[M] [Critique] La Trahison se paie cash - 1975

 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Psychovision.net Index du Forum :: Western / Polar / Guerre
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
mallox
Super héros Toxic
Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006
Messages: 13982
Localisation: Vendée franco-française

MessagePosté le: Lun Avr 22, 2013 10:03 am    Sujet du message: [M] [Critique] La Trahison se paie cash - 1975 Répondre en citant



La Trahison se paie cash - 1975
(Framed)

Origine : Etats-Unis
Genre : Polar / Action / Vigilante-Vengeance / Film noir remis au goût du jour

Réalisé par Phil Karlson
Avec Joe Don Baker, Conny Van Dyke, Gabriel Dell, John Marley, Brock Peters, John Larch, Warren J. Kemmerling, Paul Mantee, Walter Brooke, Joshua Bryant...




Ron Lewis (Joe Don Baker) est un ex joueur de poker, maintenant tenancier d'un boîte de nuit. Le voilà qui repique au jeu, au grand dam de Susan Barrett (Conny Van Dyke), sa régulière. Mais le jeu en vaut la chandelle et, après un court séjour au Texas pour une partie de poker avec un beau magot à la clé, Lewis s'en revient chez lui. Après avoir fêté son gain, il accepte la requête de Susan qui lui demande de se ranger, la somme gagnée étant suffisante pour payer un bout de temps les traites du club. Lewis accepte. Sauf qu'un peu plus tard, de nuit, il se retrouve avec deux voitures lui barrant la route. Ce dernier, croyant à des problèmes mécaniques, descend de voiture pour proposer son aide avant de recevoir deux coups de feu en réponse, manquant d'être tué.




Lewis n'a décidément pas de chance, puisque, à peine revenu chez lui garer sa caisse, le voici mis en joue par un flic local pourri (George Jensen), lui demandant d'où il vient, avant de le mettre directement et sans sommation en état d'arrestation pour l'incident survenu ci-avant. Lewis ne parvenant pas à en placer une, finit par se rebeller, sauf qu'à la fin de la bagarre, alors qu'il est lui-même bon pour l'hosto, le flic meurt, la tête fracassée, dans un geste de légitime défense...
C'est la dure loi des séries puisque, au sortir de l'hôpital, cette légitime défense n'est pas retenue et Lewis est accusé de meurtre sur un officier dans l'exercice de ses fonctions. Le voici parti pour quatre années de taule. Pour parfaire le tout, et comme si tout cela était le centre de ses emmerdes, Lewis apprend que le sac bourré d'argent, gagné dans sa partie de poker, a disparu. Il apprend bientôt aussi que le shérif, lors de son arrestation, s'est octroyé le butin.
Un peu après, en prison, il fait la connaissance de Sal Viccarrone (John Marley), un ponte mafieux, et de son homme de main, Vince Greeson (Gabriel Dell). Protégé et sagement conseillé par le parrain qui se prend d'affection pour lui, Lewis possède bientôt un nouvel atout : le numéro de téléphone tant convoité de son protecteur alors prêt à être libéré, qui lui propose de rester sage le temps de purger sa peine, de "la jouer gagnant", et de ne pas hésiter à l'appeler à sa sortie si besoin est. Autant dire, vu le caractère sauvage, irréductible et teigneux du personnage, ajouté au fait qu'il gêne en haut lieu, que la confrontation au sortir de taule s'annonce pour le moins musclée...




"La Trahison se paie cash" est le dernier film de Phil Karlson, vieux routier du film noir de la grande époque, avec alors au compteur une soixantaine de films. Si Karlson tourne celui-ci dans la foulée de "L'assaut des jeunes loups", "Ben" (deux livraisons correctes mais assez impersonnelles), puis "Justice sauvage", c'est forcément au dernier qu'on aura tendance à le rattacher. "Justice sauvage" était une sorte de biopic dégénéré devenu légendaire par l'utilisation d'une violence quasi crépusculaire, lequel a accouché de deux suites, toutes deux avec Bo Svenson en lieu et place de Joe Don Baker ici-présent. Des suites moins bonnes tournées par Howard B. Kreitsek puis Jack Starrett. On évitera pour autant de parler de trilogie autour d'une même histoire pour évoquer plutôt un diptyque signé Karlson, en plus de thèmes récurrents, ce au cours d'une longue et féconde carrière.

En effet, le thème de la vengeance a été très souvent mis en exergue dans ses films noirs (ainsi que dans ses westerns), tout comme les éclairs secs de violence ont jalonné son œuvre, notamment dans les années 50, On se souvient du rugueux "L'inexorable enquête" et sa traque sans relâche d'un tueur par un journaliste, du superbe "Le quatrième homme" dans lequel l'intrigue tournait elle aussi autour du butin d'un hold-up, ou encore du vigoureux et effrayant "The Phenix City Story", dans lequel le recours à une violence réactionnaire et expéditive était déjà un mal nécessaire pour se protéger de la corruption de notables et de fonctionnaires sévissant dans une bourgade d'un sud des Etats-Unis peu recommandable (une peinture acerbe qu'on retrouvera par ailleurs dans "Justice sauvage"). On rajoutera, pour ce dernier, qu'il faisait preuve d'une violence cruelle et fortement réaliste pour l'époque, à l'instar justement de "La Trahison se paie cash". Bref, à bien y regarder, "Justice sauvage" et "La Trahison se paye cash" font partie de la même famille des polars hardboiled, aux traitements secs et aux issues étonnantes, lorsque celles-ci existent. Quant aux différences entre les deux dernières livraisons de Karlson, elles se résument en ce que son précédent film évoluait sur des terres vigilantes tandis que celui-ci opte pour la vengeance.




Autant dire que Phil Karlson est bien plus qu'un simple faiseur ou illustrateur des scripts qu'on veut bien lui refiler, et mériterait, à ce jour, d'être réhabilité au même titre que des cinéastes tels que Don Siegel ou Samuel Füller. Des réalisateurs ingénieux qui transcendaient des budgets de séries B et dont on oublia trop souvent et surtout trop longtemps de gratter la surface pour s'apercevoir enfin qu'on tenait là, à la fois des auteurs et des personnalités singulières, mais dont les filmographies semblaient de prime abord arborer des allures trop carrées, musclées et efficaces, pour prétendre d'entrée faire partie de la grande famille des élus.
A ce propos aussi, on ne manquera pas de signaler les quelques scènes dantesques qui émaillent "Framed", elles-mêmes typiques de l'œuvre de Karlson : la première est un monument de baston furieuse au même titre que la rixe finale de "La loi du talion" de Robert Clouse ; à l'image du film, tout y est sale, les coups y sont bas, sournois, violents, empreints de la même bestialité sauvage qu'on trouvait dans les films noirs tournés 25 ans avant par son réalisateur.

Bien entendu, en 1975, on pouvait se permettre une violence graphique qui n'avait pas cours jadis, ce que n'hésite pas à faire Karlson pour démonter les rouages d'une violence sociale inéluctable et d'une auto-défense parfois nécessaire face à l'injustice autoritaire ou sociétale.
Autant le savoir, vous ne trouverez pas de chichis ici, et "La Trahison se paie cash" est tout le contraire d'un film qu'on pourrait qualifier de stylisé. Finalement, Phil Karlson reprend son parti-pris réaliste, quasi documentaire, celui de "The Phenix City Story", pour l'appliquer aux mécanismes de la violence. Ainsi, un coup de poing fait mal non seulement à celui qui le reçoit mais également à celui qui le donne, tout comme le spectateur trouvera ici, en lieu et place de coups de manchettes gracieux, gémissements, râles, écorchures et maladresses dans un épique pugilat qui, et c'est finalement peut-être ce qui a le plus d'impact, paraît être filmé en temps réel.

Pour rester dans le domaine de la violence, celle-ci semble si spontanée qu'elle se répond à elle-même. Les moyens usés par Ron Lewis ne peuvent être qu'à l'égal de celle qu'il a subi et subit encore. Ainsi, d'homme aspirant à la tranquillité, passant qui plus est par la case prison, il n'en sortira que plus remonté, n'hésitant, ni à sortir par les narines un type de sa voiture, ni à en torturer un autre en lui faisant exploser une oreille avec son arme à feu. On pourrait rapprocher le personnage de Lewis à celui de Harry Lomart campé par Oliver Reed dans le très bon "La cible hurlante" de Douglas Hickox, à la différence qu'il restera ici une échappatoire à notre sanglier, qui finalement ne demande pas tant à aller vers les emmerdes...




Crépusculaire et bestial, "La Trahison se paie cash", opte finalement dans son traitement pour le dépouillement, le brut de décoffrage et l'animalité, à l'instar de son personnage principal, mal dégrossi, un peu pataud, mais de caractère tellement irréductible et teigneux que s'occuper de son cas n'aura rien d'une sinécure, bien au contraire. Toute tentative de porter atteinte à sa personne se payera cash. Quant à Joe Don Baker, qu'on retrouvera juste après dans deux autres excellent polars, "Tuez Charley Varrick !" de Don Siegel et "Echec à l'organisation" de John Flynn, il porte ce personnage tout fait d'un bloc, sur ses épaules, avec un naturel et une maestria confondantes, jusqu'à presque se métamorphoser en bête dans un show monstrueux malgré lui.

Bien entendu, on n'oubliera pas de dire un petit mot sur ses partenaires qui se montrent eux aussi à la hauteur pour achever de faire de "Framed" une sorte de chef d'œuvre, une furieuse fulgurance aux confins de la violence harboiled des années 70.
Conny Van Dyke ("Les démons de la violence"), dont le jeu semble pourtant limité, trouve le ton juste parmi une kyrielle de personnages taillés au burin, et parvient à insuffler un peu d'humanité dans un monde de pures crevures, Brock Peters ("L'exécuteur noir", "Soleil vert") apporte le peu de droiture masculine que le film comporte ; ailleurs, à l'instar de John Marley (excellent ici et tout aussi à l'aise chez Cassavetes que dans les films dits de genre), si certains personnages ont de bons côtés, ils restent avant tout des brigands de grande envergure. A cet égard encore, on ne manquera pas de noter que la protection, voire le salut s'il en est, du personnage principal est d'avantage le fait de voyous que de gens censés incarner la justice. A ce titre, les seconds couteaux joués par John Larch, Gabriel Dell ou Warren J. Kemmerling composent une impressionnante galerie d'enflures au service de l'ordre.




Reposant sur un scénario simple signé Mort Briskin ("Justice sauvage"), "La Trahison se paie cash", qui dépasse allègrement son statut de pure capitalisation sur le succès du premier, le surpassant même, est une œuvre sauvage et belle, s'inscrivant dans la continuité du travail trop méconnu d'un grand réalisateur, lui aussi trop souvent occulté ou injustement minoré. Quoi qu'il en soit, ce détonnant polar gorgé de sales poulets est en vérité un bien beau chant du cygne...



La trahison se paye cash, la vengeance est un plat qui se mange casher.
_________________


Dernière édition par mallox le Ven Avr 13, 2018 8:20 am; édité 2 fois
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Throma
Super héros Toxic
Super héros Toxic


Inscrit le: 25 Nov 2004
Messages: 3335
Localisation: Masse à chaussettes

MessagePosté le: Mar Avr 23, 2013 1:53 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Un vrai bonheur de polar d'une violence exponentielle que n'aurait pas reniée un John Flynn.

Me concernant, ce "Framed" enterre sans souci un "Justice sauvage" (le Karlson, pas le film du même Flynn avec Seagal qui lui, reste indétronable icon_cool ) bien trop répétitif et maladroit (dans la première baston dans le bar, J.D. Baker manie une batte en mousse et le pire, c'est que ça voit sacrément à l'écran).

Ici nous avons :
l'empoignade redoutable du début, les répliques qui tuent à base de "Texas Hold'em", la zik country, la séquence d'humiliation du génial H.B Haggerty, la collision voiture/train s'achevant par une cascade hallucinante et potentiellement mortelle que je ne me lasse pas de revoir (et de recaser partout ico_mrgreen ) : http://www.youtube.com/watch?v=7B7NOT1vr44.

Le polar idéal me concernant que je me réinjecte une fois par an sans problème.
_________________
http://www.vhs-survivors.com/myvhs.php?alias=Throma
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail
mallox
Super héros Toxic
Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006
Messages: 13982
Localisation: Vendée franco-française

MessagePosté le: Mar Avr 23, 2013 2:33 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Throma a écrit:
Un vrai bonheur de polar d'une violence exponentielle que n'aurait pas reniée un John Flynn.


D'ailleurs "Echec à l'organisation" sort bientôt chez Carlotta... :happy:

Et sinon oui, meilleur que "Justice sauvage", que j'aime bien tout de même, qui est plus connu, mais un peu en dessous.
Mais si jamais tu ne les as pas vus, certains de ses films noirs me semblent franchement à découvrir. On y retrouve les mêmes éclairs de violence brute.

Citation:
la collision voiture/train s'achevant par une cascade hallucinante et potentiellement mortelle que je ne me lasse pas de revoir (et de recaser partout ico_mrgreen ) : http://www.youtube.com/watch?v=7B7NOT1vr44.


Exact ! D'ailleurs je l'ai zappée dans la critique ! :timide:
C'est pas faute qu'elle m'ait impressionnée ! En plus on voit le cascadeur avoir le feu au cul ! frank_PDT_16
_________________
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Bigbonn
Psycho-cop
Psycho-cop


Inscrit le: 13 Déc 2004
Messages: 4107

MessagePosté le: Mar Avr 23, 2013 5:44 pm    Sujet du message: Répondre en citant

frank_PDT_16

ah oui ! Il est fou, lui !!! frank_PDT_16
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Bastien
40 % irradié
40 % irradié


Inscrit le: 19 Mar 2008
Messages: 364

MessagePosté le: Sam Mai 18, 2013 9:30 am    Sujet du message: Répondre en citant

Hello Amigos !

Mallox, tu tiens toujours la grande forme, très grande même, en ce qui concerne la rédaction d'articles de fond tels qu'en n'en lit plus dans la presse actuellement !

Bravo !

Moi aussi j'ai beaucoup aimé ce polar, assez excellent, qui officie avec une brutalité nerveuse et sèche pour le moins excellente.

L'un d'entre vous cite John Flynn, c'est assez judicieux.

L'interprétation de Joe Don Baker est très intéressante car j'ai toujours senti une formation théâtrale chez lui quoiqu'il se soit physiquement laissé aller.
Dommage !

Tout cela donne envie de découvrir les Justice sauvage, présents dès les débuts des vidéo clubs ou presque et que je n'ai jamais tentés !

Un regret désormais !
_________________
http://leroyaumedesavis.over-blog.com/
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Throma
Super héros Toxic
Super héros Toxic


Inscrit le: 25 Nov 2004
Messages: 3335
Localisation: Masse à chaussettes

MessagePosté le: Sam Mai 18, 2013 3:31 pm    Sujet du message: Répondre en citant

En parlant de Joe Don Baker, on le retrouve dans "Mud" actuellement au ciné.
Toujours aussi impressionnant même si sa trogne prend de plus en plus des allures de flamby.

Film fort plaisant au demeurant, du cinoche ricain sans chi-chi ni blabla et humain comme on en faisait naguère.
A mille lieues des "Nolaneries" qui nous plombent l'air et le temps.
_________________
http://www.vhs-survivors.com/myvhs.php?alias=Throma
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Psychovision.net Index du Forum :: Western / Polar / Guerre Toutes les heures sont au format GMT
Page 1 sur 1

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum




Powered by phpBB © 2001, 2002 phpBB Group
Traduction par : phpBB-fr.com Charcoal2 Theme © Zarron Media