Baron de Crac, Le
Titre original: Baron Prásil
Genre: Fantastique , Aventures , Animation
Année: 1962
Pays d'origine: Tchécoslovaquie
Réalisateur: Karel Zeman
Casting:
Milos Kopecký, Rudolf Jelínek, Jana Brejchová, Karel Höger, Eduard Kohout, Václav Trégl, un Ara macao...
 

Un astronaute (ou plutôt un cosmonaute, car il s'exprime en tchèque et répond au prénom de Tonyk) débarque sur la Lune. Il découvre des traces de pas humains et un gant blanc. Surpris, il suit les traces jusqu'à ce qu'elles l'amènent aux trois héros du roman de Jules Verne "De la Terre à la Lune" et à Cyrano de Bergerac, ainsi que, arrivant à cheval, au Baron Prasil (Munchausen en version internationale). Ces cinq premiers découvreurs de la Lune sont persuadés que leur épigone est en fait un authentique indigène sélénien. Munchausen se propose de lui faire découvrir la Terre. Utilisant le vaisseau tracté par des pégases du Baron, ils (le Baron et Tonyk) débarquent à la cour du sultan ottoman en plein 18e siècle. Munchausen a choisi la Turquie comme première étape, par égard pour son compagnon de voyage, car c'est le pays du croissant de lune. Sur place, ils découvrent une princesse européenne captive, qu'ils entreprennent de délivrer.

 

 

Seconde adaptation tchèque des célèbres aventures du Baron de Munchausen (Prasil en tchèque, de Crac en français), ce film arrive surtout une vingtaine d'années après le Munchausen de Josef von Baky, chef d'oeuvre de l'UFA, et l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma (si vous voulez en savoir plus, je vous invite à consulter l'excellente critique qui lui est consacrée sur le site "Tortillapolis"). Quand une oeuvre littéraire a déjà fait l'objet d'une adaptation cinématographique tellement réussie qu'elle en devient référentielle, il est difficile de ne pas faire la comparaison avec celle-ci. Et bien... les deux films sont totalement différents, que ce soit au niveau de l'histoire et de son traitement (on peut dire sans risques que ce "Baron Prasil" ne doit rien à son aîné allemand ; tout au plus reprend-il l'incontournable scène du "chevauchage" de boulet), et pourtant ce sont tous les deux de magnifiques réussites.

Humour, inventivité, poésie, légèreté, imagination, finesse… on trouve tout cela dans ce Baron Prásil, sorte de chef-d'oeuvre dans son genre si particulier, de film d'animation avec de vrais acteurs. Mais pour pouvoir apprécier cette petite merveille il faut, malgré tout, ne pas être hermétique à son esthétique unique, marque de fabrique de son réalisateur Karel Zeman, inspiré du cinéma de Méliès et des gravures du 19e siècle. Plus particulièrement de l'oeuvre de Gustave Doré, le générique du début étant d'ailleurs constitué des illustrations de l'immense caricaturiste français pour l'édition de 1862 des "Aventures du Baron de Crac". A presque chaque scène du film, se dégage l'impression que Zeman a su transcender un budget relativement modeste grâce à quelques bouts de ficelles et beaucoup de génie.

 

 

Karl Zeman est (avec Jirí Trnka) l'un des grands noms de l'animation tchèque des années 50 et 60. Il est issu de la célèbre tradition tchèque du théâtre de marionnettes, le meilleur du monde. Cet art de la marionnette que Trnka portera à la perfection, Zeman va, lui, rapidement s'en affranchir pour développer son style propre et si particulier mêlant dessins animés, dessins non animés, figurines en stop motion, prises de vues réelles et acteurs en chair et en os. Après des courts et des moyens métrages d'animations classiques, il réalisera en 1955 "Voyage dans la préhistoire", son premier long métrage utilisant de vrais acteurs. Il emploiera ce mélange de techniques qui lui est si particulier jusqu'en 1970, avec L'arche de Monsieur Servadac, avant de revenir aux films d'animation pour enfants.

Mais parlons un peu du personnage de "Munchausen", incarné dans ce film avec élégance, flegme et humour par Milos Kopecký. Grande figure de la littérature populaire des 18e et 19e siècles, le Baron de Munchausen a vraiment existé, et était un nobliau allemand qui a servi dans l'armée russe en campagne contre les Turcs. Ses exploits, grossis démesurément par une forte tendance à l'affabulation dans ses mémoires parues en 1781, vont être le départ d'une série d'ouvrages apocryphes où ses aventures, tirant de plus en plus vers la fable et la satire, en feront le personnage littéraire que l'on connaît aujourd'hui. Parmi les adaptations cinématographiques des aventures de notre Baron, on ne saurait oublier celle qui fut chronologiquement la première, un court métrage de Méliès, et celle qui est à ce jour la dernière, signée Terry Gilliam. De la version de Gilliam, dont le scénario suit beaucoup plus servilement l'oeuvre littéraire que ses aînés, on peut dire que, bien qu'étant assez réussie, elle n'a pas le brillant et la santé du film de Baky, ni l'inventivité et la poésie du film de Zeman.

 

 

Cette digression étant faite, revenons à ce Baron Prásil et à son casting. Inutile de préciser que Zeman, auteur complet, en a aussi écrit le scénario, mais pas les dialogues. La musique, qui tient une part très importante dans le film, est l'oeuvre de Zednek Liska, l'un des trois ou quatre compositeurs attitrés du cinéma tchèque des années 60 et 70 (plus de cent films au compteur). Dans le rôle titre, on trouve une grande figure du cinéma tchèque : Milos Kopecký, juif pragois survivant des camps de concentration, et acteur de théâtre d'avant-garde. Le jeune premier, Rudolf Jelínek (Tonyk dans le film), s'il n'accédera jamais au vedettariat, fera une longue carrière en tant que second rôle, y compris dans des films hollywoodiens tournés en République Tchèque. Jana Brejchová, qui joue l'unique (ou presque) rôle féminin du film, eût elle aussi une carrière bien remplie, mais elle est surtout connue pour avoir été l'épouse de Milos Forman et (bien plus longtemps) celle de Vlastimil Brodsky, le plus célèbre acteur du cinéma tchèque.
Tous ces talents conjugués ayant contribué à faire ce petit bijou du cinéma tchèque, grâce leur soit donc rendue.

 

 

Note : 8,75/10

Sigtuna

 

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