Celui qui n'existait pas
Titre original: The Night Walker
Genre: Thriller , Epouvante
Année: 1964
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: William Castle
Casting:
Barbara Stanwyck, Robert Taylor, Hayden Rorke, Lloyd Bochner...
 

Quand il réalise "Celui qui n'existait pas", William Castle est déjà une star de la série B d'épouvante. Ses plus grandes trouvailles sont derrière lui : les fauteuils vibrants, les primes d'assurance pour les spectateurs qui viendraient à mourir de peur, les squelettes traversant les salles de cinéma, les caisses de remboursement (baptisées "le coin des lâches") pour les spectateurs qui souhaiteraient quitter un film trop effrayant... Des gadgets certes promotionnels mais qui jusqu'ici n'ont jamais été dépassés en terme d'interactivité avec le public. William Castle n'est pas qu'un simple cinéaste / producteur : c'est un animateur de salle, et ses films d'épouvante de la fin des années 50 et du début des années 60 ne sont rien d'autres que les supports pour de telles interactivités. Dans la tradition des trains fantômes, la peur est accessoire et la convivialité passe avant tout. A ce titre, regarder un film comme "Le Désosseur de Cadavres" sans ses trucages d'époque, aussi brillant soit-il, aussi évidents soient les vestiges de son objectif premier, reste une expérience quelque peu frustrante.

 

 

Quelques cinéastes ayant eut le privilège de vivre ces grands moments s'évertuent bien à parler des ambiances de ces projections (Joe Dante et son "Panic sur Florida Beach"), quelques oeuvres ont su avec le temps communier avec leur public ("The Rocky Horror Picture Show"), mais il faut se rendre à l'évidence : plus personne n'aura la chance de revivre un spectacle signé William Castle. Découvrir un de ses films conçus sans artifices reste encore la solution la moins apte à faire naître des regrets. "Celui qui n'existait pas" est de ceux-ci. Pas de gadgets mais des noms glorieux : les ex-époux Barbara Stanwyck et Robert Taylor, deux acteurs à la renommée déjà ancienne, et exceptionnellement prononcée dans le cas de Barbara Stanwyck, reine d'Hollywood dans les années 40. C'est d'ailleurs encore elle qui tient le haut de l'affiche ici, pour son dernier rôle au cinéma.
Irene Trent (Stanwyck) est une femme malheureuse : son mari Howard (Hayden Rorke), aveugle, passe son temps à l'espionner et à enregistrer tous les bruits de la maison, convaincu que sa femme a un amant. Cette certitude, il la tient de la tendance d'Irene à parler dans son sommeil d'un homme qu'elle invite cordialement à venir dans ses bras. Howard soupçonne fortement son avoué Barry Moreland (Robert Taylor), le seul homme venant régulièrement à la maison. Barry nie de bonne foi et Irene fait de plus remarquer que d'une part l'homme de son rêve n'est pas Barry et que d'autre part il ne s'agit après tout que d'un rêve ! Après une dispute, Irene sort et Howard, aveugle mais pas sot, monte à son laboratoire d'où émane une étrange fumée. Le laboratoire explose, Howard meurt, mais son cadavre n'est pas retrouvé. Innocentée, Irene n'est pas pour autant libérée : Howard et son faciès désormais brûlé revient la hanter dans ses cauchemars. Fuyant sa funeste maison, Irene emménage ailleurs. Howard semble la lâcher, mais il est remplacé par le jeune homme de ses rêves, qui n'est finalement pas aussi bien intentionné qu'il n'y paraît. Irene commence alors sérieusement à perdre les pédales : à quoi riment ses rêves ? Déjà, est-ce qu'il s'agit bien de rêves ? L'aide de Barry sera la bienvenue pour résoudre ces mystères.

 

 

Que les chercheurs de fraudes se calment immédiatement : bien que l'image d'un homme brûlé sévissant dans les cauchemars peut légitimement faire penser à Freddy Krueger, il serait très hardi d'affirmer que Wes Craven a copié sur William Castle. Howard Trent n'est ici qu'un élément parmi tant d'autres peuplant un monde onirique finalement assez peu dangereux. Le défi de l'héroïne n'est pas de survivre mais de garder toute sa tête face à des événements surréalistes. D'entrée de jeu, William Castle donne le ton et se lance dans une introduction à l'ancienne, façon "Quatrième Dimension", avec mise en exergue d'un grand mystère échappant à la connaissance humaine, à savoir ici les rêves et la psyché. Le reste du film ne sera que l'illustration de cette grande interrogation. L'héroïne perd peu à peu ses certitudes (sur le jeune homme, sur le fait qu'il s'agisse bien de rêves) et sa vie diurne en pâtit jusqu'à devenir un prolongement de sa vie nocturne. Castle et son scénariste Robert Bloch (dont la carrière est trop souvent réduite au seul "Psychose") jouent la carte du thriller fantastique et installent un climat oscillant entre "La Quatrième Dimension" (la série en vogue à l'époque) et "Alfred Hitchcock présente" reposant sur une musique assez belle - quoiqu'assez répétitive - de Vic Mizzy (qui s'en ira ensuite composer pour La Famille Addams).

 


Les rêves et les cauchemars sont bien entendu les points d'orgue du film, ceux qui permettent à Castle de se laisser aller à ses penchants au spectacle. Apparitions spectrales (très beau maquillage pour Howard, l'aveugle aux yeux blancs et à la face brûlée), brumes, lents travellings avants, décadrages, lentilles déformantes, jeu sur les sons, personnages de cire, gros plans, et, bien entendu, les indispensables hurlements à s'en déchirer la mâchoire prodigués par une Barbara Stanwyck presque sexagénaire qui n'a rien à envier aux jeunettes de la Hammer ou de chez Corman. William Castle fait donc du William Castle, et les rêves de "Celui qui n'existait pas" font office de mise en abîme du propre cinéma de William Castle. A l'instar du cinéma d'épouvante, les songes nocturnes ne sont finalement que des mises en scènes peu soucieuses du réalisme. Le réalisateur aime à prendre ses distances avec la réalité, qui n'est qu'une entrave à son art (si si), et il le fait sciemment, non sans un certain humour autoparodique achevant de prouver que Castle ne se voit pas autrement que comme un artisan forain du cinéma d'épouvante.
La résolution du film, aussi capillotractée soit-elle, s'apparente ainsi à l'explication des différents "trucs" utilisés pour le spectacle. D'où la proximité avec les spectateurs, dont l'intellect, à défaut d'être beaucoup sollicité, n'est en tout cas jamais nié. Une sorte de pacte s'établit entre le réalisateur et son public : l'un admet les limites son cinéma, l'autre accepte de jouer le jeu. Bien entendu, l'entente est plus explicite lorsque Castle a recours à ses gadgets (allant généralement de pair avec des films un peu plus "énervés" que celui-ci), mais cette dimension ne saurait être omise dans le cas présent. William Castle, même assagi, est décidément un homme remarquable.

 


Note : 7/10

Walter paisley
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