[M] [Critique] Pensione paura - 1977

 
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mallox
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MessagePosté le: Lun Mai 16, 2011 1:12 pm    Sujet du message: [M] [Critique] Pensione paura - 1977 Répondre en citant



Pensione paura - 1977

Origine : Italie / Espagne
Genre : Thriller / Horreur / Drame / Giallo

Réalisé par Francesco Barilli
Avec Leonora Fani, Luc Merenda, Francisco Rabal, Lidia Biondi, Jole Fierro...


Durant la seconde guerre mondiale, Marta (Lidia Biondi) gère un hôtel situé au bord d'un lac, avec l'aide de sa fille Rosa (Leonora Fani). N'ayant pas les moyens, les deux tenancières sont contraintes de ne pas être regardantes sur la clientèle.
La mère cache un amant (Francisco Rabal) dans une pièce à l'écart. Durant ce temps, le mari est parti à la guerre et tarde à revenir. Les rumeurs vont bon train, et Rosa ne veut pas admettre que ce père, qui lui manque cruellement, est certainement mort. L'un des principaux hôtes est Rodolfo (Luc Merenda), un Don Juan de pacotille, vaguement alcoolique, qui ne cesse de la harceler afin qu'elle cède à ses avances. L'homme est vaniteux, machiste, stupide, peut-être même dangereux.
Bientôt, Marta est retrouvée morte. Elle s'est cassé le cou de façon mystérieuse, apparemment en ratant une rampe d'escalier. Dès lors, Rosa va se trouver à la merci des pensionnaires qui s'avèreront tous peu recommandables, voire dangereux, profitant probablement que la jeune fille soit dorénavant seule. Autant dire qu'entre des fugitifs, des prostituées, et des gens qui bientôt tenteront de la séquestrer, le danger guette.
Elle est tout d'abord violée une nuit par Rodolfo, lequel est aidé par sa maîtresse, une pute ordurière de bas étage. Elle est ensuite menacée par deux trafiquants aux allures fascisantes, convaincus que la fille cache des bijoux. Par la suite, les cadavres de toutes les personnes lui causant du tort s'amoncèlent. Les premières victimes sont tuées dans leur lit par un énigmatique assassin encapuchonné...



Tout comme l'envoûtant "Il profumo della signora in nero", "Pensione paura" est un exercice insolite et brillant, peaufiné jusqu'aux moindres détails, une pellicule aux contours lisses et pourtant contaminée de l'intérieur par une galerie de portraits représentant les différents aspects de la perversité, autant que la dissection cruelle d'une psyché tourmentée par un deuil récent. Des thèmes qui s'articulaient, dans son premier film, autour d'une Mimsy Farmer perdue aux confins d'un thriller onirique mâtiné de satanisme et de cannibalisme social.
Si ce n'étaient les divers emprunts effectués par Barilli, on aurait bien du mal à classer ses films dans la catégorie Bis, tant le souci de perfection se fait sentir, que ce soit au niveau formel qu'au niveau thématique, riche et alambiqué.
En plus d'avoir mené et de mener encore une carrière de réalisateur, Francesco Barilli est un acteur de théâtre et de cinéma, ainsi qu'un solide scénariste, dont certains thèmes, à bien y regarder, semblent récurrents. Après avoir brillamment abordé le deuil de l'enfant dans "Qui l'a vue mourir ?" d'Aldo Lado, d'en avoir esquissé un autre - celui de la femme aimée - dans "Au pays de l'exorcisme", la perte de l'être proche reviendra comme au naturel, au premier plan, dans ses deux seules réalisations pour le cinéma : La perte de la mère dans "Il profumo della signora in nero", synonyme d'une disparition des repères puis d'un chemin de croix labyrinthique et schizophrénique ; la perte du père dans "Pensione paura", laquelle, à l'instar du film précédent, fragilisera l'héroïne jusqu'à la rendre vulnérable, la faire devenir proie, puis peut-être enfin, prédatrice, ce dans un désir de retrouver les fondements d'une protection familiale pourtant à tout jamais perdus.
Rien que cette seule obstination à revenir sans cesse sur ce même terrain morbide de la perte de l'être cher et de sa propre identité contribue à faire de Barilli un cinéaste à la fois personnel et singulier. Ce qui étonne encore d'avantage, c'est la stylisation dont celui-ci fait preuve, empruntant parfois à d'autres cinéastes pour construire un univers au final tout à fait unique. Il en va de même pour la multiplication des thèmes autant que des genres, qui s'entrecroisent comme dans une valse-hésitation pour former tout compte fait des objets autant harmonieux que difficilement classables.



Scabreux, malsain, heurté, cruel, "Pensione paura" prend les mêmes chemins sinueux qu'"Il profumo della signora in nero", mais de façon plus agressive. Ce qui ressemble de prime abord à de la confusion narrative n'en fait pas un film aussi directement aimable que son prédécesseur. Si la même atmosphère austère, lugubre, se fait sentir du premier au dernier plan, ce n'est que dans les dix dernières minutes que le puzzle, tout fait de portraits en pagaille dans un hôtel non moins désordonné, semble s'assembler pour épouser la forme d'un thriller façon "Psychose", en plus de révéler ce qu'il est vraiment : un drame psychologique.
Soit, le temps de quelques meurtres perpétrés par un personnage doté d'un imperméable gris, "Pensione paura" emprunte des chemins giallesques ; mais ce n'est qu'un palier au sein d'une bobine qui s'attèle avant tout à dépeindre un microcosme : chaque pièce du puzzle est à l'identique de l'une des chambres et de son pensionnaire. Et chaque pensionnaire est quant à lui à l'image d'une réalité sociale extérieure, dans une Italie à la fois en guerre et en pleine décadence. A cet égard, Barilli dissèque le comportement d'une société livrée à elle-même, au sein de laquelle les déviances de chacun explosent au grand jour par la force des choses. A l'instar des exactions fascistes quotidiennes, il vient symboliquement en remettre une couche et semer régulièrement le trouble par l'intermédiaire de deux malfaiteurs s'introduisant dans ce même microcosme. Le décor délabré est quant à lui à l'image du pays.
L'absence du père se fait - et c'est un paradoxe - omniprésente. Elle signifie la vulnérabilité d'une innocence face à la décadence (celle de Rosa), mais plus globalement la perte d'une juste autorité pour diriger un pays et ses habitants. L'hôtel - et ses pensionnaires - dirigé par Rosa et sa mère en est le modèle réduit.
L'amant caché est le résistant ; le Don Juan, le collabo profitant de la situation ; les bandits, des chemises noires ; Rosa, la virginité maculée ; et l'agressivité grandissante des hôtes, le basculement des valeurs morales de tout un pays.



Magnifié par la superbe photographie de Gualtiero Manozzi et amplifié par un thème musical entêtant d’Adolfo Waitzman, qui sert de prisme à la fois aux tourments adolescents de Rosa et à l'anarchie au sein de l'hôtel, "Pensione paura" s'avère aussi un vrai régal pour les sens.
Assez proche par moments, tant par l'atmosphère, la variété des registres abordés, que son esthétisme, de la démarche d'un Pupi Avati pour "La maison aux fenêtres qui rient" (la ressemblance entre les bâtisses des deux films demeure troublante, même s'il est possible que cela soit fortuit), semblant emprunter ailleurs ses jeux d'ombres et de couleurs chez Dario Argento et son "Suspiria" (les déambulations de Rosa, la nuit dans l'hôtel... les ombres maléfiques sur les murs... la scène des cafards dans le lit se substituant à celle des asticots), "Pensione paura" paraît reprendre son dû ("Suspiria" semblait quant à lui être venu puiser dans "Il profumo della signora in nero", par son héroïne et sa variation sur le thème d'"Alice au pays des merveilles") en offrant deux plongées vertigineuses en une : celle quasi-désespérée (pour ne pas dire nihiliste) dans la psyché d'une adolescence meurtrie à jamais, et celle dans une Italie en pleine anarchie décadente.



Le principal reproche que l'on fera à Francesco Barilli est d'avoir traité de manière trop inégale les hôtes de son film, et ce faisant, de contribuer à contribuer à ce que les acteurs participent à l'écran avec une implication semblant aller de pair. Ainsi, on a beau nous prévenir au générique de la "présence extraordinaire" de Francisco Rabal, son jeu est complètement transparent, rendant son personnage à la limite de l'accessoire, voire du pur leurre (tout du moins pour le pendant giallesque du film). Lidia Biondi ("Danger: Diabolik!") manque quelque peu de caractère, en plus de disparaître assez tôt ; idem, a contrario, pour l'irruption tardive d'un autre acteur, irruption moyennement convaincante. En revanche, on peut dire que "Pensione paura" est soutenu par les prestations brillantes de Leonora Fani (aperçue dans "Il conto è chiuso" de Stelvio Massi, et dont on se souviendra surtout dans "Giallo a Venezia" de Mario Landi en 1979) et de Luc Merenda qui, peut-être, livre ici sa meilleure prestation : une composition à la fois déchaînée, grotesque, menaçante, physique et mentalement barrée. Si je vous dis que rien que pour lui, "Pensione paura" est à voir, j'espère donner envie au lecteur qui ne l'aurait pas encore fait, d'aller s'aventurer puis se perdre dans cet hôtel peu recommandable qui, pourtant, offrira pas mal de satisfactions à sa clientèle...


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Dernière édition par mallox le Mer Avr 08, 2020 2:15 pm; édité 5 fois
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sigtuna
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MessagePosté le: Mar Mai 17, 2011 8:45 am    Sujet du message: Répondre en citant

Ta critique donne envie,
je ferait des commentaire plus instructif dès que j'aurais vu la bête (incessamment sous peu). icon_cool
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