Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
|
Posté le: Mer Avr 18, 2012 8:30 pm Sujet du message: [M] [Critique] L'Evadée |
|
|
L'Evadée (The Chase)
Etats-Unis – 1946
Réalisation : Arthur Ripley
Avec : Robert Cummings, Michèle Morgan, Peter Lorre, Steve Cochran, Lloyd Corrigan, Jack Holt…
Genre : Film noir
Accroche : Le pas si talentueux Mr Ripley
Chuck Scott, vétéran de la seconde guerre mondiale démobilisé et sans le sou, erre sans but dans les rues de Miami en regardant avec envie les vitrines de restaurants quand il tombe sur un portefeuille abondement garni. Après s’être repu dans un modeste drugstore grâce à l’argent trouvé, son honnêteté foncière prend le dessus et il rapporte le dit portefeuille à l’adresse indiquée sur la carte d’identité du propriétaire, Eddie Roman. Le voilà donc devant une villa cossue d’un quartier aisé, où il subit un véritable interrogatoire de la part du factotum des lieux et d’un individu louche, Gino, avant d’être présenté à Eddie Roman. Ce dernier, sous des dehors d’homme d’affaires respectable, est en fait un gangster sadique et imprévisible. La franchise et l’honnêteté de Scott l’amuse, et il l’engage incontinent comme chauffeur. Lors de la première "course" de Scott, Roman teste son sang froid et ses capacités de pilote grâce à un dispositif lui permettant d’enlever au chauffeur le contrôle des freins et de l’accélération, pour les donner à des pédales secondaires placées devant le siège passager. Scott réussit le test qui se termine à quelques mètres d’un train express. Roman a aussi une blonde, sculpturale et mélancolique épouse, Lorna, qu’il séquestre et dont Scott tombe amoureux. Il décide d’aider Lorna à s’enfuir, en prenant avec elle un bateau à destination de La Havane…
Voila un film noir de la grande époque, avec des acteurs connus et talentueux, une histoire tirée d’un roman d’un des auteurs de polars les plus réputés de son temps (et le plus adapté), et réalisé par le créateur de la chaire de cinéma à la prestigieuse université de l’UCLA. Avec tous ses atouts, difficile de se rater. Et de fait, ce film est loin d’être un ratage, mais il n’est pas pour autant pour autant un chef-d’œuvre. La mise en scène est assez incolore (un comble pour un film noir) pour ne pas dire quelconque ; les acteurs sont parfois à contre-emploi ou, en tout cas, il manque quelque chose pour qu’ils soient tout à fait crédibles sans que leur talent de comédien soit en cause. Mais surtout, et c’est sans doute ça le principal problème : l’histoire n’est pas assez "cinématographique" pour faire un bon film. Je me rends bien compte que cette dernière phrase n’est pas claire, mais il m’est difficile d’être plus explicite sans trop dévoiler le scénario. Disons qu’au début du troisième tiers du film, arrive un twist qui efface tout ce qu’on a vu au second tiers pour le recommencer totalement. Un twist totalement imprévisible, sauf au moment où il arrive (car sinon le film est terminé), mais imprévisible uniquement parce qu’on nous a caché un élément important sur le héros. Bref, le genre de truc, original certes, qui peut marcher dans un livre, mais qui fonctionne moins bien sur un écran et nous fait regarder la fin du film avec désintérêt.
Ce scénario est tiré d’un roman de Cornell Woolrich, plus connu sous son pseudonyme (qu’il utilisait pour signer ses romans policiers) de William Irish. Considéré de son vivant comme un des plus grands auteurs de polars américains, ne cédant que devant Hammett et Chandler, il est celui dont les romans seront les plus adaptés au cinéma et par des réalisateurs aussi divers que Jacques Tourneur, Hitchcock (Fenêtre sur cour) ou Truffaut ("La mariée était en noir", "Les sirènes du Mississippi"). La personnalité de Woolrich ne déparerait pas dans un de ses romans. Jeune mondain homosexuel, il épousa l’innocente fille d’un producteur (le jour de son mariage, l’article du journal régional couvrant l’événement laissait entendre, à mots à peine couverts, qu’au vu des mœurs passées et de l’attitude du fiancé, seule sa promise était dupe de la mascarade) pour lui faire une mauvaise blague, et il la quitta (aussi vierge qu’il l’avait trouvée) au bout de trois mois parce qu’il ne supportait plus d’être éloigné de sa mère (une artiste juive new-yorkaise, caricature de la génitrice possessive et castratrice). A la fin de sa vie, misanthrope et cloîtré dans sa suite d’hôtel, il sera amputé du pied à cause d’une chaussure trop serrée, comme dans un mauvais sketch (précisons quand même qu’entre les deux il y eut une histoire de gangrène).
Pas grand-chose à dire sur la mise en scène d’Arthur Ripley, strictement fonctionnelle. Surtout connu pour avoir créer la chaire de cinéma à la prestigieuse UCLA, Ripley n’a pas laissé un grand souvenir en tant que metteur en scène. Il débuta chez Mack Sennet, où il fut gagman d’Harry Langdon, en duo avec un autre jeune scénariste répondant au nom de Frank Capra. Quand Langdon s’affranchit de Sennet pour fonder sa propre maison de production, il emmena Capra et Ripley avec lui, et ces deux derniers se retrouvèrent rapidement promus co-réalisateurs. Mais quand Capra quitta le navire deux ans plus tard, les films de Langdon scénarisés par le seul Ripley furent des échecs. Ripley se retrouva scénariste (et gagman) indépendant et, parallèlement, réalisateur de courts métrages comiques, le plus souvent des films qu’il avait scénarisé, mais pas toujours (il eut ainsi l’insigne honneur de diriger W.C. Fields). Au tournant des années 40, il passa aux longs métrages (le présent film étant son 4ème et pénultième) sans rencontrer le succès public malgré de bonnes critiques. Il se consacra par la suite à l’enseignement.
L’interprétation cristallise les défauts et qualités du film : de bons acteurs livrant des prestations très correctes, mais auxquelles il manque quelque chose. L’exemple le plus criant étant celui du plus célèbre d’entre eux, bien que relégué ici à un second rôle : Peter Lorre. Son talent n’est absolument pas en cause, et dans le rôle du bras droit / tueur / conseiller du gangster Eddie Roman son numéro d’imitation de Georges Raft ou Bogart première période serait plutôt réussi s’il n’était pas complètement à contre-emploi. Avec son mètre cinquante et son visage lunaire, difficile en effet de le trouver crédible quand il menace et terrorise un armateur. Dans le même ordre d’idée, et même si c’est moins criant, Steve Cochran est un peu trop jeune et lisse pour interpréter le sadique et torturé Eddie Roman. Robert Cummings paraît lui trop “sain d’esprit” dans le rôle du héros, même si cela participe à égarer le spectateur. Enfin, Michèle Morgan semble un peu trop âgée pour jouer les blondes fatales, pour lesquelles on risquerait sa vie. Je dis "semble" car elle n’avait en fait à l’époque que 26 ans, mais dix ans après ses débuts français, où elle étalait son irréelle et précoce beauté, elle a pris l’aspect d’une respectable bourgeoise "provinciale" (cette dernière réflexion, tout comme l’ensemble de cette modeste critique, n’engage bien évidemment que moi).
Bref, pour résumer : ce film n’est pas si mal ; il aurait pu être mieux, mais il y a trop de choses qui ne fonctionnent pas.
7/10 _________________
 |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
|
Posté le: Jeu Avr 19, 2012 9:56 am Sujet du message: [C] Fiche dvd L'Evadée |
|
|
Fiche DVD
L'Evadée - Artus Films
Région : Zone 2 PAL
Editeur : Artus Films
Pays : France
Sortie film aux USA : 16 Novembre 1946
Sortie DVD France : 2 Mai 2012
Durée : 86 minutes
Image : 1.33 original respecté (4/3) – Noir et Blanc
Audio : Dolby 2.0 mono
Langue : anglais
Sous-titres : français
Bonus :
- “William Irish and the Chase”, par Stéphane Bourgoin
- Court métrage “Héroïne” (2011) de Mireille Huchon et Bernard Laborde
- Bandes-annonces de l'éditeur
- Diaporama de photos
Cette curiosité à plus d’un titre était, malgré son prestigieux casting, inédite à ce jour en France en DVD. Alors, une fois de plus, remercions Artus de nous permettre de le voir avec des sous-titres français.
Bon, le film accuse son age, mais si ni l’image ni le son ne sont parfaits, le seul véritable défaut (rien de bien grave) à signaler concerne une scène de plage tournée en studio, en utilisant des caches par transparence, où la "mer" en fond donne l’impression d’une toile déchirée.
Les deux principaux bonus sont un entretien avec Stéphane Bourgoin (spécialiste des romans policiers, auteur lui-même de polars et grand connaisseur de l’œuvre de William Irish), et un court métrage intitulé "Héroïne".
Ce court de près d’une demi-heure, qui n’est pas mentionné sur le site de l’éditeur, est un bonus aux bonus. On sera donc indulgent avec cet équivalent d’un délire potache d’étudiants mais réalisé par des presque quinquagénaires (qui, dans le générique de fin, remercient leurs conjoints d’avoir gardé les gosses pendant qu’ils tournaient le WE), d’autant que, n’ayant pas de fiches DVD à rédiger, rien ne vous force à le regarder.
Bref, un achat conseillé si vous êtes un fan de Peter Lorre, un admirateur de Michèle Morgan, ou un inconditionnel de William Irish. Un DVD à déguster comme il se doit avec un verre de Bourbon ou un Mojito (suivant la saison).
 _________________
 |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
flint Super héros Toxic


Inscrit le: 13 Mar 2007 Messages: 7606 Localisation: cusset-plage
|
Posté le: Jeu Avr 19, 2012 10:35 am Sujet du message: Re: [Critique] L'Evadée |
|
|
Personnellement, j'ai trouvé le film sympa. Cela dit, je n'ai vu que très peu de films noirs, mais c'est un genre qui, d'ordinaire, me laisse assez froid. Par exemple, "Le Grand Sommeil", qui date aussi de 1946, m'avait carrément emmerdé (et j'avais trouvé l'histoire particulièrement confuse).
Michèle Morgan paraît un peu "perdue" dans le film, assez mal à l'aise. Par contre, je dirais que le trio Cummings/Lorre/Cochran donne entière satisfaction (mention spéciale au troisième, savoureux en criminel pervers).
A propos du fameux rebondissement :
sigtuna a écrit: |
Un twist totalement imprévisible, sauf au moment où il arrive car sinon le film est terminé, mais imprévisible uniquement parce qu’on nous a caché un élément important sur le héros. |
Pas tout à fait, car au début du film on aperçoit Cummings absorber des comprimés, et on devine alors qu'il suit un traitement (même si ce n'est pas évident). Le twist en question m'a bluffé, et j'ai trouvé cette audace scénaristique intéressante, car on a été habitué, dans une flopée de films, à voir ce twist utilisé de façon plus qu'abusive en fin de film.
Là, c'est carrément différent, et a le mérite de relancer l'histoire. Plutôt bien vu, pour ma part.
Bon, "L'Evadée" n'est pas non plus le genre de film que je reverrai plusieurs fois. La partie "cubaine", notamment, souffre de quelques longueurs. Une curiosité à voir une fois, dirons-nous. |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
flint Super héros Toxic


Inscrit le: 13 Mar 2007 Messages: 7606 Localisation: cusset-plage
|
Posté le: Jeu Avr 19, 2012 10:39 am Sujet du message: |
|
|
Je n'avais pas vu ta fiche dvd :
C'est en rapport avec les bonus ?  |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
|
Posté le: Jeu Avr 19, 2012 10:55 am Sujet du message: |
|
|
flint a écrit: |
C'est en rapport avec les bonus ?  |
C'est la prochaine sortie Artus.
En fait c'est, dans le court métrage, la seule capture possible ayant un intérêt esthétique.
Sinon j'ai peut être été un peu dur avec ce film le twist au 2/3 du film est en effet gonflé, et pour les cachets effectivement à posteriori on comprend pourquoi il en prend, mais au moment ou il le fait on peut penser qu'il s'agit de coupe faim ou d'aide à la digestion. Mais bon j'ai surtout eu l'impression de m’être fait avoir.
flint a écrit: | "Le Grand Sommeil", qui date aussi de 1946, m'avait carrément emmerdé (et j'avais trouvé l'histoire particulièrement confuse). | Effectivement l'intrigue est assez complexe, mais ayant lu le roman j'avoue que ça ne m'a jamais posé problème et ce doit être un des mes film noirs préféré (en grande partie grâce au casting).
La version des années 70 avec un Mitchum âgé est elle très mauvaise. _________________
 |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
|
Posté le: Jeu Avr 26, 2012 3:06 pm Sujet du message: Re: [C] [Critique] L'Evadée |
|
|
sigtuna a écrit: | "Les sirènes du Mississippi" |
Copyright psychovision.
(ça a été changé lors de la mise en ligne) _________________
 |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
flint Super héros Toxic


Inscrit le: 13 Mar 2007 Messages: 7606 Localisation: cusset-plage
|
Posté le: Jeu Avr 26, 2012 3:16 pm Sujet du message: |
|
|
Ah oui, je suis passé à travers, c'est "La sirène...". :timide:
J'ai dû confondre avec "Les sirènes du port d'Alexandrie..."
 |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
|
Posté le: Jeu Avr 26, 2012 4:20 pm Sujet du message: |
|
|
:timide: désolé, en même temps Truffaut a renié ce film.  _________________
 |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
Bigbonn Psycho-cop


Inscrit le: 13 Déc 2004 Messages: 4107
|
Posté le: Ven Avr 27, 2012 6:45 am Sujet du message: |
|
|
flint a écrit: | Ah oui, je suis passé à travers, c'est "La sirène...". :timide:
J'ai dû confondre avec "Les sirènes du port d'Alexandrie..."
 |
Flint, le cloclo de Psycho!?!
Pas vu le film par contre, donc pas d'avis à donner mais je vois ce que tu veux dire, sigtuna, par rapport au casting, c'est vrai que les captures ne montrent pas forcément qui est qui. N'était-ce pas voulu? (car parfois, dans les films noirs, on aime perdre son monde et multiplier les faux-semblants). |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
|
Posté le: Ven Avr 27, 2012 7:06 am Sujet du message: |
|
|
Bigbonn a écrit: | c'est vrai que les captures ne montrent pas forcément qui est qui. N'était-ce pas voulu? (car parfois, dans les films noirs, on aime perdre son monde et multiplier les faux-semblants). | Ah non là les personnalité sont définis des le départ ce qui n'exclue pas des surprises. _________________
 |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
|
Posté le: Dim Aoû 05, 2012 4:11 pm Sujet du message: |
|
|
Sigtuna a écrit: | il manque quelque chose pour qu’ils soient tout à fait crédibles sans que leur talent de comédien soit en cause. Mais surtout, et c’est sans doute ça le principal problème : l’histoire n’est pas assez "cinématographique" pour faire un bon film. Je me rends bien compte que cette dernière phrase n’est pas claire, mais il m’est difficile d’être plus explicite sans trop dévoiler le scénario. Disons qu’au début du troisième tiers du film, arrive un twist qui efface tout ce qu’on a vu au second tiers pour le recommencer totalement. Un twist totalement imprévisible, sauf au moment où il arrive (car sinon le film est terminé), mais imprévisible uniquement parce qu’on nous a caché un élément important sur le héros. Bref, le genre de truc, original certes, qui peut marcher dans un livre, mais qui fonctionne moins bien sur un écran et nous fait regarder la fin du film avec désintérêt. |
Bah voilà. Moi aussi je trouve que ça ne le fait pas du tout, contrairement à Flintos.
Les comprimés, on y fait pas gaffe et le film a alors 5 longueurs d'avance sur le spectateur. Du coup, il est impossible je trouve d'avaler en fin de film le twist foireux qui arrive au 2/3 car comme le dit Sigtuna :
Sigtuna a écrit: | Robert Cummings paraît lui trop “sain d’esprit” dans le rôle du héros, même si cela participe à égarer le spectateur. |
Et ça, ça fait grosse arnaque.
Même si perso je me suis pas laissé prendre pour cause que j'ai pas vu le meurtre, j'avais la tête baissée sur de la beuh. Donc pour moi, il s'était rien passé, on me l'a dit quand j'ai demandé et j'ai donc deviné la fin en me faisant engueuler parce que soit-disant j'avais rien regardé.
Mais bon après un début un peu chiant, c'est tout de même pas si mal. Quoique totalement improbable ! _________________
 |
|
Revenir en haut de page |
|
 |
|