The Hard 99 % irradié


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Posté le: Lun Oct 10, 2011 9:10 am Sujet du message: [M] [Critique] Piscine sans eau |
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Région : PAL Zone 2
Editeur : Blaq Out
Pays : France
Sortie film : 23 janvier 1982 (Japon) / 8 septembre 2011 (France - Etrange Festival)
Sortie dvd : 27 septembre 2011
Durée : 103 min
Image : 1.85 (compatible 16/9eme)
Audio : Stéréo
Langues : version originale japonaise
Sous-titres : français/anglais
Bonus :
- Préface de Julien Carbon et Laurent Courtiaud (8 min)
- Bande-annonce originale japonaise
- Bande-annonce française
Commentaire : Et le dvd de « Piscine sans eau » d'être le 17ème film de Wakamatsu proposé par Blaq Out ! Avec un auteur touchant aussi bien les cinéphiles de tous les horizons que les intellectuels/universitaires, cet éditeur soigne son travail en mélangeant sobriété et efficacité, sans jamais dénaturer les films ; la jaquette rend ici hommage aux couleurs bleutées du photographe Kazuki Hakama, à l'œuvre sur “Piscine sans eau”. Autant le dire, Blaq Out vise un public de passionnés.
Fidèles à leur ligne éditoriale, le bonus accompagnant le film est une préface. Cette fois-ci, elle est rondement menée par Julien Carbon et Laurent Courtiaud, un duo de réalisateurs et scénaristes bossant à Hong-Kong, et que l'on connaît pour le scénario de “Le Talisman” (2002,) de Peter Pau, et pour avoir réalisé “Les nuits rouges du bourreau de Jade” (2011). Ils dressent un exposé intéressant, construit, et derrière lequel on devine une certaine admiration pour l'œuvre de Koji Wakamatsu.
Pour le reste, la bande-annonce originale japonaise et la bande annonce française conçue par Blaq Out complètent la partie bonus.
Le dvd de « Piscine sans eau » ne dépareille donc pas le film ; l'ambiance des années 80 y est, et l'image ainsi que le son ne semblent pas souffrir de la compression DVD.
Blaq Out a réalisé une fois de plus un superbe travail de restauration et a permis à ce film d'exister hors Japon, près de trente ans après sa sortie.
Dernière édition par The Hard le Mar Oct 25, 2011 6:36 am; édité 1 fois |
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The Hard 99 % irradié


Inscrit le: 17 Fév 2005 Messages: 1132
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Posté le: Ven Oct 14, 2011 7:33 am Sujet du message: |
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Piscine sans eau (1982)
Mizu no nai puuru (titre original japonais)
A Pool Without Water (titre USA)
Origine : Japon
Genre : Drame érotique/Crime
Réalisé par Koji Wakamatsu
Avec Yûya Uchida, Mie, Reiko Nakamura, Yumiko Fujita, Yoshio Harada...
Un homme enfermé dans une pénible routine (métro/boulot/famille/dodo) assiste à l'agression d'une jeune femme. Il interviendra juste avant que celle-ci prenne des tournures dramatiques. Par la suite, comme perturbé, il chloroformera des filles pendant leur sommeil afin de les violer. Le parcours de ce simple poinçonneur en dira long sur la condition des hommes au sein de l'archipel japonais.
Le terreau de « Piscine sans eau », c'est l'exploitation. Et l'un de ses plus fertiles travailleurs, tout droit issu du quartier de Shinjuku, fut Koji Wakamatsu. Yakuza devenu l'un des enfants terribles du cinéma pink, c'est avant tout un auteur, doublé d'un activiste politique de gauche fermement voué à ses convictions (elles-mêmes portées par l'extase/le fantasme de la révolution). Cependant, quand l'idéologie de ses débuts (« Sex Jack », « L'extase des anges », « Va va vierge pour la seconde fois »...) s'est perdue dans la défaite, quand il n'est resté de la contestation que de l'amertume, au mieux de la nostalgie, alors il se tourna vers un style plus « vitriole », magnifiant les sous-genres les plus outranciers (ici donc, le film de viol, faisant écho à la série des « Rapeman »).
« Piscine sans eau » est l'un des films les plus emblématiques de cette période disons plus « classique » (« Ejiki », « Sosuke le cocu »...), mais témoignant surtout d'une nouvelle manière de faire du cinéma (signalons que l'obtention d'une certaine respectabilité pour le pink-eiga a tout simplement poussé Koji Wakamatsu a abandonné le cinéma pink, qu'il ne désirait pas voir sur le devant de la scène : “ […] Ce cinéma, c'est la guérilla. Pour moi c'est quelque chose qui devait rester dans l'ombre [...]”).
C'est l'acteur principal, Yuya Uchida (sorte de John Lennon japonais, acteur dans « Furyo », « Les liaisons érotiques » et même un « Zatoïchi », producteur et candidat aux élections municipales de Tokyo en 1991), qui brancha Wakamatsu sur le sujet du film. Il débarqua chez celui-ci avec quelques articles du fait divers original sous le bras (le canevas de « Piscine sans eau », du coup, flirte allégrement avec un format d'exploitation) et lui demanda s'il se sentait capable de réaliser un film où lui-même incarnerait le criminel. Pour Wakamatsu, habitué des tournages avec des inconnus, ce fut une première ; il tourna avec une rock star qui, elle-même, convoqua des personnalités telles que Tamori (humoriste et présentateur télé), Kenji Sawada (chanteur, musicien) et Yoshio Harada (acteur connu pour ses rôles de rebelle). Cela plut aux majors et propulsa le film vers un certain succès. « Piscine sans eau » ne connut toutefois pas de sortie hors du Japon, et fut diffusé pour la première fois en France lors de l'Etrange Festival 2011.
Le ton rappellera le thriller, à l'inverse d'un style purement inscrit dans le film de viol âpre et baroque. Mais en exergue, le ton est à la contemplation. L'œil de Wakamatsu est affecté par l'obsession pour les gestes de son personnage ; comme s’il ne devait rien en perdre, comme s'il se déroulait là une rare chorégraphie. Et à force d'insistance, à la manière d'un zoom répété autant de fois que nécessaire, les silences deviennent angoissants et l'intervention de la parole surprend autant qu'elle se fait rare. Si l'ensemble tend à ce point à l'investigation, c'est aussi que la présence du photographe Kazuki Hakama, en provenance de la publicité et réputé pour être l'as des plans de voitures, nous a laissé un somptueux travail sur les couleurs bleutées, tendant à l'immersion totale dans le monde de la nuit. Malheureusement, leur collaboration ne se renouvellera pas.
« Piscine sans eau » pourrait être vu comme un élargissement du principe même du film de viol japonais ; c'est à dire que le violeur est encore une fois un aliéné et que la victime deviendra, à force, consentante. Pour s'en convaincre, il suffira de voir et revoir cette séquence où la magnifique Reiko Nakamura se réveille de son coma chloroformé, ne se souvenant de rien et faisant face à un somptueux petit déjeuner préparé par le criminel. Dans l'imaginaire de ce sous-genre, elle succombe au « charme » de la rencontre. L'amour l'emportera.
Koji Wakamatsu rôde encore une fois bien ses rouages pour un film représentant parfaitement le manque de connaissances que l'on a de cette période (mais que l'on a cependant pu découvrir, lors de la rétrospective accordée par la Cinémathèque Française en 2010). Il clôturerait presque le cycle de film de viol entamé par Hasebe en 1976 avec « Rape » et réconcilierait les détracteurs du genre avec.
Arrivant à point dans l'histoire de ce sous-genre subversif, c'est à dire au moment où celui-ci s'épuise, « Piscine sans eau » et son casting prestigieux convoquent une certaine « mise à distance », une certaine poésie ne touchant jamais au crépuscule, ni à la mélancolie. Non, plus que tout, c'est de cette volonté de transparence du personnage principal (se rasant la tête et s'habillant de noir), ce désir d'unifier son corps à celui du Japon pour mieux disparaître, et de faire de ses actes ce que l'on est, dont on se souviendra.
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