critique non plus. C’est à l’historien de comparer, à l’aune de ces deux critères, et avec le recul que lui fournit le temps, les oeuvres entre elles et les jugements qui furent portées sur elles.

Il est vrai qu’un tel travail ne pouvait être entrepris que par des auteurs férus d’histoire du cinéma, connaissant ses classiques et l’ensemble de ses genres, et ayant vu de nombreux films en salles puis en vidéo, bref que par des cinéphiles, disposant en outre de leur collection personnelle, constituée au prix de bien des heures de recherche et d’une grande dépense d’énergie, de l’appui bénévole d’autres collectionneurs, et bien sûr, des professionnels eux-mêmes. Et disposant aussi d’une bibliothèque constituée de longue date. La connaissance du cinéma, du fait d’une implication professionnelle à différents niveaux, donc de l’intérieur, issue ou non d’ailleurs des deux genres en question, n’était pas inutile non plus, si elle n’était pas nécessaire en soi.

La connaissance des cinématographies étrangères érotiques et pornographiques (anglaise, américaine, allemande, suédoise, danoise, italienne, espagnole, chinoise, japonaise) les plus importantes nous a permis une mise en perspective plus juste de la spécificité française et était indispensable à son traitement correct. De même la connaissance des échanges économiques, des flux d’importation et d’exportation dont ces films furent l’objet apporte-t-elle un éclairage passionnant sur les influences et différences. Ces éléments sont mentionnés à leur juste place dans le corps des notices. Nous espérons d’ailleurs que les lecteurs de ces nations y seront sensibles.

Quant aux nombreuses rencontres, visions en groupe de vidéos ou de films en salles, petits débats et discussion, ils furent indispensables, tant du point de vue de l’information et de l’enrichissement mutuel des connaissances que de celui de leur mise en forme. Chacun d’entre nous ressentait la nécessité d’un bilan, d’une synthèse fiable, d’un instrument de travail systématique. Nous étions las de l’éparpillement des données et frappés de leur rareté grandissante, qui faisait craindre un engloutissement. Mais du projet à sa réalisation il manquait encore une étincelle, une initiative qui déclenchât ce moteur à plusieurs temps: ce fut le mérite de Christophe Bier de l’incarner et de lui conférer ainsi son indispensable unité, de lui apporter sa mise en forme concrète, fruit de son expérience et de beaux travaux auparavant solitaires. A lui revient la paternité du livre et sa procréation, le risque, en somme, d’avoir assumé sa genèse.

Paris, le 06 Juillet 1999
Francis MOURY
_________________
http://www.vhs-survivors.com/myvhs.php?alias=Throma


Dernière édition par Throma le Ven Sep 26, 2008 12:33 pm; édité 1 fois
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MessagePosté le: Ven Sep 26, 2008 7:38 am    Sujet du message: Répondre en citant

Trés interessant mister Moury même si quelques phrases sont euh...comme a dit Bier trop universitaires...j'aime bien le style :happy:
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MessagePosté le: Ven Sep 26, 2008 9:01 pm    Sujet du message: Cinerotica : 1er octobre 2008 Répondre en citant

Quel plaisir de lire un texte si bien conçu et si bien illustré ! icon_cool

Bon on me dit ce soir que le magazine et sa section dictionnaire (lettres A-AM) n'arriveront en kiosque que le 1er octobre 2008 au lieu du 29 septembre 2008. "
"Le stress du n°1" en serait responsable... mais enfin puisqu'on m'en fait part en temps voulu, je me fais un plaisir de vous le répercuter ici.

icon_arrow PS / j'ai envoyé un message MP à tubbytoast tout à l'heure.
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MessagePosté le: Sam Sep 27, 2008 7:44 am    Sujet du message: Répondre en citant

J'en ai la Gaule.

Asterix.
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