[M] [Crit.] Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen

[sigtuna]

Les Aventures fantastiques du baron de Münchhausen (Münchhausen)

Allemagne - 1943

Réalisation : Josef von Báky

Avec : Hans Albers, Hermann Speelmans, Ilse Werner , Brigitte Horney, Michael Bohnen, Ferdinand Marian...

Genre : Fantasy, Comédie, Aventure

Aka : Le Baron de Muenchhausen




Au 18e siècle, un bal se donne au château de Münchhausen. Durant la soirée, et sans même le vouloir, le sémillant baron séduit une jeune fille sous les yeux de son fiancé. Mais, grand seigneur, Münchhausen repousse galamment les avances de la demoiselle et la renvoie à son fiancé avec lequel elle repart en automobile. Car nous ne sommes pas, en fait, au 18e siècle et la soirée n'était qu'un bal costumé en l'honneur de l'illustre ancêtre du baron actuel, avec lequel il partage une troublante ressemblance.
Le lendemain, sur la demande insistante de ce même jeune couple revenu les visiter, lui et son épouse, Münchhausen leur conte les véritables aventures de son célèbre aïeul....




Le terme "chef d'œuvre", tellement utilisé à tort, à travers et pour n'importe quoi, n'a désormais hélas plus grande signification, mais s'il y a bien un film qui mérite cette qualification, c'est celui-ci. Plastiquement éblouissant, à la fois naïf et malin, mélancolique et enthousiasmant, épique et bucolique, les mots me manquent pour qualifier ce monument du 7e art, mais s'il ne fallait en utiliser qu'un seul, ce serait "merveilleux". Et même miraculeux, quand on pense à son origine, car Münchhausen est une production de prestige lancée en 1942, pour sortir sur les écrans l'année suivante, afin de célébrer les vingt-cinq ans de la UFA, le plus prestigieux studio de cinéma allemand chapeauté à l'époque par le Reichspropagandaminister Joseph Goebbels.
Sachant cela, on ne peut qu'être étonné, d'une part par la profusion des moyens (très visibles à l'écran) alloués à ce film (dix fois le budget d'une production normale) à un moment où le 3e Reich avait d'autres priorités, et d'autre part par l'absence de propagande idéologique (même simplement nationaliste) et de référence à l'actualité de l'époque.




Concernant le premier point, il faut savoir qu'en 1942, lors du lancement du film, la machine "à vaincre" nazie, malgré quelques ratés mineurs, marchait à plein régime et, aussi étonnant que cela puisse paraître, l'Allemagne n'était pas encore passée en Économie de guerre. Evidemment, lors de sa sortie sur les écrans en 1943, quelques mois et un Stalingrad plus tard, la défaite ne faisait plus aucun doute.
Concernant le second point (l'absence de propagande), il faut aussi savoir que le film étant destiné à démontrer la supériorité du cinéma allemand, il se devait de toucher un public le plus large possible, non seulement en Allemagne mais aussi dans toute l'Europe occupée. Un public avide d'évasion et de plus en plus hermétique (pour ne pas dire hostile) au bourrage de crâne. On alla donc chercher, pour écrire le scénario, Erich Kästner, le plus talentueux conteur allemand de l'époque, qui, bien que n'étant pas ouvertement un opposant, avait été mis à l'index et interdit d'exercer à cause de ses écrits pacifistes. On comprendra qu'avec un tel scénariste (crédité sous un pseudonyme), on ne trouve nulle trace de nazisme ou d'esprit guerrier dans le film.




Mais parlons un peu du personnage de Münchhausen, et là je vais me permettre de m'auto-citer. Grande figure de la littérature populaire des 18e et 19e siècles, le Baron de Münchhausen a vraiment existé, et était un nobliau allemand qui a servi dans l'armée russe en campagne contre les Turcs. Ses exploits, grossis démesurément par une forte tendance à l'affabulation dans ses mémoires parues en 1781, vont être le départ d'une série d'ouvrages apocryphes où ses aventures, tirant de plus en plus vers la fable et la satire, en feront le personnage littéraire que l'on connaît aujourd'hui.
"Adaptées" à de multiples reprises, les aventures du baron seront (ce qui, à ma connaissance, est un cas unique) à l'origine de trois grandes réussites audiovisuelles : le présent film qui est le plus classique mais sans doute le meilleur, le tchèque "Baron Prásil" de Zeman et, non pas le film de Gilliam mais, beaucoup moins connu, le soviétique "Тот самый Мюнхгаузен" (en français : "Ce même Münchhausen"), ceci malgré son origine télévisuelle.




Mais revenons à nos Aventures fantastiques du baron de Münchhausen. Bien plus que l'œuvre d'un réalisateur, ici le hongrois Josef von Báky, technicien très capable mais dont rien dans sa carrière antérieure ne laissait présager semblable réussite (réussite qu'il ne confirmera jamais par la suite), nous avons là un film de studio, et même la quintessence du film de studio où l'addition des talents individuels aboutit au succès d'ensemble.
Certes, soixante-dix ans plus tard, les couleurs des pellicules Agfacolor (grande prouesse technique à l'époque) sont très légèrement passées, mais cela n'empêche pas d'apprécier la beauté des décors (qu'ils soient de studios ou naturels) et des costumes. Les effets spéciaux, eux, n'ont pas prix une ride. Comme le reste, et peut-être plus encore, l'interprétation est digne d'éloges, en particulier, dans l'écrasant rôle-titre, Hans Albers, avec son profil d'aigle et son regard bleu magnétique, qui est à la fois plutôt laid et très crédible en séducteur. Enfin, je ne reviendrai pas sur l'excellent scénario d'Erich Kästner qui verra notre héros croiser d'authentiques figures du 18e siècle, de Pougatchev à Casanova en passant par Cagliostro et la Grande Catherine, sans que cela paraisse artificiel ou téléphoné mais au contraire participe à l'avancement de l'histoire.




Après la défaite de l'Allemagne, le film connut de nombreuses vicissitudes au point qu'on le crut longtemps perdu et qu'une vingtaine de minutes seraient encore manquantes (sans doute un épisode de son voyage vers l'Empire russe après l'entrevue avec Cagliostro et avant sa - brève - rencontre avec Pougatchev), mais cela ne nuit pas à la compréhension de l'ensemble qui, en l'état, forme un tout parfaitement cohérent. Alors, plutôt que de pleurer les vingt minutes perdues, réjouissons-nous qu'aient été préservées ces cent minutes de bonheur.
Et si vous trouvez ma critique trop enthousiaste et laudative, voire qu'il s'agit de copinage envers les éditeurs du DVD en France (qui m'aiment autant que je les apprécie, et vice versa), je vous invite à lire celles de nos camarades de "Tortillapolis" et de "Sueurs Froides".



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[sigtuna]

Quelque mois après celle de Flint, quelques années après celle de Walter P. la critique que personne n’attendais mais que je n'ai pas pu m’empêcher de faire. :timide:
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[mallox]

Super !

je ne cache pas que perso, l'ayant vu sur le câble il y a une dizaine d'années, que j'en ai un souvenir mitigé. Du coup j'ai bien du mal à passer le cap de la revoyure.

(Moi, c'est Leolo qui me cligne de l'oeil depuis un moment. ça me semble tellement pour moi à priori, que je recule l'échéance de la vision, de peur de tomber sur un film propice à méga analyse en profondeur. Ce qui de loin me semble être le cas. Le dvd devant moi chaque jour en est devenu oppressant !)
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[flint]

L'enthousiasme de Sigtuna envers ce film est évidemment partagé, il va sans dire. Une oeuvre époustouflante, surtout quand on la situe dans son contexte.

Un bien bel hommage, et un bien beau dvd.

[Pierre]

Je ne connais que la version Terry Gilliam et il y a longtemps que je ne l'ai pas revue, mais je crois y voir une continuité esthétique assez flagrante: que donne le comparatif? Est-ce qu'on retrouve des scènes identiques et si oui, quel est le résultat du match ? J'ai pour ma part beaucoup d'affection pour cette dernière version que je me rappelle avoir découverte au cinéma quand j'avais dix ans.

Sauf erreur (j'ai lu assez vite), la critique ne dit pas qu'il s'agit d'une adaptation d'une œuvre littéraire très populaire. ça peut être intéressant de le signaler succinctement pour l'instruction du lecteur (bien que je m'en doutais, je suis allé faire un tour sur wikipedia pour en avoir la confirmation. Honte sur moi. J'ai vu qu'il y a une version par Méliès !).

Le texte donne envie de découvrir le film, ce que je vais faire de ce pas.

[sigtuna]

[mallox]

[sigtuna]

[mallox]

[sigtuna]

Ah mais ma question était sérieuse, comme je suis totalement déconnecté de l'actualité ciné, j'ai cru que Gilliam avait réussit à remonter le projet et qu'il était sorti récemment. :timide:
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[mallox]

En tout cas le documentaire est extrêmement éloquent quant au calvaire/fiasco que le fut le tournage ! Perso, je m'y étais régalé devant.

Enfin bref, place au Baron !
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[sigtuna]

Fiche DVD



LES AVENTURES FANTASTIQUES DU BARON DE MÜNCHHAUSEN - Artus Films

Région : Zone 2 PAL

Editeur : Artus
Pays : France

Sortie film en Allemagne : Mars 1943
Sortie DVD France : 2 juillet 2013

Durée : 110 minutes
Image : 1.37, 16/9eme compatible 4/3, Couleur
Audio : Français Dolby Digital Mono, Allemand Dolby Digital Mono

Langues : allemand, français
Sous-titres : français

Bonus :
- Munchhausen, par Alain Petit – 36'
- Un mythe en Agfacolor – Documentaire – 76'
- Diaporama d'affiches et photos
- Bande-annonce





Nous avons là un monument du 7ème art, monument qu'Artus a su respecter avec cette édition "collector 2 DVD". Alors, certes, la VF d’époque accuse son âge et l'image, malgré la remarquable restauration effectuée en Allemagne par la fondation Murnau, n'a pas toujours une définition parfaite, mais ce sont des défauts mineurs en regard des qualités de l'œuvre présentée.



Au niveau des bonus, nous avons d'abord l'habituel entretien avec un spécialiste (ou supposé tel) du cinéma de genre ou du sujet évoqué dans le film. Entretien dont l’intérêt varie énormément selon la personnalité de l'interviewé. Ici, comme c'est le grand (je ne me lasse pas de ce jeu de mot) Alain Petit, nous sommes dans la fourchette haute de ce type de bonus. Un reproche toutefois, en listant les adaptations sur le grand et le petit écran des aventures du Baron, Petit oublie le remarquable et soviétique "Ce même Münchhausen".



Le second DVD comprend un documentaire allemand de la fondation Murnau, qui est en fait l'agglomérat de trois documents (sans chapitrage et avec les génériques des précédents avant le début des suivants) d’intérêts variables suivant que l'on soit réceptif ou allergique à leurs aspects didactiques. Le premier des trois commence par l'historique de la couleur au cinéma avant de lister tous les films allemands tournés en Agfacolor (cette seconde partie, plus intéressante que la première, est hélas grevée par l'absence de sous titres dans les extraits présentés)



Le deuxième documentaire s’intéresse spécifiquement aux Aventures fantastiques du baron de Münchhausen, avec témoignages (datant des années 90) des "survivants" et des images très rares du tournage et d'une scène perdue. Hélas, il se termine par un (plus convenu) survol de la restauration du film. Enfin, le troisième, de loin le plus passionnant, s’intéresse aux effets spéciaux du film et, comme le fait remarquer l'intervenant principal en guise de conclusion, ces trucages, tout datés qu'ils puissent être, sont beaucoup plus impressionnants que ceux des blockbusters récents, parce qu’ils sont au service du scénario et pas l'inverse.



Bref, un achat indispensable, si vous aimez le cinéma, les figurantes dénudées ou l’équitation sur boulet !


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[flint]