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Walter Paisley 99 % irradié


Inscrit le: 27 Nov 2004 Messages: 1332 Localisation: Place du Colonel Fabien
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Posté le: Mer Nov 15, 2006 10:17 am Sujet du message: [M] [Critique] L'Impasse aux Violences |
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The Flesh and the Fiends. 1959.
Origine : Royaume-Uni
Genre : Horreur
Réalisation : John Gilling
Avec : Peter Cushing, Donald Pleasance, George Rose, June Laverick...
Au XIXème siècle, à Edimbourg, le docteur Knox est un médecin matérialiste extrêmiste, qui pour poursuivre ses expérimentations a un besoin urgent de cadavres frais. Choses que lui procurent Hare et Burke, deux truands des quartiers mal famés, qui trouvent ainsi un moyen de se faire de l'argent facilement, en assassinant des marginaux et en revendant leurs corps au docteur, peu regardant sur les origines de ces cadavres, n'accordant guère d'attention aux reproches de ses collègues et dont les assistants n'osent remettre en cause l'autorité. Mais l'un des meurtres remettra tout en question...
Bien que réalisé par John Gilling et interprété par Peter Cushing, L'Impasse aux Violences n'est pas une production Hammer. N'empêche que ce film parvient aisément à égaler voire à dépasser les plus fameux films de la plus célèbre société de production britannique de l'époque. Non pas que son sujet soit des plus originaux, tout droit inspiré qu'il est d'une histoire vraie mais surtout de films comme le Récupérateur de Cadavres de Robert Wise, lui-même adapté d'une oeuvre de l'écrivain Robert Louis Stevenson, mais bien par son traitement détonnant dans le paysage cinématographique des années 50, non seulement britannique, mais aussi mondial. Le parti-pris de John Gilling est de montrer la ville d'Edimbourg sous ses aspects les plus sombres, les plus malsains, les plus violents, préfigurant ainsi de la plus magistrale manière les classiques du type Maniac qui verront le jour bien des années plus tard. Le milieu que nous montre Gilling s'écarte à la fois des cités banlieusardes que l'on pouvait souvent observer dans les productions américaines de cette fin d'années 50, mais aussi des contextes victoriens et gothiques qui firent la réputation de la Hammer. Ici, il n'y a pas de place pour le conformisme, et on se rapprochera davantage des visions de Fritz Lang que d'autre chose. Sous des éclairages étalant démesurément les ombres à tel point que l'on songera parfois à de l'expressionnisme, les femmes sont des putains lascives et alcooliques, et les hommes sont des ouvriers ivrognes, violents et obsédés... Et encore, tout ceci constitue le dessus du panier. Car il se trouve également des gens comme Burke et Hare, deux autres ivrognes, mais qui pour survivre n'hésitent pas à abattre froidement les plus démunis dans des scènes de crime franchement très violentes pour l'époque, et qui encore aujourd'hui restent assez abjectes par la froideur et le cynisme avec lesquelles les bourreaux exécutent leurs victimes. On signalera dans le rôle de Hare un Donald Pleasance encore jeune, et dont le caractère froid et sans scrupule de son personnage fait froid dans le dos. D'autant plus que dans un souci de réalisme, John Gilling a jugé bon de donner à tous les personnages de ce milieu de débauche un accent écossais fort prononcé, qui rattache directement le film à une certaine réalité sociale, celle de ce XIXème siècle, de la misère qui avec l'industrialisation a commencé à ronger les villes britanniques, et qui au final aura définitivement plongé toute une frange de la société dans la luxure (le film se révèle également assez érotique - et encore, j'ai vu la version tronquée -). A ce titre, les méfaits de Burke et de Hare pourront se justifier, les deux assassins ne trouvant une solution à leur abandon social que dans le meurtre, pour le compte d'un docteur Knox interprété par un Peter Cushing qui à n'en pas douter livre ici l'une de ses plus grandes prestations.
Un peu comparable à celui de Donald Pleasance, son personnage est encore plus effrayant dans la mesure où le docteur n'a cette fois pas d'excuse à son comportement. C'est un docteur bourgeois, respecté de ses collègues mais ne leur retournant absolument pas leur respect. Un docteur froid, pour qui la science compte avant toute chose, et pour lequel la mort a plus à enseigner que la vie. Froid et même glacial, d'un humour méchant très grinçant, Knox est intransigeant et peste contre toutes les sortes d'émotions, qui pour lui ne sont que des freins dans son ascension de la connaissance. Méprisant, dédaigneux, il est sans pitié, et son physique sec, guindé, avec un oeil à moitié fermé, en fait l'un des "méchants" les plus impressionants du cinéma d'horreur. A vrai dire, si l'on prend en compte la personnalité de Knox et qu'on lui ajoute les meurtres commis sur des alcooliques, des putains ou des vieillards, on pourra voir dans le film une parabole sur les atrocités nazies commises pendant la guerre, Burke et Hare aparaissant comme des anges de la mort (dans le film, le terme de "résurrectionnalistes" est employé) et le personnage de Cushing n'étant rien d'autre qu'une sorte de Mengele, reclus dans son hôpital, jamais en contact avec un monde extérieur aux abois. Un comportement destructeur non seulement pour les victimes qu'il se fait apporter, mais aussi pour son entourage, qui ne sera pas non plus épargné par un John Gilling n'hésitant pas à faire mourir certains des personnages principaux. Ce qui amènera ainsi une dernière partie de film où les méfaits de Knox se retourneront contre lui-même, une jeune femme ayant été témoin de l'un des meurtres, et pouvant rendre enfin publique ce que beaucoup savaient déjà sans oser en parler : l'hécatombe pratiquée pour fournir le scientifique en "sujets" d'expériences (il refuse que l'on parle de corps). Mais malgré cette pression, Knox ne vacillera pas et continuera à croire en ses méthodes et à dédaigner toutes les accusations. L'une des scènes les plus mémorables le présentera imperturbable face à un amphithéâtre pratiquement vide, alors qu'au pied de l'université où il enseigne, la foule réclame sa peau. On songe alors un peu plus aux classiques de l'horreur façon Universal, surtout que le film présente aussi son lot de discours sur le défi d'un homme souhaitant supplanter Dieu, via la question de l'âme...
Tout se terminera dans la violence, défonçant au passage quelques hypocrisies généralisées (celle du milieu médical, celle de la foule), et malgré un ultime rebondissement assez décevant, l'Impasse aux Violences apparaîtra bel et bien comme un chef d'oeuvre de noirceur, de richesse thématique et picturale et annoncera les monuments de violence malsaine qui suivront plus de dix ans plus tard. Un grand film, assurément, qui avec quelques collègues hammeriens peut logiquement faire penser qu'en cette fin des années 50 et début des années 60, le Royaume-Uni dominait le genre horrifique dans le cinéma mondial.
Dernière édition par Walter Paisley le Jeu Nov 16, 2006 7:07 pm; édité 1 fois |
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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Mer Nov 15, 2006 11:34 am Sujet du message: |
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très bon film en effet; l'un des meilleurs John Gilling et l'un des tout meilleur hammer-like.
Par contre si je ne m'abuse, ce Docteur Knox a bel et bien existé et est presque aussi célèbre en Angleterre que Jack l'éventreur... ce qui me fait me demander s'il emprunte réellement au film de Robert Wise, ou bien s'il est une vraie nouvelle adaptation du roman de stevenson, ou encore une nouvelle vision du personnage... _________________
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Throma Super héros Toxic


Inscrit le: 25 Nov 2004 Messages: 3335 Localisation: Masse à chaussettes
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Posté le: Mer Nov 15, 2006 1:40 pm Sujet du message: |
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Alors celui là, je l'ai maté à partir de la version American Video trouvée dans un cash de Toulouse et je l'avais trouvé excellent jusqu'à ce que le film stoppe au bout d'une heure, en enchainant sur une rediff de Sagas enregistré en 97, 98.
Du coup, lors de ma prochaine descente dans le sud (c'est à dire dans 108 ans approximativement) j'ai juré de retrouver l'infame enculé de fils de pute qui m'a fait ce coup tordu et promis, je lui cale la gueule dans une chape de beton.
Sinon, pour en revenir au film, si le Docteur Knox a bel et bien existé, il en va de même, je crois me rappeller, pour les personnages de Hare et Burke. _________________ http://www.vhs-survivors.com/myvhs.php?alias=Throma |
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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Mer Nov 15, 2006 1:58 pm Sujet du message: |
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Throma a écrit: | Sinon, pour en revenir au film, si le Docteur Knox a bel et bien existé, il en va de même, je crois me rappeller, pour les personnages de Hare et Burke. |
exact, des infos très intérressantes les concernant ici:
http://www.larevuedesressources.org/article.php3?id_article=52 _________________
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Bigbonn Psycho-cop


Inscrit le: 13 Déc 2004 Messages: 4107
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Posté le: Mer Nov 15, 2006 5:41 pm Sujet du message: Re: [critique] L'Impasse aux Violences |
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Walter Paisley a écrit: | (le film se révèle également assez érotique - et encore, j'ai vu la version tronquée -). |
On sent comme une légère déception, là.
Ceci étant, vu la critique, je regarderai s'il est à la médiathèque car je l'ai jamais vu! (je fais ça dès que j'ai revu Motel Hell!) |
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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Mer Nov 15, 2006 6:34 pm Sujet du message: Re: [critique] L'Impasse aux Violences |
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Bigbonn a écrit: | Walter Paisley a écrit: | (le film se révèle également assez érotique - et encore, j'ai vu la version tronquée -). |
On sent comme une légère déception, là.
Ceci étant, vu la critique, je regarderai s'il est à la médiathèque car je l'ai jamais vu! (je fais ça dès que j'ai revu Motel Hell!) |
j'espère bien...  _________________
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Walter Paisley 99 % irradié


Inscrit le: 27 Nov 2004 Messages: 1332 Localisation: Place du Colonel Fabien
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Posté le: Jeu Nov 16, 2006 7:03 pm Sujet du message: Re: [critique] L'Impasse aux Violences |
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Bigbonn a écrit: | Walter Paisley a écrit: | (le film se révèle également assez érotique - et encore, j'ai vu la version tronquée -). |
On sent comme une légère déception, là.  |
En effet, je n'aurais pas rechigné à voir plus de jeunes nymphes des années 50.
(ça changerait des égeries pour routiers gothiques du style Asia Argento)
Quand à la révélation sur la véracité des faits, je rajoute ça à ma critique. |
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fantomas 2 10% irradié

Inscrit le: 03 Mai 2006 Messages: 51 Localisation: Saint-Ouen
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Posté le: Mer Jan 12, 2011 8:06 am Sujet du message: |
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Ce beau film de John Gilling - qui n'a en fait qu'un rapport lointain avec "The Body Snatcher" de Robert Wise, bien qu'il s'agisse de "résurrectionistes" là aussi - est avant tout le remake d'un autre film britannique de 1948, "The Greed of William Hart", dont le scénariste n'était autre que... John Gilling lui-même, également assistant-réalisateur! là, la parenté est donc des plus évidentes.
"The Greed of William Hart" fut réalisé par Oswald Mitchell et obtint de très bonnes critiques en son temps, dans "The Monthly Film Bulletin" par exemple. Le film n'est pas exempt de défauts, car il fut produit par Ambassador Films, une compagnie assez fauchée, et tourné dans leurs studios de Bushey. Le manque d'extérieurs (en-dehors d'un coin de rue!) est le plus marquant, on se rattrape sur les intérieurs, souvent sordides à souhait. Tous les personnages principaux portent les mêmes noms que dans le remake, à trois exceptions notables près. Le film fut en effet tourné sous le titre de "Burke and Hare", mais la censure britannique exigea que les deux criminels et leur complice médecin soient rebaptisés (alors que la pièce de théâtre utilisait leurs vrais noms, à la même époque). On les a donc renommés "Moore" et "Hart", le docteur Knox devenant "Cox".
On comprend que Gilling ait voulu donner sa propre illustration de l'histoire, dix ans plus tard, avec plus de moyens - encore que deux ou trois plans de foule de "L'impasse aux violences" soient en fait tirés du film de David Lean, "Oliver Twist"...
Mais la version de 1948 dispose tout de même de deux atouts de taille: les deux acteurs qui interprètent "Moore" et "Hart". Le premier est l'excellent Henry Oscar, vu plus tard dans "Les maîtresses de Dracula", entre autres. Et "Hart", c'est le magistral Tod Slaughter (1885-1956) dans ce qui fut son dernier rôle au cinéma, après une courte carrière à l'écran commencée en 1935 avec "Maria Marten, or the Murder in the Red Barn", poursuivie avec "Sweeney Todd, the Demon Barber of Fleet Street" en 1936, etc. Les deux acteurs se complétant admirablement et composant une inoubliable paire de fripouilles, ne reculant devant aucun assassinat lorsque le nombre de cadavres "légitimes" vient à diminuer...
J'espère que CinéFX nous présentera un jour ce film, après nous avoir offert le "Sweeney Todd" évoqué plus haut - qui était déjà passé sur Ciné-Classics, il est vrai - et le superbe "Crimes at the Dark House", pour moi le meilleur film de Tod Slaughter... |
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sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Mer Jan 12, 2011 8:42 am Sujet du message: |
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Merci pour ces précisions,
et bravo pour ton érudition  |
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Bigbonn Psycho-cop


Inscrit le: 13 Déc 2004 Messages: 4107
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Posté le: Mer Jan 12, 2011 8:57 am Sujet du message: |
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Merci, en effet!
On peut peut-être envisager de mettre ces précisions sous la critique sur le site? En "à propos" ou un truc du genre? |
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sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Mer Jan 12, 2011 8:58 am Sujet du message: |
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Bigbonn a écrit: | Merci, en effet!
On peut peut-être envisager de mettre ces précisions sous la critique sur le site? En "à propos" ou un truc du genre? |
ou en commentaire (mais il y a peut être une limite en taille)? |
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fantomas 2 10% irradié

Inscrit le: 03 Mai 2006 Messages: 51 Localisation: Saint-Ouen
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Posté le: Mer Jan 12, 2011 9:37 am Sujet du message: |
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Merci pour le compliment, c'est plus que sympa. Vous pouvez bien entendu utiliser ces informations à votre guise.
Je travaille sur un bouquin consacré à Tod Slaughter, par ailleurs, mais en anglais. Il a tourné peu de films, mais on commence à les redécouvrir depuis une vingtaine d'années, lorsque Channel IV avait commencé à les programmer...
Il a aussi bossé pour la radio, le disque, la TV (dès 1937, aussi étrange que ça puisse paraître) et bien entendu le théâtre, puisqu'il a dû paraître dans plus de 500 pièces de 1915 à 1956, dans des rôles comme Sherlock Holmes, Sweeney Todd, Jack l'Eventreur, Landru, le Dr. Jekyll et Mr. Hyde, Burke and Hare, etc.
Mais en ce qui concerne le cinéma, si la plupart de ses films sont disponibles en DVD (6 en Gde-Bretagne chez Odeon, collection "Best of British"), d'autres aux USA - il existe certains titres très difficiles à localiser, ou dans des collections privées. Donc, le bouquin, ce n'est pas encore pour demain...  |
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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Mer Jan 12, 2011 10:56 am Sujet du message: |
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Oui, merci beaucoup fantomas 2 pour toutes ces précisions plus qu'intéressantes.
Et bon courage pour le livre !  _________________
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