[M] [Critique] Venus in Furs (Jess Franco)

[flint]

Venus in Furs

Genre : Fantastique, Erotique

Année : 1969

Pays d’origine : Allemagne, Angleterre, Italie

Réalisateur : Jess Franco

Casting : James Darren, Maria Rohm, Klaus Kinski, Margaret Lee, Barbara McNair, Dennis Price…

Aka : Paroxismus/Black Angel/Venus im Pelz/Puo una morta rivivere per amore ?



Sur une plage de la Mer Noire, non loin d’Istanbul, le trompettiste de jazz Jimmy Logan se remémore les événements d’un récent passé. Il se rappelle du corps à moitié nu d’une femme superbe échoué au bord du rivage. Un corps meurtri, un cadavre entouré d’une aura de mystère. Troublé, il se souvient avoir voyagé, perdu sa foi dans la musique, retrouvé Rita, sa compagne, jusqu’au jour où…
Wanda Reed, la femme morte sur la plage, apparaît lors d’une soirée, bien vivante ! Ce n’est pas possible. Il la suit, la rejoint dans une pièce, s’abandonnent l’un à l’autre. Comment peut-on faire l’amour à un fantôme ? Dans l’univers du musicien, où se croisent désormais le rêve et la réalité, le passé et le présent, le destin de Jimmy va basculer. Il sera le témoin de la vengeance de la mystérieuse Wanda.



Avec une carrière de producteur longue d’un demi-siècle, le Britannique Harry Alan Towers (décédé en 2009) laisse derrière lui une bien belle carte de visite. C’est au milieu des années 1960 qu’il commence véritablement à se faire connaître à travers le cinéma, produisant notamment « Le masque de Fu-Manchu » ainsi que ses quatre suites, « Circus of Fear », « Dix petits indiens » ou encore « L’appel de la forêt ». De tous les films qui ont pu voir le jour grâce à lui, on retient évidemment ceux tournés par Jesus Franco. La collaboration entre les deux hommes sera à marquer d’une pierre blanche : neuf films entre 1968 et 1970, dont plusieurs incontournables dans l’œuvre de Franco, comme « L’amour dans les prisons de femmes », « Justine de Sade », « Le trône de feu », « Les Inassouvies » et donc « Venus in Furs ».



Contrairement à ce que son titre laisserait croire, le film de Franco n’a aucun rapport avec le roman écrit un siècle plus tôt par Leopold von Sacher-Masoch (La Vénus à la fourrure – 1870). Seul le prénom de l’héroïne, Wanda, peut faire office de clin d’œil à l’ouvrage de l’écrivain autrichien (et la curiosité fatale de l’héroïne pour les jeux SM). Pour le reste, « Venus in Furs » demeure avant tout une histoire de vengeance exercée par un fantôme contre ses assassins. Le film est un compromis entre le réalisateur et le producteur. Jesus Franco en a conçu l’histoire et l’a proposé à Towers. Ce dernier n’est pas emballé, mais la plupart des précédents films du cinéaste espagnol ayant rapporté de l’argent, le producteur donne son feu vert, à condition que l’érotisme tienne une place de choix dans le film. Deuxième et dernière condition : Harry Alan Towers se charge du casting.



Et il s’acquitte parfaitement de cette tâche. Dans le rôle titre, Maria Rohm apparaît comme un choix évident. Pas seulement parce qu’elle est la femme de Towers, mais aussi parce qu’elle est belle, charismatique et sait jouer. Dans des registres différents, les trois bourreaux de notre Vénus en fourrure jouent de même très bien leurs partitions, qu’il s’agisse de Margaret Lee interprétant une très sexy photographe de mode, Dennis Price en agent artistique libidineux, et enfin Klaus Kinski dans la défroque d’un pervers mystique. Un quatuor de choc et de choix qui parvient à retranscrire toute une palette de sentiments dans des scènes parfois sans le moindre dialogue. On notera particulièrement l’habileté du metteur en scène qui saisit les expressions des visages de Dennis Price et Maria Rohm par le biais de miroirs faisant partie intégrante du décor ; un peu plus tard c’est à un duel de regards que nous assistons, lors d’une soirée où Wanda retrouve Olga. Jeux de miroirs, jeux de regards… Jess Franco est inspiré, on le voit ; il ose et réussit toutes ses audaces, même les plus conventionnelles (l’usage du ralenti et de l’image brouillée accentuant la sensation que Jimmy Logan ne vit pas les situations mais les rêve).



« Venus in Furs » est donc un film fantastique avec une dose d’érotisme apportée par Maria Rohm et Margaret Lee. Une très belle scène saphique mettant en scène les deux actrices dénudées, l’une allongée, l’autre arrivant avec des candélabres, anticipe d’une certaine manière le futur show de Soledad Miranda dans « Vampyros Lesbos » (tourné l’année suivante).
Mais le film fait aussi la part belle à la musique, essentiellement au jazz qui est l’autre passion de Franco. Musicien accompli, on le voit ainsi dans « Venus in Furs » taper le bœuf, tantôt dans une section de cuivres, tantôt au piano. Il invite même le fameux Manfred Mann (fondateur du groupe Manfred Mann’s Earth Band en 1962, et toujours en activité) lors de séquences musicales créant une dynamique contrastant fort à propos avec les scènes oniriques.
Outre Manfred Mann, le cinéaste convie la chanteuse soul Barbara Mc Nair, qui incarne ici Rita, la compagne de Jimmy. On peut ainsi apprécier son joli timbre de voix et ses talents d’actrice. Elle signera quelques tubes pour la Motown, et au cinéma on la verra entre autres dans la série des « Mr Tibbs » avec Sydney Poitier. Signalons enfin quelques passages filmés lors d’un Carnaval de Rio (qui font, avouons-le, un peu « remplissage »). En bon professionnel dès qu’il s’agit d’exploiter un filon, Jesus Franco recyclera d’autres extraits de ce même Carnaval dans le « Girl from Rio » tourné également en 1969.



Et James Darren, alors… Ce serait dommage de ne pas évoquer la prestation tout à fait convaincante de cet acteur américain qui fit carrière essentiellement dans des séries télévisées. Les plus anciens se rappellent surtout de « Au cœur du temps » (« The Time Tunnel »), mais aussi (peut-être) de la série « Hooker », dans laquelle il partageait le rôle principal avec William Shatner et Heather Locklear.
Doté d’un budget conséquent, d’un casting impérial et d’une histoire solide, « Venus in Furs » est incontestablement l’une des plus grandes réussites dans la longue carrière de Jesus Franco. Et comme il s’agit d’un projet personnel qu’il a pu concrétiser, on peut croire que le cinéaste conserve dans son cœur une immense fierté pour le travail accompli. Né à la suite d’une conversation du réalisateur avec Chet Baker, « Venus in Furs » reviendra hanter votre mémoire très longtemps, autant que Wanda avec Jimmy Logan.


Fiche dvd –



Venus in Furs – Artus Films

Région : Zone 2 PAL

Editeur : Artus Films
Pays : France

Sortie film : inédit en France
Sortie dvd : 4 décembre 2012

Durée : 82’19
Image : 1.78 d’origine, 16/9 compatible 4/3
Audio : Dolby 1.0

Langue : anglais
Sous-titres : français



Bonus :
- « La Venus en Fourrure », par Alain Petit (43’22)
- Séquences du montage italien (17’49)
- Diaporama de photos (1’)
- Bandes-annonces de la collection Jess Franco



Commentaire : « Venus in Furs » étant l’un des meilleurs films de Jess Franco, une sortie en dvd semblait tout à fait logique et naturelle, d’autant que cette œuvre n’avait jamais été distribuée dans nos salles de cinéma à l’époque. Alors, jusqu’à présent, il fallait se contenter du dvd américain de Blue Underground, en anglais sans sous-titres. Un dvd qui datait de 2005, mais dont le master était particulièrement soigné. En mai 2011, « Venus in Furs » est diffusé sur la chaîne satellite Ciné Cinéma avec des sous-titres français créés pour l’occasion. Enfin, c’est logiquement Artus qui saisit cette opportunité pour intégrer cette pièce maîtresse dans l’œuvre du cinéaste au sein de la collection qui lui est dédiée.



La copie est belle, le son tout à fait satisfaisant. Quant aux bonus, ils retiennent une fois encore l’attention avec l’incontournable Alain Petit, toujours intarissable quand il s’agit d’évoquer la carrière du réalisateur espagnol. En près de trois-quarts d’heure, il revient sur la fructueuse collaboration de Franco avec le producteur Harry Alan Towers, puis sur le film en lui-même avant d’évoquer le casting. Enfin, Alain Petit parle du montage italien, qui diffère du montage original (les scènes du carnaval de Rio sont supprimées, les épisodes musicaux plus longs…). Ces séquences sont d’ailleurs intégrées par Artus Films en bonus (bien qu’elles ne soient pas mentionnées sur la jaquette du dvd). Une demi-douzaine d’extraits provenant d’une source de mauvaise qualité, probablement une VHS très fatiguée, mais qui nous permettent de vérifier l’existence de cette version italienne que la plupart d’entre nous ne connaissaient pas.
En résumé, avec « Venus in Furs », « La comtesse perverse », « Célestine, bonne à tout faire » et « Plaisir à 3 », l’éditeur français nous a sorti un joli carré d’as, en mesure de combler les fans de Jess Franco et de rallier un nouveau public à la cause de ce cinéaste incomparable.

Note : 9/10

[crevardo]

Plus d'infos sur cette fameuse version italienne:

The notorious Italian version of Jess Franco's "Venus in Furs". Some differences I recall (because I haven't seen "Venus In Furs" in its entirety, and I should have!):
- It's considerably shorter than the American version.
- It starts with James Darren playing the trumpet in the beach, not with the credits.
- The credits are different than in the American version, here they play over a mix of a freeze frame of James Darren and some shots of Maria Rohm. The credits music is different too, here it's an instrumental version of the "Venus in Furs" song.
- The whole film seems to lack most of the crappy post-production optical effects which were present in the American version, including filters, slow motion and the like, and which Franco criticizes in the "Jesus in Furs" interview.
- However, the Italians put some optical colourful shit over some scenes which looked normal in the American verion. So God knows what the hell Jess wanted to do.

BTW, the credits regarding editors (Mattei is credited here!), screenwriters and director, among others, have been changed. Franco is credited as "Hans Billian", which must be a completely different person and not a pseudo of uncle Jess.

Il y a un tvrip qui traine d'ailleurs, je me demande si ce n'est pas cette version qu'Artus a simplement recadré pour faire sauter les logos ?

[Valor]

Bel hommage à un film que je n'ai pas encore réussi à regarder en entier... :timide: Peut-être parce que je déteste le jazz ou parce qu'il a l'air plus sage que les autres films de Franco ?

La version italienne :

[sigtuna]

[Valor]

Non, non : pour le commun des mortels c'est "Chet" Baker mais pour flint c'est "Chat" Baker :

[flint]

Ben oui, je vois des chats partout !

(je vais corriger cela, merci)

[Valor]

Attention quand même !

[flint]

"Infos du monde", c'était quelque chose. On n'en fait plus des journaux comme çà !

[princesse.rosebonbon]

c'est probablement ce que j'ai vu de mieux de la part de Franco... mais il faut dire que je n'ai pas vu beaucoup de Franco

que me recommanderiez-vous dans la même veine que ce Venus in Furs?

[flint]

Franchement, des Franco, j'en ai personnellement vu entre 70 et 80, et il n'y a rien dans sa filmographie qui ressemble de près ou de loin à "Venus in Furs". Après, peut-être que tu pourrais apprécier des films comme "Opération RéMida", "Sadisterotica". "Le diabolique Dr Z" ou "The Devil Came from Akasava". "Succubus" a aussi bonne réputation, mais je ne l'ai pas encore vu.

[Valor]

Peut-être aussi :

"The Girl from Rio", ses 2 films avec Eddie Constantine : "Cartes sur table" et "Les mignonnes", plus "Der Todesrächer von Soho" avec Horst "Derrick" Tappert mais je ne les ai pas vus !

[princesse.rosebonbon]

merci j'en prends bonne note

[flint]

A la suite d'une demande d'un internaute non inscrit sur le site, qui se pose une question à propos de "Venus in Furs", je vais essayer de répondre du mieux possible.
Sa question était :

Je viens de voir ce film, mais auquel je ne trouve pas réponse à mes questions, et je suis embêté car je crois avoir compris le film mais pas totalement, notamment la fin (surtout) , peut-être pourriez-vous m’éclairer ? En effet, quand James Darren (Jimmy) se trouve lui même mort sur la plage à la fin, que cela signifie-t’ il ? Par rapport au policier qui le suivait avant, et qui l'a tué ? Est-ce Maria Rohm (Wanda) qui l'a tué car il (Jimmy) ne l'a pas défendu quand elle s'est faite violée par ses ravisseurs ?

C'est assez étrange car je trouve le film magnifique, voire franchement un chef d’œuvre, qui se suit facilement. Mais j'ai un peu peur de n'avoir pas tout compris, et c'est embêtant surtout que j'ai quand même adoré le film... Je pense aussi que le film a était fait pour brouiller un peu les pistes... Qui a tué Jimmy ? etc…

A mon avis, une partie de la réponse se trouve dans la conversation qu'eut Jess Franco avec le musicien Chet Baker. Dans une interview à propos de "Venus in Furs", le réalisateur déclarait (lors du BIFFF 2002) :

J'ai eu le bonheur de connaître un grand musicien de jazz qui s'appelait Chet Baker. J'allais souvent à Paris l'écouter, bavarder avec lui et un jour il m'a dit : "Quand on fait un solo, on se met sur l'estrade, on regarde les gens qui sont dans la pièce, on choisit quelqu'un parce qu'il y a toujours une personne qui est attirée par votre travail, et on se met à jouer pour elle. On ferme les yeux et pendant qu'on improvise, toute ta vie passe très rapidement comme un carrousel. Tu termines ton solo, t'ouvres les yeux et il y a toujours ce même visage devant toi. Seulement deux ou trois minutes se sont écoulées mais tu as l'impression qu'il y a eu toute une vie."

Si Wanda est un esprit revenant sur Terre pour se venger, Jimmy est quant à lui déjà mort ou sur le point de mourir lorsqu'il raconte son histoire au début du film. D'ailleurs, le fait qu'il aille déterrer son instrument de musique sur la plage peut être considéré comme une allégorie. Après, Jimmy a-t-il été tué ? Est-il mort accidentellement, d'une maladie, est-ce vraiment important ?
Le fait est que, pour reprendre la formule de Chet Baker, il est en train de rendre l'âme et une partie de sa vie, celle qui l'a le plus marqué, défile alors sous ses yeux. C'est l'histoire qu'il nous raconte.
Je me trompe peut-être, mais c'est comme cela que j'ai ressenti le film. Après, ce serait intéressant d'avoir l'avis d'autres personnes ayant vu le film.

Sinon, la B.O. de "Venus in Furs" n'a jamais été commercialisée.

[sigtuna]

Et bien à ma grande surprise j'ai beaucoup aimé.
non pas que je doutais de la sincérité de l'excellente critique de Flint mais parce que le peu que je connaissais de Franco ne m'avais pas trop engagé à poursuivre l’expérience.
Bon certains "effet de style" du réalisateur ne m'ont pas vraiment convaincu, le rôle de Kinsky est hélas à la limite de la figuration, mais pour le reste la magie a opéré (et maria Rohm est mieux en brune qu'en blonde).

Sinon pour ce mystérieux internaute, que j'invite à s'inscrire en ces lieux, je répondrais que d'une part la réponse de Flint me convient parfaitement, et que d'autre part il n'est pas vraiment nécessaire de chercher des réponses logiques et cartésiennes dans un film qui fait plus que flirter avec le fantastique.
_________________

[Pierre]