[M] [Critique] La fleur de pierre

 
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sigtuna
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MessagePosté le: Lun Avr 18, 2011 12:20 pm    Sujet du message: [M] [Critique] La fleur de pierre Répondre en citant



La fleur de pierre (Kamennyy tsvetok / Каменный цветок)
Union Soviétique – 1946
Réalisation : Aleksandr Ptushko
Avec : Vladimir Druzhnikov, Ekaterina Derevshchikova, Tamara Makarova, Mikhail Troyanovsky, Aleksandr Kleberer, Mikhail Yanshin, des lapins...
Genre : Heroïc Fantasy, Fantastique
Accroche : Bien malachite ne profite jamais

Au 19e siècle, dans la Russie profonde, plus précisément la région de l’Oural, un vieux conteur narre, à une assemblée de chiards captivés, l’histoire de Danila et de la fleur de Malachite. Il était une fois un vieux sculpteur de pierre nommé Prokopitch ; comme il n’avait pas d’enfant et que sa dextérité dans son art participait à la prospérité de la région, le rusé régisseur du seigneur local lui imposa de former des apprentis pour que ses connaissances ne se perdent pas. Mais soit parce qu’il était mauvais pédagogue, soit parce qu’il y mettait de la mauvaise volonté, tous les enfants qu’on lui présentât furent rejetés violemment. Au même moment, un jeune orphelin, Danila (attention c’est un prénom masculin) garde le troupeau du seigneur du coin. D’un naturel poétique il est distrait par une apparition de la « princesse de la montagne de cuivre » (sous la forme d’un lézard couronné) et il laisse les vaches se faire dévorer par les loups. De retour au domaine, il subit le supplice du knout. L’intendant, impressionné par les capacités de résistance du gamin, décide de l’envoyer auprès du vieux Prokopitch, dans une dernière tentative de lui trouver un apprenti.



Ce métrage, première œuvre d’Aleksandr Ptushko à ne pas être un film d’animation, est aussi le premier film en couleur du cinéma soviétique. Après la vision de ce petit (par la durée : 70 minutes) chef d’œuvre, et bien que l’intention y soit, je ne vous ferai pas du « déjà Napoléon perçait sous Bonaparte ». D’une part parce que citer du Sacha Guitry achèverait de me ringardiser auprès du jeune lectorat de Psychovision, d’autre part parce qu’à 46 ans Ptushko avait déjà une longue et brillante carrière derrière lui, qui lui valait la réputation de génie du stop motion. Il avait même déjà réalisé deux moyens métrages dans les années 30 (des adaptations de Pinocchio et des voyages de Gulliver) utilisant cette technique dont il est (avec Willis O’Brien) le précurseur. C’est pour ces raisons qu’en 1946 on lui confia les très rares pellicules Agfacolor saisies en Allemagne pendant la guerre, afin de réaliser un film de prestige, destiné à la fois au jeune public russe et aux festivals internationaux.

Cette pellicule couleur fit beaucoup pour la renommée du film à sa sortie (il sera récompensé du « prix international de la couleur » lors du premier festival de Cannes, une récompense à relativiser néanmoins, puisque cette année là pas moins de vingt prix furent distribués et pour certains à des films assez médiocres). Elle a depuis assez mal vieilli, et constitue un des points faibles de cette « fleur de pierre », qui a pris une teinte sépia où les bruns et le verdâtre dominent. Ainsi, l’arrivée de Danila dans le royaume troglodyte de la « princesse de la montagne de cuivre », si elle reste une séquence d’une grande beauté plastique et l’un des clous du film, aurait était autrement plus impressionnante en « sovietocolor » des années cinquante.



Ce film est tiré d’un conte éponyme de Pavel Bajov (ou Bazhov suivant les transcriptions du cyrillique), sorte de Gorki pour pré-pubère ou de Charles Perrault du Kolkhoze. L’auteur, ancien révolutionnaire bolchévique spécialisé sur le tard dans les transcriptions des contes de l’Oural dans une ligne politique très léniniste, a lui-même participé à l’adaptation. Ce même conte servira quelques années plus tard au dernier ballet composé par Serguei Prokofiev. Un Prokofiev qui n’a hélas pas participé à ce présent film, dont la musique est due à l’obscur mais talentueux (sans comparaison toutefois avec Prokofiev) Lev Shvarts, compositeur attitré des films d’animation de Ptushko dans les années 30. Mais dont cette « fleur de pierre » sera néanmoins leur dernière collaboration.

L’histoire simple, naïve mais touchante, d’un artiste prêt à tout sacrifier pour atteindre la perfection (et qui sera finalement sauvé par l’amour pur de sa fiancée), est ici magnifiée par le génie plastique et narratif d’Aleksandr Ptushko. D’aucuns, adeptes de la sur-analyse et de la « sur-interprétation », pourront être gênés par la représentation assez manichéenne des rapports sociaux (avec une bourgeoisie, ou en tout cas une classe moyenne représentée par l’intendant, intelligente et capable, mais brutale et sans scrupules ; oppressant le peuple pour le compte, mais sans doute plus pour très longtemps, d’une aristocratie de parasites décérébrés et coupés des réalités), mais ils auraient bien tort.



L’interprétation est remarquable, comme souvent dans les films de Ptushko. Le couple de jeunes héros, plus particulièrement, est « mignon tout plein », on en mangerait. Si Vladimir Druzhnikov (l’interprète de Danila) fut en quelque sorte le Montgomery Clift soviétique, la craquante Ekaterina Derevshchikova (qui joue sa fiancée Katia) ne fit pas par la suite une grande carrière. Tamara Makarova (épouse à la ville de Sergueï Guerassimov, le réalisateur du « Don Paisible ») avait par contre un peu trop d’heures de vol pour être convaincante dans le rôle de la tentatrice « princesse de la montagne de cuivre », et on comprend sans peine, qu’une fois débarrassé de ses obsessions artistique, Danila veuille retourner auprès de Katia.

On peut regretter que cette « fleur de pierre » ne comprenne aucun trucage en stop motion, compte tenu du passé de la part de son réalisateur ; mais celui-ci a sans doute décidé, ainsi, de faire ses adieux à sa première carrière (dans le cinéma d’animation) pour en entamer une encore plus brillante dans le cinéma fantastique, avec ce film qui contient les germes de ces deux futurs chefs d’œuvre : « Sadko » et « Ilya Muromets » (les séquences de la demande en mariage et de l’exploration troglodyte, en particulier, sont magnifiques).

9/10



NB: en 1936, "Rossignol, petit rossignol" fut réalisé en bichromie, et peut donc prétendre au titre de premier film soviétique en couleur (source Kinoglaz). Quoiqu'il en soit, "La fleur de pierre" est le premier film soviétique entièrement en "couleurs naturelles".


Dernière édition par sigtuna le Mar Avr 19, 2011 7:40 am; édité 1 fois
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sigtuna
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MessagePosté le: Mar Avr 19, 2011 7:19 am    Sujet du message: Répondre en citant

un petit documentaire des 70 sur Ptushko ici
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MessagePosté le: Mar Avr 19, 2011 5:23 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Absolmument splendide comme images et comme propos !

J'aime bien tous les genres de notre cinéma, à part peut-être le trop gore, mais je déplore volontiers que le cinéma fantastique ne nous amène plus guère vers la féérie, le merveilleux...

En effet, de nos jours, on a soit une vision pré-mâchée américaine ou...presque rien !
Il s'agit d'un courant du cinéma fantastique quasiment déserté !

Aussi je te remercie, Mister Sigtuna, pour cette découverte qui m'a l'air des plus séduisantes !
_________________
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sigtuna
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MessagePosté le: Mer Avr 20, 2011 6:06 am    Sujet du message: Répondre en citant

Une réaction qui fait plaisir frank_PDT_10, surtout qu'après 2 "review" mitigé sur Ptushko je me devais de redresser le tir.

Le but étant comme Mallox avec Fulci, comme Bigbonn avec JJ R et comme Flint avec Jesus d'être exhaustif sur ses œuvres.
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