[M] [Critique] Au Service de Satan

[Walter Paisley]

Enter the devil. 1972.
Origine : Etats-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Frank Q. Dobbs
Avec : Joshua Bryant, Irene Kelly, David S. Cass Sr., John Martin...


Le désert américain, c'est beau, mais il y fait lourd. Même hors-saison. Alors du coup, tout le monde a envie de ne rien foutre. C'est à peu près ce qu'il se passe dans cette toute petite production qu'est Au Service de Satan, qui prend comme idée de départ (pas plus sotte qu'une autre, surtout que ni Massacre à la Tronçonneuse ni La Colline a des yeux n'avaient encore été tournés) qu'une mystérieuse secte sévit dans le désert texan, enlevant les quelques infortunées personnes qui leur passent sous le nez pour mieux les offrir en sacrifice à une quelconque divinité (d'ailleurs, cela existe-t-il, des divinités qui ne soient pas quelconques ?) au fin fond d'une mine plus ou moins désaffectée. Le tenant d'un motel, l'adjoint du shérif, quelques chicos et chicas mexicains, une poignée de chasseurs ainsi qu'après quelques temps une thésarde en anthropologie et le shérif lui-même viendront ainsi faire les frais des fanatiques encapuchonnés.



Le moins qu'on puisse dire, c'est que Frank Q. Dobbs, réalisateur débutant qui l'est à peu près resté (il signe en moyenne un film ou téléfilm tous les dix ans) et ses amis du casting et de l'équipe technique ne semblaient pas vraiment avoir le coeur à l'ouvrage. Prenant exemple sur la voiture du malheureux automobiliste qui crève en plein désert dans le prologue, le film a ainsi vraiment du mal à démarrer. Tout le monde est morose et ne se sent pas trop concerné par ce qui se déroule sous le soleil. Même après avoir retrouvé le pauvre automobiliste carbonisé avec sa voiture au fond d'un ravin, les autorités du coin restent assez passives, et malgré le rapport du médecin légiste comme quoi le bonhomme est mort éventré et non brûlé vif, le shérif s'en foutra comme de sa première chemise. Ce n'est même pas qu'il cherche à taire l'affaire afin de ne pas nuire à la saison de chasse qui s'ouvre : c'est tout simplement qu'il a déjà sa réélection à assurer, et que bon, de ce temps là, faut y aller mollo sur le boulot. Y'a qu'à envoyer l'adjoint dans le désert, il se débrouillera. Mais lui aussi s'en fout un peu, et il ira loger chez son pote qui tient un motel au milieu de nulle part. Avec les chasseurs, il peut y avoir de quoi passer le temps. Manque de bol, ceux-ci sont aussi mous que les autres. Sous la lentille d'un caméraman qui roupille, les seules choses qui vaudront le coup seront les serveuses mexicaines. Ainsi, tout le monde cherchera à se les farcir, plus pour passer le temps que par conviction. Mais pas touche : un moustachu au regard sevère les surveille.



De là à conclure que cet hirsute mexicain est à l'origine du meurtre à coup de serpent à sonnette (en stock shot) qui frappera l'un des chasseurs libidineux et aviné, il n'y a qu'un pas que l'on franchira aisément, et que la fin du film viendra confirmer. Frank Q. Dobbs s'en fout, il adopte la technique du "oh et pis merde, hein". Suite à ce meurtre, les chasseurs, rompant avec la tradition cinématographique voulant qu'ils ne soient que des têtes de mules idiotes, plieront bagage, le coeur n'étant pas à la fête. Non pas parce qu'ils appréciaient particulièrement leur pote, mais parce qu'ils s'emmerdent. "Enfin bon, on aura peut-être plus de chance l'an prochain", nous déclare à peu près l'un des touristes armés. Avec lui et ses potes, ce sera la moitié du casting qui se fera la malle. Heureusement la fameuse thésarde est entre temps arrivée, pour le plus grand plaisir de l'adjoint au shérif, qui y voit un moyen de passer le temps et tremper sa nouille. Elle aussi, malgré ses vélléités estudiantines visant à écrire un livre sur les cultes anciens, elle s'emmerde, et ne demande que ça. Alors hop, c'est parti.
Puis par une belle soirée, l'adjoint, que l'on croit le héros, voit enfin une procession parader dans le désert : encapuchonnés en file indienne, chants grégoriens, torches enflammées, tout y est, alors même que L'exorciste et La malédiction n'existent pas encore. Révolutionnaire ? Non. Il semblerait que Au Service de Satan se soit fortement inspiré d'un certain Lash of the Penitentes datant de 1937, un film de Roland Price et Harry Revier aujourd'hui irrémédiablement perdu (du moins pour une moitié).



Malgré tout, on ne peut nier à Frank Q. Dobbs d'avoir anticipé à la fois sur les futurs survivals et, de façon peut-être moins évidente vu que l'horreur à tendance religieuse était encore monnaie courante même pas dix ans auparavant, sur les films d'épouvantes mystiques. Quoi qu'il en soit, le scénario commence enfin après cela à être développé, à défaut d'être traité de façon moins laxiste (le réalisateur fait exploser une voiture avant même qu'elle n'ait touché le fond du précipice dans lequel elle plonge, sans doute histoire de gagner du temps). Une grosse surprise nous attendra allez, je vous la gâche : le héros y passe une demie heure avant la fin !), ainsi qu'une scène de crucifixion assez bien pensée (avec du fil barbelé pour fixer la victime sur sa croix). Mais malgré tout, nous ne couperons pas au final convenu, avec ce qui reste de héros planqués pour assister à un sacrifice. Ils feront involontairement chuter une pierre de leur cachette, et ça sera le début de la fin du film. La fin de la fin étant expédiée en deux secondes par un moyen somme toute assez sommaire, mais toujours efficace.



Au Service de Satan n'a vraiment rien d'inoubliable, si ce n'est pour ses quelques aspects préfigurant sans panache quelques futurs classiques. Dobbs exploite relativement mal le très beau désert qui lui sert de décors et il ne semble même pas s'en soucier. Il expédie son film platement et au final il n'aura même pas expliqué qui sont au juste ces adorateurs du malin qui n'en sont pas, puisqu'ils ne nomment jamais celui à qui les sacrifices sont adressés (et ça m'étonnerait que "tu iras en enfer" soit le genre de menaces que profère un sataniste en colère). Gageons qu'il s'agit encore d'une de ces dangeureuses sectes comme il en existait tant à l'époque.

4/10

Accroche : Farniente inventif

[flint]

Je n'ai pas vu ce film, mais le côté secte sataniste évoluant en plein désert me rappelle "La Pluie du Diable" qui m'avait fortement déçu, bien que réalisé par le talentueux Robert Fuest.
Il faut croire que ce thème n'inspire pas les cinéastes.

[mallox]

Je ne connais pas ce film, mais la pluie du diable est en effet une sale bruine pas bien méchante et assez chiante/il est pas extraordinaire le bilan de Fuest, non? Ah si Aphroditeuh.............. !
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[Throma]

Vu ce film une première fois dans des conditions assez uniques : dans une chambre d'hôtel, dans un village sinistre espagnol plongé sous la brume et l'orage (on se serait cru dans un film d'épouvante avec Naschy) et via un camescope sur un mini-poste qui ne captait que du noir et blanc. Du vrai système D mais l'ambiance aidant fortement, j'avais beaucoup aimé cette histoire de sacrifice dans des grottes jouxtant un village désertique.
Revu il y a peu dans des conditions normales : la magie avait disparu au profit de l'ennui. Faut admettre hélas qu'entre 2 sabbats à la lueur des torches, on s'emmerde pas mal. Et puis, il y a les incohérences dont Walter parle... A voir tout de même en raison de l'extrême rareté du film et je ne parle pas là des éditions vidéo encore assez courantes mais de sa réputation de toute petite exploitation satanique ricaine disparue définitivement dans les limbes après une rapide diffusion dans les drive-ins de la-bas au milieu des années 70, et qui n'est pas prête de connaitre une sortie en dvd.
C'est aussi ça le miracle de la vhs : nos éditeurs video se cassaient le cul pour nous trouver des perles de tous horizons dont personne n'avait jamais entendu parler jusque là.
Tout le contraire de Neo Publishing par exemple qui se contente de nous servir de la soupe où bien alors des produits épouvantables dont on se passerait bien (les Reveillon sanglant, Funny man et j'en passe...)
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http://www.vhs-survivors.com/myvhs.php?alias=Throma

[flint]

[The Omega Man]

Un film assez rare mais qui fut édité en LD en neerlandais et aussi en DVD-R sur plusieurs sites.

La bande annonce disponible sur Youtube à l'air pas mal en tout cas

[mallox]

[Walter Paisley]

[Bastien]

Hello Walter !

Critique sympa pour un film que, contrairement à toi, j'ai pas mal aimé...

Certes, il s'agit d'une production "régionale" américaine et, en tant que telle, elle n'a parfois de petits raretés, ses membres n'étant pas des professionnels expérimentés.

Pour en revenir à ce film, j'ai pas mal aimé l'histoire de cette secte religieuse renouant avec des sacrifices pour ceux dont le comportement n'est pas conforme aux préceptes du seigneur.

En outre, l'action se passe dans le désert proche du Mexique, c'est à dire une contrée presque inhabitée qui est propice pour passer inaperçue.
L'intrigue est matinée d'un petit whodunit, ce qui pour moi ne gâche rien, t on ne peut se fier à personne et le héros putatif passe à trépas.

Donc, à mon sens, un bon petit moment mais pas une perle inestimable non plus !

Bravo à toi, Walter, pour nous avoir sorti la filiation avec Lash of the penintente.

Aussi, je serais trés indulgent avec ce chouette petit film issu d'une production hélas disparue, les petites productions locales américaines et totalement indépendantes, qui misaient notamment sur l'horreur, et qui avaient une saveur bien particulière !

Une question : n'est-ce pas de ce milieu que sont sortis Massacre à la tronçonneuse ou encore Assaut de Carpenter ?

6/10 !
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http://leroyaumedesavis.over-blog.com/

[Walter Paisley]

La critique, et donc la vision du film, datent de bien trop longtemps pour que je m'y fie encore. Si ça se trouve je serais plus indulgent.

Par contre effectivement, les mini productions des années 70 américaines valent souvent le coup. Même ratées, elles étaient souvent moins formatées que ce qui a suivi dans les décennies suivantes, quand l'horreur s'est embourgeoisée voire infantilisée après une paire de gros succès commerciaux. Ça vient peut-être du fait que l'horreur moderne était encore en train de s'écrire à l'aveuglette (Massacre à la tronçonneuse en est effectivement un bon exemple), et qu'il n'y avait pas autant de poncifs et d'étapes obligatoires au cahier des charges. Donc plus de libertés et d'imagination pour des réalisateurs de l'après-flower power.
(ce qui nous ramène tout droit à Corman et à la New World, tiens !)

[Bastien]

Hello Walter !

Toujours content de te lire !

Oui ! Il semble que ces productions-là constituent un vivier trés intéressant quoique pas mal négligé !

Je pense en fait à un tissu de petits films faits au coup par coup, avec des acteurs locaux, des réalisateurs qui n'ont pas trop de bouteille et des techniciens de films industriels !

L'A.I.P de Nicholson et d'Arkoff, elle, peut s'apprécier comme une structure qui délivre à flux tendu des films. Donc, je ne la classe pas dans le même registre.

Mais ces films réellement indépendants sont légion :
Le jardin des morts, l'invasion des araignées géantes, des soucoupes volantes, l'horrible invasion, Terreur extra-terrestre, Grizzly...

Bref, c'est toute une classification qui n'a presque jamais été ébauchée et qui pourrait, si on la garde tel quelle, constituer un courant dont nous devrions logiquement être loin, en France, de tout connaitre.

Pour en revenir à Massacre à la tronçonneuse, il me semble avoir lu (dans Mad Movies mais je peux me tromper) que cela aurait été indirectement été financé avec l'argent du X...
Mais je n'en suis vraiment plus sûr, pas plus que de la source en fait...
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