[M] [Critique] Le massacre des morts-vivants

 
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flint
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MessagePosté le: Jeu Nov 26, 2015 4:38 pm    Sujet du message: [M] [Critique] Le massacre des morts-vivants Répondre en citant



Le massacre des morts-vivants

Titre original : Non si deve profanare il sonno dei morti

Genre : Horreur, Zombie

Année : 1974

Pays d'origine : Espagne, Italie

Réalisateur : Jorge Grau

Casting : Christina Galbo, Ray Lovelock, Arthur Kennedy, Aldo Massasso, Roberto Posse, José Lifante...

Aka : The Living Dead at Manchester Morgue/Let Sleeping Corpses Lie/No profanar el sueño de los muertos



George Meaning, antiquaire, ferme sa boutique pour prendre quelques jours de vacances, durant lesquelles il doit rendre visite à une connaissance afin de lui montrer quelques objets. Il quitte donc la grande ville de Manchester et la pollution pour l'air pur de la campagne. A mi-parcours, un incident se produit dans une station-service alors qu'il faisait le plein de sa motocyclette. Une automobiliste, Edna Simmonds, fait une manœuvre malheureuse et renverse la Norton de Meaning. Les dégâts occasionnés ne pouvant être réparés avant quelques jours, George suit Edna dont la destination est proche de la sienne. Celle-ci va rendre visite à sa sœur Katie qui souffre d'une dépendance à l'héroïne. Elle vit avec son mari Martin dans une ferme retirée.
Mais ce qui s'annonçait comme un week-end tranquille se transforme peu à peu en cauchemar. D'abord, Edna est agressée par un homme étrange qui s'avère être un clochard mort noyé depuis plusieurs jours. Ensuite, Martin est sauvagement assassiné durant la nuit aux abords de la ferme par ce même individu. Et pour couronner le tout, l'inspecteur de police chargé de l'enquête soupçonne Katie d'être l'instigatrice du meurtre. George et Edna sont également dans son collimateur…



« Le massacre des morts-vivants » est une œuvre beaucoup plus subtile que son titre français ne pourrait le laisser croire. On la doit au réalisateur espagnol Jorge Grau, responsable d'une vingtaine de longs métrages. Toutefois, le film dont il est question ici fut le seul de son auteur à avoir été distribué dans notre pays (tardivement, qui plus est, en 1980).
En dehors de « Non si deve profanare il sonno dei morti », Jorge Grau (plutôt ancré dans le cinéma d'auteur) a également mis en scène deux autres films marquants dans le domaine du cinéma de genre : « Ceremonia sangrienta » en 1973, évocation réussie autour du personnage d'Erzebeth Bathory, et « Cartas de amor de una monja » en 1978, un nunsploitation dont le titre reprend peu ou prou les « Lettres d'amour d'une nonne portugaise » tournées l'année précédente par Jesus Franco.



A l'heure où je rédige cette chronique, les feux des projecteurs sont tournés vers la COP21 (Conférence de Paris 2015 sur le climat), ayant pour but de lutter contre le réchauffement climatique. D'écologie il en est également question dans « Le massacre des morts-vivants ». Dès le générique d'ouverture, Jorge Grau nous montre les ravages occasionnés par une grande ville industrielle (ici, Manchester) sur le quotidien de ses habitants. Des citadins obligés de porter un masque pour marcher dans les rues, ou d'avaler des pilules pour soigner un mal qui les ronge, tandis que les cheminées gigantesques des usines crachent des fumées méphitiques. La caméra s'attarde un moment sur un groupe de gens attendant le bus, avec un constat sans appel : tous, quel que soit leur âge ou leur condition sociale, ont un regard désabusé, presque vide, aussi déshumanisé (sinon plus) que celui des zombies qui interviendront plus tard dans l'histoire.




Car le long métrage de Jorge Grau est aussi (et surtout) un film de zombies, dont l'apparition est provoquée par une machine agricole expérimentale dans une zone rurale. Une technologie pensée pour exterminer les insectes qui détruisent les cultures, à base d'ondes et de radiations ultrasoniques. Les radiations attaquent le système nerveux des insectes, dans un rayon d'action limité. Elles n'agissent que sur les systèmes nerveux les plus élémentaires, donc sans incidence sur les êtres humains, ou la faune animale en dehors des insectes. Pourtant, dans un hôpital avoisinant, des bébés ont des crises d'agressivité intenses. Et surtout, plus grave encore, voilà que les morts se relèvent… Parce que les cerveaux de nouveaux nés sont encore « élémentaires », et que ceux des morts ne sont plus actifs, les ondes vont les affecter également.



Le réalisateur se pose indéniablement en tant que militant, dénonçant les dérives que le progrès peut engendrer, tant sur l'homme que sur l'écosystème. Il égratigne aussi les croyances, les peurs imbéciles, les lieux communs. Ainsi le personnage de l'inspecteur de police en constitue le parfait archétype. C'est un homme irascible, borné, violent, qui déteste la jeunesse du moment, les hippies, les drogués ; et agit en parfait inquisiteur, accusant cette génération abhorrée sans avoir la moindre preuve. C'est ainsi qu'Edna et George passeront du simple statut de babas cool stupides à celui d'adorateurs d'une secte satanique.
Car un cimetière a été profané, un lieu d'ordinaire paisible. La désacralisation des zombies est pourtant purement pragmatique, destinée à servir leurs desseins. Une croix de sépulture est arrachée de son socle pour devenir un bélier et enfoncer une porte, derrière laquelle les héros se sont réfugiés. D'une façon ironique, Jorge Grau sacralise au contraire la résurrection des morts lorsque dans la crypte, Guthrie Wilson (le premier des zombies, le clochard) ramène à la vie deux corps gisant dans leur cercueil en imposant ses mains sur leur visage, reproduisant par ce geste le sacrement du baptême, mais rappelant aussi le Christ guérissant les malades.



Concernant le décor de l'action, on ne peut qu'admirer la manière dont les extérieurs ont été exploités. Curieusement, cette campagne anglaise à la fois superbe et menaçante rappelle certaines œuvres d'un autre réalisateur espagnol, José Ramon Larraz (ce sera d'ailleurs une constante durant toute sa période anglo-saxonne). On ressent en effet cette même beauté quasi-surnaturelle, ce sentiment de communion avec la nature, de sérénité, mais aussi de danger sous-jacent, prêt à frapper à tout moment. Le contraste est saisissant, la mort frappe là où la vie devrait s'épanouir. Oui, la mort frappe, les chairs des victimes sont arrachées violemment de façon mécanique par des créatures qui n'ont qu'un objectif : se nourrir. Dans la forme, Jorge Grau anticipe les films d'horreur que Lucio Fulci réalisera quelques années plus tard ; le meurtre de la standardiste à l'hôpital en est un exemple significatif. Quant au fond, il rappelle évidemment George Romero (un militantisme prononcé) et « La nuit des morts-vivants » (jusqu'au sort réservé à George Meaning à la fin du film, identique à celui de Ben dans « Night of the Living Dead »).



Derrière la caméra on a le plaisir de voir un couple d'acteurs foncièrement sympathique et ici particulièrement convainquant, dont la beauté éclatante contraste avec les horreurs dont ils sont témoins. L'Espagnole Christina Galbo est notamment connue pour avoir joué dans un chef d’œuvre du cinéma ibérique : « La Résidence » de Narciso Ibañez Serrador. On a également pu la voir dans deux gialli de très bonne facture: « Mais qu'avez-vous fait à Solange » et « The Killer Must Kill Again ».
Son partenaire Ray Lovelock, né la même année qu'elle, est aussi une figure récurrente du cinéma populaire depuis la seconde partie des sixties (il eût un second rôle marquant dans le western de Giulio Questi, « Tire encore si tu peux »). Il abordera à peu près tous les genres au cours de sa carrière, le fantastique (« Les sorcières du bord du lac »), le giallo (« Frissons d'horreur ») ou encore le polar (« La rançon de la peur »), son visage angélique étant souvent utilisé à contre-emploi pour incarner des bad-boys. Quant au flic antipathique, il est incarné par une ancienne gloire du cinéma américain, Arthur Kennedy. Après plusieurs décennies marquées par le succès, cet acteur sera obligé de relancer sa carrière en Europe et notamment en Italie, un destin comparable à celui d'autres vedettes anglo-saxonnes parmi lesquelles figurent Mel Ferrer, George Sanders et Dennis Price (ces deux derniers étant britanniques).



Enfin, parmi les seconds rôles et notamment les zombies, le public averti reconnaîtra quelques visages familiers comme ceux de Fernando Hilbeck (« Plus venimeux que le cobra », mais aussi « La chair et le sang »), José Lifante (« Le baiser du diable »), Roberto Posse (« Voyeur pervers ») et Gengher Gatti (« Exorcisme tragique », « Les vierges de la pleine lune »).
En résumé, « Le massacre des morts vivants » figure parmi les œuvres majeures abordant le thème des zombies. C'est aussi un film résolument pessimiste, depuis son ouverture jusqu'à sa conclusion, et qui pose bien des questions sur l'avenir de l'homme et de la planète.


Fiche dvd -



Le massacre des morts-vivants – Artus Films

Région : Zone 2 PAL
Editeur : Artus Films
Pays : France

Sortie film : 30 janvier 1980 (France)
Sortie dvd : 16 novembre 2015

Durée : 89'
Image : 1.85:1 – 16/9e compatible 4/3
Audio : Dolby digital 2.0 (mono)

Langues : français, anglais
Sous-titres : français (optionnels)



Bonus :

- Le sommeil des morts, par David Didelot (50'36)
- Diaporama d'affiches et de photos (2'30)
- Bandes-annonces de la collection Ciné de Terror



Commentaire : Présenté dans un très beau master aux couleurs éclatantes (rendant hommage à la beauté de la campagne anglaise, et mettant en valeur les scènes nocturnes emplies de brumes), l'unique film de Jorge Grau jamais commercialisé en France (en salles, puis en VHS) manquait toutefois d'une sortie en support dvd. A l'étranger, il a été commercialisé par des éditeurs comme Blue Underground (USA), Quinto Piano (Italie), NoShame (Italie), Quadrifoglio (Italie), Divisa HV (Espagne) et Anchor Bay (USA). C'est donc par le biais d'Artus Films que « Le massacre des morts-vivants », considéré à juste titre par les spécialistes du genre comme un classique des films d'horreur en général et de zombies en particulier, sort enfin en France.



Le dvd offre la possibilité entre la piste originale en langue anglaise et la version française. Les deux partageant une qualité technique équivalente, le spectateur pourra effectuer son choix selon son désir. Concernant les doublages, certaines voix françaises s'avèrent satisfaisantes (celles de Ray Lovelock et Christina Galbo), d'autres moins (celle d'Arthur Kennedy). Idem pour les personnages secondaires, avec comme exemple frappant la voix doublant la standardiste de nuit à l'hôpital, qui ferait presque passer l'actrice pour une débile.
Toutefois, cette version française n'est pas choquante non plus, loin s'en faut. On notera que dans celle-ci les deux personnages principaux (Edna et George) se vouvoient alors qu'ils se tutoient dans la version originale. On remarquera aussi quelques différences au niveau de la sonorité, comme par exemple lorsque Edna et George parlent derrière la porte vitrée d'une cabine téléphonique. Les voix sont (logiquement) plus feutrées dans la version originale, ce qui n'est pas le cas dans la VF.



Au niveau des bonus, le plat de résistance met en lice David Didelot, plus que jamais aguerri aux entretiens ; preuve en est son commentaire à propos du film, d'une cinquantaine de minutes. Un format qui pourrait paraître long, mais le rédacteur en chef et co-fondateur du fanzine Vidéotopsie s'en tire à bon compte.
On sent que David Didelot a bien préparé ce bonus, avec un plan aussi détaillé que complet englobant, dans l'ordre : le parcours du réalisateur Jorge Grau, un retour sur le film lui-même, le casting, le cadre du film (décors extérieurs et intérieurs), et pour terminer une analyse fort intéressante du contexte social et politique de l'époque. Cette dernière partie permet de mieux appréhender la dimension écologique de l’œuvre ainsi que le militantisme du cinéaste.
De ce fait, voilà un entretien sans temps morts (ni redites) qui mérite le détour.
« Le massacre des morts-vivants » est proposé dans un digipack soigné avec plusieurs illustrations d'affiches du film, comme pour les collections Fumetti et SF Vintage ainsi que celle-ci, donc, consacrée au Ciné de Terror ibérique.

Note : 8,5/10


(Autres captures à suivre...)
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flint
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MessagePosté le: Jeu Nov 26, 2015 5:36 pm    Sujet du message: Répondre en citant












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sigtuna
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MessagePosté le: Jeu Nov 26, 2015 7:32 pm    Sujet du message: Répondre en citant

enaccord8 De la belle ouvrage.
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Valor
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MessagePosté le: Jeu Nov 26, 2015 9:03 pm    Sujet du message: Répondre en citant

enaccord8 Trop d'la balle !

flint a écrit:
Toutefois, le film dont il est question ici fut le seul de son auteur à avoir été distribué dans notre pays

D'après Encyclociné, il y a eu aussi "Le péché" (Noche de verano) en 1963 mais uniquement en Province...

flint a écrit:
« Cartas de amor de una monja » en 1978, un nunsploitation dont le titre reprend peu ou prou les « Lettres d'amour d'une nonne portugaise » tournées l'année précédente par Jesus Franco.

A noter que Lina Romay joue dans le film de Grau mais pas dans le Franco !

flint a écrit:
A l'étranger, il a été commercialisé par des éditeurs comme Blue Underground (USA), Quinto Piano (Italie), NoShame (Italie), Quadrifoglio (Italie), Divisa HV (Espagne) et Anchor Bay (USA).

J'ai compté une bonne dizaine d'éditions DVD + 2 Blu-ray en Autriche et 1 aux USA avec ST français...
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flint
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MessagePosté le: Jeu Nov 26, 2015 9:29 pm    Sujet du message: Répondre en citant

C'est vrai que le nombre d'éditions du film à l'étranger est impressionnant. J'avais relevé une autre sortie américaine, mais c'était un éditeur pirate donc j'ai volontairement omis d'en parler.
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Valor
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MessagePosté le: Jeu Nov 26, 2015 10:38 pm    Sujet du message: Répondre en citant





Il a pas trop changé Ray Lovelock ! Toujours ce faux air de Charles Manson !

fresse

Et un bon chanteur aussi !
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flint
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MessagePosté le: Ven Nov 27, 2015 5:59 am    Sujet du message: Répondre en citant

On demandera à David de pousser la chansonnette sur son prochain bonus.
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