Chambre noire, La
Titre original: Anshitsu
Genre: Roman Porno
Année: 1983
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Kiriro Urayama
Casting:
Kôji Shimizu, Rie Kimura, Mayumi Miura, Yoshimi Ashikawa, Minoru Terada, Yuki Kazamatsuri, Hideaki Esumi, Jun Hamamura, Kotoe Hatsui, Toshiyuki Kitami, Taiji Tonoyama...
 

Dans un premier temps, il est important de souligner à quel point "La chambre noire" est un roman porno au caractère "exceptionnel" puisque, s’il n'était pas étiqueté dans cette catégorie là, peu de choses amèneraient le spectateur à en déduire son appartenance au genre. En effet, s’il fut réalisé à l'occasion de l'anniversaire des 70 ans de la Nikkatsu (en 1983), date importante pour ce qui est de l'exploitation érotique, puisque la vidéo envahissait dès lors progressivement le marché du cinéma, et que le roman porno connaissait ainsi (et sûrement en connaissance des choses) ses dernières années, ce fut Kirio Urayama, un réalisateur totalement absent du mouvement "pinku eiga" (et à qui l'on doit "Une jeune fille à la dérive"), qui s'attacha à la réalisation du film. Et, de ce fait, "La chambre noire" est tout sauf une production calibrée et conventionnelle du "pinku" (et c'est tant mieux).

 

 

L'histoire de "La chambre noire" est celle de Nakada, autrefois écrivain raté et maintenant auteur à succès. Jadis, il vivait en couple, et désormais, sa vie amoureuse est un vrai désastre, se résumant à quelques déboires et autres flirts semblables à ceux des adolescents. Et il n'est alors pas à négliger, entre autres, que tout cela puisse être lié à la mort de sa femme, dont il se tient en partie pour responsable. Nakada entretient donc une attitude de "consommateur tardif" des plaisirs charnels.

Il y a aussi son ami, Yamanoi, un autre écrivain, qui lui se trouve, après quelques années de succès, sur le déclin. Aussi, Nakada le soupçonne d'avoir couché avec sa défunte épouse.

 


Nakada vagabonde donc, le plus souvent accompagné de Yamanoi, à la recherche de quoi alimenter sa plume, pour un nouvel ouvrage puisque, à première vue, seule sa vie semble l'inspirer.

Le reste du film n'est que pérégrinations de l'esprit et du corps.

Adapté d'un roman de Junnosuke Yoshiyuki paru en 1969, et récompensé par le prix Tanizaki (l'un des grands prix littéraires japonais au côté du prix Akutagawa, et récompensant uniquement les auteurs de romans ; les nouvelles et autres romans courts étant bannis), on constate que, pour les 70 ans de la Nikkatsu, les choses ne furent pas faites à moitié. Avec des ambitions plus intellectuelles qu'auparavant, et une réflexion clairement revendiquée et due à l'engagement d'un réalisateur "extérieur", on en vient à se demander si cette nouvelle confrontation télévision/cinéma (déjà à la source de l'intérêt de la Nikkatsu pour le pinku eiga) de l'époque n'aurait pas été, l'air de rien, prise très au sérieux par la Nikkatsu ?

"La chambre noire" est donc une oeuvre beaucoup plus "psychologique" que ce que l'on est en droit de s'attendre à voir avec un roman porno. Et en ce premier sens, il est possible d'être déçu. En revanche, en y repensant, pourquoi pas ? Ce n'est pas parce que le roman porno est un genre aux vertus fort "coquinisantes" qu'il ne peut pas, lui aussi, se targuer d'avoir son "film qui pense". Mais, éloignons d'emblée la compréhension ici possible de ce propos comme une considération qui se contenterait de dire que "La chambre noire" synthétise tout ce qui fut fait avant lui et, à l'inverse, imaginons le comme la projection fantasmée d'une sorte d'oeuvre qui, à la fois propre au "pinku eiga" et donc à ses codes originels, réunirait un assez bon nombre d'idées abordées dans les films pinku ; et aussi afin de pouvoir aider le public à porter un regard nouveau sur le genre. Un film qui, dans l'âme, serait indéniablement "rose".

 


Avec "La chambre noire", il en serait "presque" le cas. Presque, car les -trop- lentes pérégrinations de Nakada ne s'avèrent pas toujours passionnantes, à défaut d'apporter quelque chose à l'intrigue. Et c'est dommage, car Kôji Shimizu, qui incarne Nakada, est un acteur très charismatique. Ses mésaventures s'enchaînent donc, sans réelle personnalité, et il n'est alors pas évident d'y déceler ne serait-ce qu'un caractère récréatif, puisque le plus souvent, les dialogues abondent, au même titre que les idées, et ce qui se passe à l'écran ne suit plus. À trop vouloir réfléchir, le film en donnerait presque des maux de tête. Il en viendrait même à se parodier, si je peux être plus juste. Après, peut être faut-il (aussi) voir dans cette nouvelle façon de tourner les choses une envie d'attirer un nouveau public vers le roman porno, au lieu de tout simplement lui proposer un regard neuf. Et alors là, il semblerait que le film soit une réussite.

Reste une pléiade d'acteurs et d'actrices de qualité, mais que l'on ne pourra voir dans de quelconques situations réellement tordues, puisque la seule chose de pas "droite" reste, a priori, l'esprit de notre anti héros. Et maintenant, aux fanas drogués du bol à riz de dire tout haut "on repassera !"

Que pouvons-nous donc penser de "La chambre noire", avec les conditions évoquées plus haut ? C'est un beau film, indéniablement, et il possède même, il faut le reconnaître, deux ou trois scènes assez excitantes, telle celle où Nakada parviendra à faire l'amour à une amie lesbienne. Ainsi, le tout est détenteur d'une belle homogénéité et d'un caractère "dépressif" certain plus que louable. A ce titre, d'ailleurs, on notera aussi cette scène où Nakada souffle sur une bougie qui, s'éteignant en un instant, transformera toute l'atmosphère de la pièce (d'un ton rouge à un ton bleu) dans laquelle il se trouve, et de manière très réussie. Restent enfin, parsemés au gré du film telles les idées existentielles de ce dernier, quelques vrais moments de cinéma. Oui, de vrais moments de cinéma pour un film qui cause d'un homme à l'esprit torturé ; et rien que pour ça, alors, "La chambre noire" serait à ranger dans la catégorie des romans pornos.

 


En septembre 1983, le temps du changement s'était, en quelque sorte, fait entendre. Mais était-ce une bonne chose, pour marquer le coup, que de diviser son public ?

 

The Hard
 
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