[M] [Critique] Poor Pretty Eddie

[Throma]

Poor Pretty Eddie - 1975

Origine : USA
Genre : drame / thriller / horreur / psycho-killer
Un film de Chris Robinson & David Worth
Avec Shelley Winters, Leslie Uggams, Michael Christian, Ted Cassidy, Slim Pickens, Dub Taylor, Red Lawson, Lou Joffred...




TOP : Elle fête ses trente-quatre printemps cette année... Elle est agréable à l'oeil... Bien charpentée avec ça... Un peu agitée du bulbe aussi... Une forte personnalité... Pas toujours limpide pour ce qui est de la déchiffrer...
Elle, ce n'est bien sur pas Julien Lepers mais Ma-Belle-Découverte-Du-Moment, alias "Poor Pretty Eddie". C'est particulier comme nom mais passons...

Ce qui ressort de cette oeuvre magistrale de la race des belles pouliches défiant toute catégorie (« Private Parts » de Paul Bartel ou « Deranged » d'Ormsby/Gillen sont parqués deux box plus loin), même pour un anglophile non averti ou non initié au patois du « Deep South », et bien ce qu'il en ressort, c'est une déclaration d'amour flamboyante au pathétisme humain dans toute sa splendeur. Et quelle meilleure parcelle du globe que le Sud profond des Etats-Unis pour en capturer l'essence (la Corrèze devait pas être libre ce jour-là).





Dans « Poor Pretty Eddie », le tandem Chris Robinson/David Worth vous convie à un voyage cauchemardesque dans les affres de la solitude, souillure recouvrant comme une seconde peau la galerie de phénomènes s'y nichant, tout droit échappés des toiles d'un Grant Wood. A l'instar de « Delivrance », c'est une Amérique rurale malade et ravagée par la consanguinité que l'on explore ici en compagnie de son héroïne, Liz (Leslie Uggams). Un personnage principal judicieusement atypique d'ailleurs : chanteuse de jazz, noire, raffinée, aisée, avec ce qu'il faut de dédain. Quand le moteur de sa Rolls rend l'âme au milieu de Bouseux-Land entre deux galas, elle n'a d'autre choix que de quérir aide et assistance dans le motel isolé tenu par Bertha (Shelley Winters) et Eddie (Michael Christian). Elle, est une diva sur le retour, alcoolique et névrosée (Shelley Winters quoi...) mais ce n'est rien comparé à Eddie, barman au physique de gendre idéal et crooner ridicule singeant Elvis à ses heures perdues. Mais le jeune homme, peu fréquentable de par son humeur instable et son manque de tact souffre d'un grand vide affectif. Aussi, quand Liz et son charme débarquent dans son bouge, l'amour nait, engendrant par là même, jalousie, possessivité excessive et finalement viol.
Et le chemin de croix de Liz de débuter à peine... Rapidement, la jeune femme s'apercevra qu'elle ne peut compter que sur elle-même pour se tirer des pattes crochues d'Eddie. La justice dans ce pays du Diable est corrompue. Le shérif local (génial Slim Pickens) est un irrécupérable, préférant gribouiller des dessins obscènes sur son calepin pendant que Liz lui décrit son agression lors d'une séquence drôlement pathétique et pathétiquement drôle. Monsieur le Député, quant à lui, est homme de compromis : il offre un coup de main en échange d'une simple pipouze... Mais le salut de Liz pourrait bien venir de Keno (Ted Cassidy), un employé du motel haut-en-couleur... haut tout court puisque Keno est un colosse de plus de deux mètres dont le bon coeur est au diapason de sa taille.
Un géant, un chanteur raté, une vieille gloriolle dépressive, des débiles congénitaux : voici le genre de singularité attendant le spectateur au cours d'un film qui recèle bien d'autres surprises dans sa manche. L'une d'elle, sur laquelle je me dois de braquer les projecteurs, concerne la mise en scène admirable de Robinson et Worth, se traduisant par un sens inhabituel du cadrage donnant lieu à de bien jolis plans. Quant au montage, ultra-maitrisé et laissant la part belle au ralenti, en atteste un final à la violence démentielle tout droit inspiré de l'Oncle Sammy P., il nous vaut de grands moments de cinéma. A l'image de cette séquence exceptionnelle où au viol de Liz se juxtapose l'accouplement de deux chiens dans un enclos voisin. Cette scène hallucinante tournée au ralenti, sur une sublime ballade country et dont il est impossible de retranscrire la puissance par simple écrit, mérite de rentrer au Panthéon des séquences cinématographiques les plus « répulsivement belles » qu'il soit possible de trouver. Ou quand de la laideur s'extirpe la beauté.
Paradoxal, le film l'est assurément de toute façon. Monstrueux mais à visage humain. Dramatique mais profondément drôle. Déprimant mais gorgé d'espoir.
L'ambiguïté, n'est-ce pas là la marque qui forge les grands films après tout ?
A découvrir absolument.




























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[flint]

Belle chronique enthousiaste pour un film fort méconnu. Personnellement, je suis toujours fasciné par Shelley Winters, qui était dans les années 40/50 une femme magnifique, au physique de pin-up. Au fil des décennies, elle a pris du poids autant dans son jeu que physiquement. Elle a incarné je ne sais combien de fois des personnages ambigus, inquiétants, sauvant parfois des films médiocres (comme "La fille du Diable" de Jeannot Szwarc ou "Gran Bollito") par sa seule présence.
Quant à Leslie Uggams, je n'aurais pas imaginé la voir dans un tel film après l'avoir vu dans la série "Racines".

[RuggeroPark]

Oui merci à son auteur. ça donne vraiment envie.
Shelley Winters, a la particularité de mourir sacrifiée dans les 3/4 des films dans lesquels elle jouait ? Quand elle ne mourrait pas noyée (le Poséidon !).
Beaucoup de rôles ingrats, donc une grande dame pour moi.

[Throma]

J'aime bien aussi Shelley Winters, même si, de film en film, ceux tournés lors de son déclin progressif en tout cas, on a le sentiment qu'elle campe un peu toujours le même personnage.
Inutile de préciser que celui de Bertha lui va comme une moufle.
Le comble du pathétique, c'est sa prestation dans l'horrible "Tentacules" d'Ovidio Assonitis et surtout cette scène, sur la plage, au milieu du film, où on la voit se goinfrer de glaces avec 2 mômes entre 2 plans de surfeurs qui s'éclatent sur leurs planches pendant que des tentacules s'agitent mollement sous les eaux et sur une musique insoutenable de suspense de Cipriani (je crois).
Bien sur, dit comme ça, ça n'a aucun sens mais en mouvement, c'est à pleurer de rire ou de désespoir, au choix.

Pour en revenir à "Poor Pretty Eddie", ceux qui souhaiteraient le voir, et ils auraient tort de se priver, pourront se rabattre sur le dvd sorti chez Trinity en 2006.



Jaquette con comme la pluie qui s'y écoule mais petit prix et bonne qualité d'image.
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[flint]

Fiche dvd -



Poor Pretty Eddie – Le Chat qui Fume

Région : Zone 2 - PAL
Editeur : Le Chat qui Fume
Pays : France

Sortie film : juin 1975 (U.S.A. - inédit en France)
Sortie dvd : 4 octobre 2016

Durée : 85'12
Image : 1.85:1 – 16/9 compatible 4/3
Audio : Dolby Digital 2.0



Langue : anglais
Sous-titres : français (optionnels)

Bonus :

- La sordide histoire de Poor Pretty Eddie, par Foxy Bronx (6'18)
- Bandes-annonces (« Exorcisme tragique » et « La longue nuit de l'exorcisme »)



Commentaire : « Poor Pretty Eddie », film maudit à plus d'un titre, n'a jamais eu les faveurs d'une exploitation en France ou dans les pays francophones, que ce soit en salles, durant l'époque de la VHS, ou celle du dvd. Et puisqu'on parle dvd, on recense très peu de distributions du film sur ce support ; en fait, essentiellement une, en 2006 chez les Américains de Trinity, qui proposaient à la fois un master médiocre et une jaquette moche sans rapport avec le film.



Il a fallu en fait attendre 2011 et un combo dvd/blu-ray pour que « Poor Pretty Eddie » renaisse véritablement de ses cendres. Ceci grâce à l'apport de HD Cinema Classics and Film Chest (société américaine, encore une fois), spécialisé dans la restauration d’œuvres tombées dans le domaine public. HD Cinema Classics a sorti le film (sous le label Cultra) à partir d'une source en 35mm, éliminant les défauts principaux.
Et ce n'est que justice de pouvoir visionner depuis lors cette œuvre de David Worth et David Robinson dans des conditions optimales, car « Poor Pretty Eddie » représente la fusion parfaite des deux genres que sont la blaxploitation et la hicksploitation.
La copie proposée par Le Chat qui Fume présente les mêmes qualités que celle de Cultra, une belle image restaurée et un son très clair. Les sous-titres français sont parfaitement lisibles et évidemment les bienvenus.




En bonus, outre les bandes-annonces d'un giallo déjà sorti chez l'éditeur (« Exorcisme tragique ») et d'un autre à sortir prochainement, particulièrement attendu (« La longue nuit de l'exorcisme »), nous avons le plaisir de retrouver le spécialiste maison de la blaxploitation, le sympathique Foxy Bronx, qui revient sur les déboires nombreux s'étant abattus sur « Poor Pretty Eddie », avant d'apporter quelques anecdotes sur certains membres du casting et les diverses sorties du film sous des titres différents (dont une avec un autre montage et de nouvelles scènes).




Présenté dans un joli digipack, à la manière de précédents titres comme « The Muthers » et « Dynamite Jackson », « Poor Pretty Eddie » fait partie d'une nouvelle vague de la collection Exploitation Cinema, avec « Brother » (The Brother From Another Planet), venant enrichir le catalogue du Chat qui Fume pour notre plus grand plaisir.



Note : 8/10











Sinon, rien à rajouter par rapport à l'excellente chronique de Throma. Un sacré film, une galerie de portraits incroyable, et un bon jeu d'acteurs, des scènes démentielles. Bref, du tout bon.

[Throma]

Merci pour ta fiche et bravo au Chat qui fume pour avoir les couilles de sortir cet inclassable qui je l'espère, rencontrera un beau succès.

La copie parait belle. Je vais m'empresser de le commander et de le voir enfin sous-titré.
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