Hex
Titre original: Xie
Genre: Horreur , Thriller , Epouvante , Maisons hantées
Année: 1979
Pays d'origine: Hong Kong
Réalisateur: Kuei Chi-hung
Casting:
Tanny Tien Ni, Chen Szu-chia, Wang Jung, Shen Lao...
Aka: Che (cantonais)
 

Attention, cette chronique contient des spoilers !

Une voix off... un double portrait, avec dessus... deux soeurs...
Au début du siècle, dans la ville de Guang, Sau-Ying Chan (Tanny Tien Ni) habite dans la vieille demeure dans laquelle vivaient ses parents, lesquels eurent leur temps de prospérité. Les Chan étaient originaires de Fu Jien avant de déménager pour monter leur affaire dans le sel puis dans le silicium. Depuis des générations, la famille Chan avait toujours officié comme négociant. Ils vécurent très riches jusqu'à la génération de Sau-Ying. Sa famille était relativement petite et cette dernière était, semble-t-il, leur dernière enfant, destinée à faire perdurer la lignée. Ses parents trouvèrent pour elle un mari, Chun-Yu Yeung (Wang Jung), juste avant que leurs affaires s'effondrent, pour mourir ensuite dans la misère.
Dans ces temps reculés, les mariages étaient encore régis par des lois féodales. Quelques soient les circonstances, un couple n'avait alors pas le droit de se séparer. Chun-Yu s'est alors transformé en être aigri, noyant son désarroi dans l'alcool, le jeu et les prostituées...



En plus de ce malheur, Sau-Ying est tombée très malade. Atteinte de tuberculose, la mort semble l'attendre inéluctablement. Fragilisée par sa maladie, elle est également en proie à la cruauté et à la violence de Chun-Yu. Rentrant constamment ivre, l'homme la maltraite de façon régulière. Un beau jour, Yi-wah (Chen Szu-chia), une nouvelle servante, est engagée. Celle-ci se rend compte des maltraitances à l'égard de sa maîtresse. Elle s'en rend d'autant plus vite compte, que, prenant bientôt fait et cause pour Sau-Ying, elle se voit également battue par le mari tyrannique. Prise de pitié pour la maîtresse de maison, elle réussit à la convaincre d'assassiner le tyran. Après quelques tergiversations, la chose sera faite.

Un soir, alors que l'homme rentre une fois de plus saoul et ivre de violence, elles l'assomment pour le noyer dans une barrique. Son corps est enroulé dans une couverture puis jeté dans les marais avoisinants. Seulement voilà que quelques jours après, alors que les deux femmes prennent l'air aux abords du marais, deux pêcheurs font une étrange prise : la couverture, mais sans le mari dedans ! Les deux femmes commencent alors à vivre dans la peur que l'on découvre prochainement le cadavre. Voilà bientôt, contre toute attente, que le cadavre ressurgit, mais cette fois-ci, comme fantôme, venant rendre visite, dans sa chambre, à Sau-Ying, qui doit le plus souvent garder le lit. Ce n'est donc pas de tuberculose que cette dernière mourra, mais de terreur. On s'apercevra aussi vite que de fantôme, point il n'y eut, mais que tout ceci n'était qu'une mise en scène entre deux amants, à savoir Chun-Yu et Yi-wah, un complot ayant pour but de récupérer le reste de fortune cachée par Sau-Ying pour enfin vivre légitimement et à l'abri des soucis pécuniaires, ensemble. Celle-ci étant morte, le problème de la loi concernant un éventuel divorce ne se pose plus.



Pour revenir aux spoilers évoqués en début de chronique, ils me semblent inévitables, serais-je tenté de dire, puisqu'une partie de ce Hex vient puiser, à l'instar de tout un pan du giallo transalpin, chez Henri-Georges Clouzot et son indétrônable "Les diaboliques". Certains d'entre vous l'auront déjà compris, j'imagine, à la lecture du paragraphe précédent. J'essaierai cependant de rien dévoiler de la suite, si ce n'est que par cette petite allusion : "à fantôme, fantôme et demi" pour ne pas reprendre le titre d'un film de Peter Jackson (qui n'a vraiment rien à faire là-dedans) : "Fantôme contre fantôme". On pourrait parler également de "SOS Fantômes", puisque de fantôme, l'une des peurs asiatiques les plus ancestrales, il n'y aura peut-être pas... Et que c'est peut-être sur cette peur que le réalisateur jouera le mieux et le plus efficacement possible, se réappropriant en même temps un emprunt initial que l'on pourrait trouver galvaudé (il n'en est rien, je vous rassure). A vous de voir le film, car il vaut vraiment, à mon humble avis, la peine d'être découvert.
Il existe néanmoins quelques petites différences mineures par rapport à l'oeuvre de Clouzot, puisqu'en guise de piscine, on a droit à un marais ; ce n'est pas dans une baignoire que le faux spectre réapparaîtra, mais dans une chambre ; la femme ne souffre pas du coeur mais de tuberculose qui la fragilise, et l'action est ici déplacée en début de siècle, ce qui nous vaut par ailleurs de splendides images, à mi-chemin entre celles de certaines oeuvres de la Hammer et de certains films de Dario Argento. A noter que l'on doit cette somptueuse photographie à Sun-Yip Lee, qui officiera également dans les deux séquelles de Hex, lequel connut un grand succès à Hong Kong, à l'époque, "Hex vs. Witchcraft / Xie dou xie" en 1980 et "Curse of Evil / Xie zhou" en 1982.



Quant à Kuei Chi-hung, si on le connaît surtout pour son incontournable WIP trash, "Bamboo House of Dolls", il est pourtant l'auteur de quelques petites pépites bien allumées, comme The Killer Snakes (voir l'excellente critique du collègue Omega Man), "Ghost Eyes" ou encore "The Rat Catcher", mais aussi de l'un des tous premiers mélanges de sexy comédie et de kung-fu : Virgins of the Seven Seas. Bref, tout cela pour dire que le type a de la ressource.
Et de ressources, Xie n'en manque pas, puisque le metteur en scène fait ici le pari de donner une suite aux "Diaboliques", vaste programme à priori, pleinement transformé après vision.
Distillant un climat proche des classiques du genre, tels que "Kwaïdan", l'ambiance demeure constamment morbide, avec quelques touches gore et, derrière tout cela, pas mal d'humour également. Il y a ce marais empli de plantes vertes gluantes et baigné d'un brouillard, qui semble petit à petit envelopper jusqu'aux personnages. Ces mêmes personnages qui évoluent comme dans un jeu de chaises tournantes, faisant lorgner Hex vers une sorte de comédie humaine très noire en plus de jouer sur un mythe sacré pour s'en gausser sans complexe. Sans complexe non plus, et avec une fantaisie complètement débridée, il semble stopper net son film vers la fin, pour une invraisemblable cérémonie destinée à protéger Yi-wah, la traîtresse servante, d'un second fantôme qui vient la hanter. Cérémonie durant laquelle la prêtresse battra son assistante, non seulement avec une chaussure, mais surtout lui crachera du sang de chien sur tout le corps. Un corps entièrement dévoilé pour le coup, et qui, rempli de calligraphies (des symboles religieux farfelus semble-t-il), se mettra à se contorsionner, puis effectuer un drôle de ballet, assez proche de celui de Valérie Kaprisky dans "La Femme publique" (Zulawski a-t-il vu le film de Kuei Chi-hung ? Je n'irai pas jusque là...).


Pour les âmes sensibles, il faudra fermer les yeux sur l'un des pêchés (filet) mignons du réal, à savoir découper du serpent vivant, le type semblant lui-même un vrai "snake's serial killer", content, qui plus est, de l'être. Pour le reste, il sera difficile de faire la fine bouche devant ce spectacle totalement frénétique en plus de se permettre nombre de fantaisies, de jouer avec les légendes et les genres sans jamais tomber dans la parodie, d'offrir un film qui ne défaillit jamais, ni au niveau du rythme, ni au niveau de son intérêt. Hex est une petite perle autant visuelle que narrative, qui dépasse avec allégresse un emprunt pourtant lourd à la base, pour accoucher de son jumeau fantomatique, excentrique et jouissif.

 

 

Mallox

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