Slice
Titre original: Cheun
Genre: Thriller , Drame , Psycho-Killer , Policier
Pays d'origine: Thaïlande
Réalisateur: Kongkiat Khomsiri
Casting:
Plengpanich Chatchai, Amornsupastri Arak, Pasaphan Jessica, Chitmanee Sontaya...
 

Un serial killer laisse derrière lui des cadavres soigneusement découpés en petits morceaux. La police n'ayant aucune piste, elle fait appel à Tai, un ancien tueur à gages qui purge une peine de prison. Lorsque l'une des victimes s'avère être le fils d'un homme politique influent, le mot d'ordre des autorités est d'arrêter le criminel à tout prix...

 

 

Dans les années 90 le cinéma thaïlandais développe une production de films indépendants, courts-métrages et films expérimentaux qui squattent les festivals internationaux et font bander les intellos, mais c'est la sortie de "Ong-Bak" (Prachya Pinkaew - 2003) film de baston basique et sauvagement efficace qui va littéralement mettre le cinéma thaï en orbite. Loin d'être des débutants, les thaïlandais ont derrière eux une longue tradition cinématographique, notamment dans la comédie musicale, le film d'action et le film d'horreur. Ils sont passés, comme la plupart des cinémas asiatiques, par une crise majeure, mais se sont fièrement redressés en reprenant tout à zéro. Loin de singer le cinéma occidental (comme essayent de le faire les surestimés frères Pang) en tentant de s'adapter à un nouveau marché, ils abordent fièrement le cinéma de genre en ne perdant jamais leur identité. Avec "Slice" (aka Cheun), ils s'engagent dans le genre ultra codifié du serial killer, mais la manière de présenter la chose est légèrement différente. En effet, le film pourra choquer certains par son excès et sa propension à se vautrer dans la boue sexuelle (comme dirait un certain Minos dans "Peur sur la ville") et une certaine déviance. Le film démarre fort (trop) avec deux exécutions sanglantes et apparemment sans rapport, les victimes sont émasculées (l'une aura carrément ses organes génitaux enfoncés dans le rectum), coupées en morceaux et entreposées dans de magnifiques valises rouges. On vient à peine de démarrer et on se croirait dans un film d'horreur italien des années 80 (voir la scène de la baignoire). Arrive alors le morceau d'anthologie du film, où le tueur toujours habillé d'une magnifique cape rouge déboule dans un club qui ressemble plus à une boite à partouze et dégomme les participant(e)s au calibre 12 : bras arrachés, tête explosées, ça carnage sec pendant que le tireur a l'air de prendre son pied, le tout dans un décor incroyablement kitsch et baroque avec un manège de chevaux blanc et des convives masqués, notamment une pin-up avec un masque de Dark Vador.

 

 

Après un démarrage assez rude mais carrément jouissif, le film passe alors sur le mode enquête et arrête ses délires visuels pour suivre son héros lancé sur la trace du tueur. Car le cauchemar récurrent à base de valise rouge qu'il fait régulièrement semble indiquer qu'il pourrait bien connaitre le tueur. Seulement voilà, Tai, qui travaille pour la police, est en prison suite à une bavure. Mais lorsque le fils d'un politicien se fait charcuter, la police lui donne alors deux semaines pour retrouver le coupable. Tai part donc dans son village natal à la recherche d'un ancien ami d'enfance qui pourrait bien être l'assassin ; enquête et flashbacks s'enchainent pour inexorablement conduire à une conclusion qui va sûrement en "scier" certains. Le film se transforme alors subitement en une incroyable histoire d'amour impossible entre deux êtres que tout semble séparer, l'ensemble étant saupoudré d'une analyse sur l'identité sexuelle et une approche parfois assez crue de la pédophilie qui pourrait en mettre certains mal à l'aise. L'identité du tueur, qui n'est en fait jamais mise en doute, va alors prendre des proportions que l'on n'imaginait pas, même si la conclusion, en réfléchissant un peu, semble évidente ! Les dernières images s'avèrent d'une grande poésie et d'une incroyable sensibilité, elles en feront sûrement pleurer plus d'un.

 

 

En mélangeant film policier et drame social reflétant la triste réalité du pays (corruption, exploitation des enfants, tourisme sexuel, pédophilie...), l'oeuvre entraîne le spectateur sur des sentiers rarement empruntés dans le cinéma occidental (sauf peut-être dans certaines productions indépendantes), surtout avec autant de liberté dans le ton et le style.
Le réalisateur (qui a fait ses armes dans le cinéma d'horreur avec "Art of the Devil 2 & 3") fait preuve par moments d'un sens de l'image assez pertinent, comme dans ces scènes nocturnes filmées à la lampe torche rappelant "Cloverfield", mais en largement plus efficace. L'une montre la poursuite à travers champs de deux enfants en pleine nuit, qui sera l'un des déclencheurs du drame futur, l'autre est le massacre des policiers en parallèle avec la découverte de l'identité du tueur. Ajoutez d'autres morceaux de bravoure comme la tuerie dans la boîte de nuit (une sorte de Dario Argento sous acide), ou l'incroyable scène de la valise rouge (l'une des clés de l'énigme) pendant laquelle je défie quiconque de rester stoïque.

 

 

Les réalisateurs thaïlandais n'ont rien à prouver, du coup ils osent tout (avec de temps à autres quelques fautes de goût), et c'est parfois un véritable régal ! "Slice" (qui veut dire "tranche" en anglais) est un thriller moite et violent qui ose aller là où très peu se sont aventurés (on pense au "Cruising" de Friedkin "). Indéniablement, le film s'adresse à un public plus mature et curieux d'un cinéma asiatique de qualité. Evidemment, l'ensemble n'est pas parfait, on pourra noter quelques fautes de goût et un manque de cohérence dans le rythme qui pourrait en faire décrocher quelques uns (les vingt premières minutes sont brutales et sans concessions, la suite plus intimiste jusqu'au final). Mais ce contraste n'entame en rien l'efficacité du film et, au contraire, cette différence marquée ne fait que souligner la redondance de deux thèmes immuables : le sexe et la violence. Une violence plus diffuse en ville, où le sexe s'affiche à chaque coin de rue ; et inversement une sexualité plus dissimulée à la campagne (mais pas moins déviante !), alors que la violence éclate au grand jour, preuve de sa virilité. Cette dualité sexe/violence ou amour/domination est la base du récit et le noeud de l'intrigue. Voici sûrement un film qui en étonnera plus d'un ; en tout cas l'une des bonnes surprises de ce début d'année.

 

 

The Omega Man

 

En rapport avec le film :

# La fiche dvd Wild Side du film "Slice"

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