Voyage dans l'au-delà

 

 

Editeur : Les Lucioles

Auteur : Sylvie Albou-Tabart

Date de sortie : Novembre 2010

Nombre de pages: 96

 

 

 

 

J'interrompis un moment mon récit car j'avais la bouche sèche. Que n'aurais-je pas donné pour boire un grand verre d'eau. Malheureusement, c'était impossible ici.

- Sénosiris, dépêche-toi de terminer ton histoire, dit mon père. J'ai l'impression qu'un jugement va bientôt commencer. Et je n'aimerais pas être celui qui osera parler pendant que les dieux officieront.

Bien sûr, il avait raison. Je me hâtais donc de continuer en chuchotant :

- Comme tu t'en doutes, c'est, comme pour tous les autres morts, le dieu Anubis qui est venu chercher Néhéri sur terre, ou plutôt sous terre, dans la tombe où on avait donc laissé sa momie. Même s'il s'y attendait, et qu'il savait qu'Anubis n'était pas là pour le punir mais pour le guider à travers l'au-delà, sa première rencontre avec le dieu chacal fut plutôt effrayante.

- Suis-moi ! lui ordonna ce dernier, d'un ton qui n'admettait aucune contradiction.

Un peu tremblant, Néhéri se leva et jeta un dernier regard à son tombeau, le seul lien qui le reliait encore à sa femme chérie et à ses deux enfants. Puis il le suivit, en prenant bien soin de garder les yeux baissés, de peur de croiser son regard.

Anubis le mena ainsi jusqu'à une barque amarrée le long d'un fleuve, cet effroyable fleuve qui coule d'un bout à l'autre de l'enfer. Le dieu attendit que Néhéri ait embarqué pour grimper à son tour, avant de larguer les amarres.

Leur périple par-delà la mort venait de commencer.

Très vite, l'obscurité se fit. Mais pas le silence. Néhéri était tendu, angoissé. Dès le premier tournant, et malgré la noirceur qui ne faisait qu'accroître son appréhension, il aperçut d'étranges formes qui se mouvaient sur les berges. Elles semblaient suivre leur embarcation. Rapidement, le fleuve se fit plus étroit et la barque se rapprocha de la terre ferme. À ce moment, Néhéri les vit.

Ils ressemblaient à de gigantesques singes, dont les yeux haineux se fixèrent sur lui. Montrant cruellement les dents, ils grognèrent et tapèrent le sol de leurs poings. Mais s'ils avaient l'apparence de colossaux et démoniaques babouins, ils n'en avaient pas moins une certaine forme d'intelligence. Qui les fit se ruer au plus près de l'eau pour jeter d'immenses filets vers l'embarcation.

Par Osiris et tous les dieux de l'au-delà, quel serait leur sort si jamais ils parvenaient à les capturer ?

À cette seule pensée, Néhéri se recroquevilla dans la barque, dans l'espoir insensé de se faire le plus petit possible, de disparaître même. Il avait beau se répéter qu'Anubis était là pour le protéger, il était littéralement mort de peur. Même si, de fait, il était déjà mort !

Comme les filets ne parvenaient pas à atteindre la barque, qui continuait sa descente du fleuve infernal, la colère des babouins redoubla.

Pire encore. Sans doute alertés par leurs vociférations, des êtres tous plus monstrueux les uns que les autres étaient venus les rejoindre. Ils se bousculaient désormais de tous côtés, prêts à se ruer sur Néhéri pour n'en faire, à n'en pas douter, qu'une bouchée. Ici des êtres mi-humains, mi-serpents ; là des reptiles à cinq têtes ; là encore une masse grouillante d'insectes géants.

Mais le plus épouvantable était encore à venir ! Car, brusquement, des eaux du fleuve infernal, jaillit le dieu serpent Apophis. Sa tête était terrifiante, démesurée. Lorsqu'il ouvrit la gueule à quelques mètres à peine de la barque, il en jaillit une immense langue fourchue qui pointa en direction du pauvre Néhéri. Des deux crochets dépassant de sa mâchoire supérieure suintèrent quelques gouttes de venin. De son corps, on ne percevait encore que quelques anneaux. Mais s'il était proportionnel à la tête que Néhéri voyait se dresser devant lui, il devait être interminable.

Pourtant, aussi soudainement qu'il avait surgi, Apophis disparut sous les flots.

Choqué, Néhéri attendit quelques minutes, mais plus rien ne bougeait. Avec précaution, il se redressa dans la barque pour se pencher au-dessus de l'eau et en scruter les profondeurs. Un faible soupir lui échappa. Ils s'en étaient bien tirés !

Mais, au moment où il allait se rasseoir, la barque sembla littéralement s'envoler. Néhéri ne dut son salut qu'à Anubis qui le rattrapa d'une main ferme, avant de lui faire signe de s'accroupir au plus vite au fond de l'embarcation. Un autre coup de queue d'Apophis l'envoya valdinguer contre le fond. À moitié assommé, il ne pouvait que se cramponner désespérément, priant pour que la barque ne se brise pas sous la force des coups assénés par le dieu serpent.

Les eaux du fleuve étaient maintenant si agitées que la coque tanguait follement, embarquant toujours plus d'eau. Néhéri était trempé et littéralement fou de terreur. La situation semblait désespérée.

Leur voyage allait-il s'arrêter ici ? N'aurait-il jamais une chance d'être jugé ?

Mais Anubis ne l'entendait pas ainsi, lui qui avait de nombreuses fois vaincu son éternel ennemi. Calmement, froidement, le dieu se campa fermement sur ses deux jambes, légèrement écartées pour se stabiliser malgré l'agitation des flots.

Le temps sembla s'arrêter.

Puis Anubis brandit sa lance. La main qui la tenait se crispa à la hauteur de son museau de chacal, désormais retroussé pour montrer les dents. Il visa soigneusement. Et en planta la pointe acérée dans le corps d'Apophis dévoilé pour une ultime attaque. L'eau se teinta immédiatement de rouge. Le serpent disparut. Apophis était vaincu ! Nul doute pourtant qu'il reviendrait au lendemain, pour s'opposer au passage de la prochaine barque. Qu'importe à Néhéri, puisque lui n'y serait plus.

 

 

A propos de ce livre :

 

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(Copyright éditions Les Lucioles / Sylvie Albou-Tabart, extrait diffusé avec l'autorisation de l'éditeur et des auteurs)