Silent Night, Bloody Night
Genre: Horreur , Thriller , Slasher , Psycho-Killer
Année: 1972
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Theodore Gershuny
Casting:
Mary Woronov, Astrid Heeren, James Patterson, Patrick O'Neal, John Carradine, Walter Abel, Fran Stevens...
Aka: Death House / Zora / Night of the Dark Full Moon
 

Isolée dans le Massachusetts, la maison des Butler s'est tenue pimpante pendant des décennies, servant d'hôtel particulier, voire même d'asile dans les années 20 et 30. Son propriétaire, l'excentrique Wilfred Butler, s'en est par la suite absenté durant des années après qu'un drame mystérieux soit survenu. C'est seulement en 1950, peu avant Noël, qu'il y est retourné brièvement avant de s'immoler accidentellement puis de périr de ses brûlures. Une immolation dont la cause a toujours laissé planer le doute : possiblement un suicide, peut-être un assassinat (faut dire qu'à l'intérieur de la maison, le petit feu de cheminée et la musique funèbre à l'orgue laissent penser au spectateur qu'une autre personne était présente).

 

 

Quoi qu'il en soit, le père Butler a légué la maison à son petit-fils, Jeffrey, lequel n'a jamais semblé la revendiquer ni ne s'en est jamais trop occupé. Finalement, personne n'a vécu là depuis la mort du maître des lieux. La seule réserve du légataire est de ne jamais vendre la propriété, et surtout de la laisser telle quelle...

C'est pourtant le contraire que décide de faire Jeffrey Butler. La nouvelle se répand rapidement au sein de la petite bourgade où les citadins locaux agissent dès lors de façon singulière. Ils aimeraient que la demeure, qu'ils jugent porter malheur, disparaisse purement et simplement. Même dans l'asile à proximité, la "profanation" par la vente de la propriété se répand. Jeffrey Butler confie la vente à John Carter, son avocat, qui prend donc l'affaire en mains. Il couche une nuit dans la demeure avec sa jeune maîtresse, avant que le couple se fasse massacrer à coups de hache. Entre temps, l'un des pensionnaires de l'asile local s'en est échappé pour se mettre à perpétuer des crimes, semble-t-il longtemps refoulés et éclatant à rebours. Difficile en tout cas de ne pas y voir un rapport de cause à effet. Pas de doute, l'endroit recèle de lourds secrets. Mais lesquels ? Jeffrey Butler, aidé de Diane Adams, la fille du maire de la ville, se mettent à enquêter sur le passé de Butler. Les découvertes seront aussi troublantes qu'inattendues, autant brutales que sauvages.

 

 

Signé Theodore Gershuny, qui n'a à son actif que trois films dont celui-ci est le dernier après "Kemek", un thriller avec Alexandra Stewart, puis "Sugar Cookies" dans lequel on retrouvait, en plus de Lynn Lowry et de George Shannon, Mary Woronov ici présente dans le rôle de Diane, ainsi que Ondine, l'égérie Warholienne que l'on aperçoit ici aussi, dans une courte mais renversante scène. Une scène clé puisqu'elle éclairera notre lanterne (en sépia) sur un passé lourd de conséquences.
A cet égard, il convient de souligner que Silent Night, Bloody Night évolue sur deux axes, lesquels le font ensuite rayonner à leur tour dans des genres et des traitements qui vont de pair. Le film fait d'ailleurs des allers-retours entre les deux de façon singulière et brillante. Les voix off se succèdent, qu'elles viennent d'une Diane intriguée, improvisée détective, d'un Jeffrey soudainement concerné, d'une enquête menée à deux et qui aboutira à la lecture d'un journal qui aurait dû à jamais rester secret, ou encore de vieilles lettres écrites par Butler senior, lues sur le ton du pur rapport d'autopsie. Les révélations se feront par à-coups mais seront à chaque fois assassines.

 

 

D'un côté, le récit au présent donne au film des airs de slasher fondateur, tandis que de l'autre il l'inscrit dans une mouvance horrifique plus atmosphérique. On pense assez souvent aux superbes Let's Scare Jessica to Death et Messiah of Evil, datant tous deux de l'année précédente. Silent Night, Bloody Night partage avec eux une atmosphère à la fois étrange, à la limite de la paranoïa, en même temps que délétère. Dès les premiers plans, on sait que l'endroit est nuisible, dangereux, peu fréquentable. Les réactions excessives et intransigeantes des citoyens en attestent tandis que l'ambiance se fait peu à peu mystérieuse et pesante. Mais d'un simple secret qu'on veut lever surgira une vengeance a priori venue d'un autre temps. De fait, au présent, le film se transforme en pur slasher qui le rapproche d'un Black Christmas à venir, que ce soit par son contexte pré-Noël ou par certaines ficelles scénaristiques, comme cet opérateur téléphonique qui jamais ne parvient à joindre les hôtes de la demeure Butler pour les prévenir du danger (hé oui, "Shining" et les dons télépathes ne sont pas encore de la partie !). Quant au final, il annonce tout ce qu'on a pu voir ensuite dans le genre : d'un premier trauma, s'ensuit une révélation tardive traumatique elle aussi et quand le film s'achève, c'est, à l'instar de nombreuses bobines horrifiques tournées depuis, le début d'une nouvelle histoire. Finalement, s'il était tourné aujourd'hui, cette jolie réussite de Theodore Gershuny aurait sans doute droit à sa suite. Pour la préquelle, il faudrait repasser, elle est ici insérée de façon pertinente et talentueuse. Et pour revenir sur la partie consacrée au passé, laquelle révèlera les enjeux au présent, elle achève d'insuffler au film des airs giallesques. Si celui-ci était transalpin, Silent Night, Bloody Night ferait même partie des représentants les plus riches, singuliers et talentueux.

 

 

Quant aux clés du film, si elles laissent par moments quelques verrous ouverts au sein de cette demeure gothique maudite en plus de quelques caches qui resteront à jamais murées, elles sont ici distillées de manière aussi brillante que les dialogues et les voix off, lesquels contribuent brillamment à instiller un climat à la fois propre aux contes funèbres, à la douce rêverie qui tourne subitement au cauchemar, tout en restant clinique, froid, et qui, petit à petit, passe de l'intriguant à l'inquiétant, puis de l'inquiétant au terrifiant, voire au traumatisant.

Mélange gracieux de slasher, de suspense horrifique post-gothique, de psycho-killer vengeresque, de voyage planant au coeur des ténèbres d'une petite bourgade du Massachusetts, Silent Night, Bloody Night fait partie de ces petite perles oubliées, pourtant tombées dans le domaine public, mais qui, à ce jour, ne jouit toujours pas d'une restauration, puis d'une édition digne de ce nom, tandis qu'un remake (qu'on suppose calqué, à lire les résumés sur le net) pointe le bout de son nez.

Parfaitement campé par ses interprètes, dont un Patrick O'Neal qu'on reverra ensuite dans Les femmes de Stepford et qui, disons-le, ne fait pas long feu ici, un James Patterson un peu plus faible sans doute, et qui hélas, décèdera peu après le tournage, une Mary Woronov à la fois naïve et habitée jusqu'à l'obsession, ainsi que quelques vétérans tels John Carradine (ici muet mais pas silencieux car il dispose d'une sonnette) ou Walter Abel (Furie de Fritz Lang), Silent Night, Bloody Night parvient, au-delà de sa belle habileté à faire fondre de façon homogène et palpitante plusieurs temps et genres en un film qui mériterait une bien meilleure reconnaissance à ce jour. Gershon Kingsley à la partition musicale utilise qui plus est un thème classique connu qu'il fait revenir à la sauce mélancolique et lancinante, et qui participe amplement à l'ambiance d'une bobine où tout le monde se perd, sauf le spectateur qui appréciera de s'y être égaré.

 

 

P.S : Et pour ceux qui ne l'auraient pas vu, je vous conseille fortement la version proposée par Throma sur VPM. Soit, la copie est usée et cela s'avère gênant pour quelques passages nocturnes, en même temps il me semble que Silent Night, Bloody Night fait partie de ces films qui surprennent à la découverte, même dans une copie moyenne et dont on se fera un plaisir plus tard de le redécouvrir si une version restaurée venait à sortir chez, par exemple, Artus Films.

 

Mallox

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