Anne Fakhouri
Écrit par Stegg   

 

Après "Narcogenèse" et "Le Clairvoyage", Anne Fakhouri est de retour avec un roman jeunesse captivant : "L'horloge du temps perdu". A cette occasion, elle a accepté de répondre à nos questions.

 

 

Bonjour ! Avant toute chose, merci beaucoup d'accepter de vous prêter au jeu de cette petite interview pour Psychovision !

Merci à vous !

Pour commencer, pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours et vous présenter plus amplement à nos lecteurs ?

 

 

J'ai publié mon premier roman en jeunesse, le Clairvoyage, en 2008. J'écrivais depuis toujours mais c'est le premier manuscrit que j'ai envoyé. Il a eu l'honneur d'être attribué du Grand Prix de L'Imaginaire, avec sa suite, la Brume des Jours. J'ai fait une petite halte en thriller fantastique adultes, avec Narcogenèse. Mon dernier roman, l'Horloge du Temps Perdu, est destiné à la jeunesse, bien que beaucoup d'adultes m'ont fait des retours, depuis sa sortie, il y a deux semaines. Je ne suis plus étonnée. Le Clairvoyage avait été lu par des adultes comme par des adolescents. J'aime l'idée que mes romans n'aient pas de frontières, et surtout pas d'âge! Mon prochain livre, un thriller ésotérique, sortira chez Rageot en août et aura pour titre Hantés.

Je suis prof de français à mi-temps, écrivain à mi-temps et les poussières qui restent sont consacrées à la lecture, à mon mari, mes enfants et mes amis.

 

 

Vous avez dirigé plusieurs anthologies pour les éditions ActuSF, c'est quelque chose qui t'a aidé dans ton écriture ? Ou bien est-ce un travail complètement différent ?

 

Le travail éditorial est très différent mais le fait d'avoir une distance avec le texte permet de mieux comprendre les rouages, c'est évident.

 

 

Vous avez écrit quatre romans dont trois de publiés en jeunesse, il y a une différence entre écrire pour des adolescents et des adultes ? Des contraintes particulières ?

 

Pour mes romans sortis chez l'Atalante, pas dans les thèmes ou les questionnements abordés. Narcogenèse est un roman proprement adulte, car il aborde le sujet de la maternité. S'il avait été destiné à des adolescents (et je n'aurais pas bien vu l'intérêt), je ne me serais pas contentée d'aborder la maternité ; j'aurais sans doute également parlé de sexualité. Ce que je ne compte pas vraiment faire en jeunesse ; je n'adhère pas à la tendance actuelle qui utilise ce credo, bien moins pour informer que pour racoler.

 

 

D'ailleurs, on trouvait également des adolescents dans Narcogenèse, ce sont des personnages qui vous attirent ? Vous trouvez plus à dire sur eux que sur des adultes ?

 

Il y a également des adultes dans mes livres, bien souvent défaillants, d'ailleurs. L'adolescence est une période particulièrement intéressante car elle forme à la vie adulte : on voit dans les collèges et les lycées l'embryon de notre société, chacun se positionne. Si je devais parler d'adultes, je serais beaucoup plus dure. La plupart du temps, on se préoccupe de l'éducation des enfants. Il faudrait s'intéresser à celle des adultes. Ceux que je vois sont incapables de suivre les grands préceptes qu'ils profèrent. Les adolescents ont une faculté de remise en cause que nous avons souvent perdue. Par ailleurs, je crois que j'ai toujours fait vivre l'enfant et l'adolescente que j'étais. Je lui dois ça, je l'ai déjà trahie. Nous avons un contrat très serré, elles et moi.

 

 

D'ailleurs passer de l'univers de Narcogenèse à celui de L'horloge du temps perdu a-t-il été quelque chose de difficile ? Ce sont des romans à l'atmosphère complètement différente ?

 

J'ai la chance d'être monomaniaque dans mes thèmes mais pas dans mes ambiances. Si on regarde bien, on trouve une progression dans mes romans : la responsabilité de l'adolescent, sa place dans le monde, dans le Clairvoyage, la maternité dans Narcogenèse et enfin, la transmission dans l'Horloge du Temps Perdu. Je reprends ce dernier thème dans mon thriller à paraître chez Rageot, Hantés.

J'aime beaucoup de choses, surtout en littérature, je peux passer d'un genre et d'un livre à l'autre sans transition. Je reproduis ça en tant qu'écrivain. J'écris avec ce que j'ai et ce que je suis. Me cantonner à une atmosphère m'ennuierait assez vite.

 

 

Dans l'Horloge du temps perdu, vous abordez le thème du Voyage dans le temps qui a mainte fois été utilisé, est-ce que c'est une difficulté ? Comment peut-on faire pour y apporter du neuf ?

 

Je n'écris pas pour apporter du neuf. J'écris pour donner ma vision du monde. J'ai pris le parti d'utiliser des références connues de tous, celles de Retour vers le Futur, du cinéma (je pourrais citer aussi Peggy Sue s'est mariée ou la série Code Quantum). Je ne suis pas une lectrice de SF et j'ai donc la culture de base des gens de ma génération qui est beaucoup passée par l'écran. Et ce qui m'intéresse, c'est de m'adresser à eux et pas seulement aux amateurs d'un genre. Dans l'Horloge du Temps Perdu, j'ai voulu montrer comment et pourquoi on devient un parent démissionnaire, par son éducation mais aussi les choix qu'on a faits. Et comment un enfant de ce parent-là doit comprendre ce qui lui est transmis ou non. Le voyage dans le temps était le moyen idéal pour raconter cette histoire.

 

 

Pour décrire les années 80, on fait comment ? On pioche dans ses souvenirs ou on se documente ? Est-ce qu'à l'instar de Stan Iala, tu as été fouillé dans ta propre enfance ?

 

J'ai pioché dans mes souvenirs. J'ai écouté la pire play-list de l'histoire de la musique pour me remettre dans l'ambiance. J'ai questionné mon entourage, récolté des souvenirs que j'avais zappés. Le contexte social et politique ne me servait à rien. J'avais plus besoin de détails : les cassettes audio qu'on remontait au crayon, les téléphones à cadran, le top 50...

 

 

Propulser un adolescent d'aujourd'hui dans les années 80, ça permet de voir ce qu'on a gagné ou ce qu'on a perdu ? Tu es nostalgique de ces années ?

 

Oui et non. Explorer ces années me permettait aussi de comprendre ce qu'on était devenus. En grandissant, je me suis aperçue que les décalés du collège, ceux dont on se fichait, les têtes d'ampoule, les gosses différents, étaient pratiquement tous devenus des gens bien et épanouis. A l'inverse, la lolita reine du collège est bien souvent devenue la femme au foyer d'un homme important ou un cliché ambulant, le petit caïd a finalement raté sa vie. Les anciens malmenés ont une tendresse et une compréhension du monde que je reconnais et que j'aime. J'ai voulu les mettre à l'honneur.

 

Bien que le roman soit publié en collection jeunesse, il semble aborder le thème de l'enfance perdue et propose quelques situations un peu dures. Est-ce une manière de parler aux jeunes lecteurs de ce qui les attend ? De leur dire que tout n'est pas toujours facile ?

 

Je ne suis pas sûre que les gamins actuels vivent des situations faciles, pas plus que nous n'en avons vécues. Dans l'Horloge du Temps Perdu, il y a des parents absents ou qui divorcent, des parents intrusifs, la difficulté de vivre avec les autres dans une collectivité. Les adolescents sont-ils protégés de tout ça ? Pas ceux que j'ai dans mes classes. La plupart de leurs soucis viennent de leur positionnement face aux autres. Je ne leur dis rien : c'est leur réalité, comme ça a été la nôtre. Les situations difficiles sont celles vécues par mon trio, mes Tarés tellement décalés. La petite Pom et sa mère psychanalyste, Arthur et sa famille parfaite en apparence, et surtout Alex/Théo et sa mère rigide et violente et leur incapacité à comprendre les codes du collège. Le propos sur la vie d'adulte est au contraire positif : c'est en remplaçant leur famille imparfaite par une famille d'amis, la fameuse famille de cœur, qu'ils peuvent s'en sortir.

 

A un moment du livre, lors de l'interview d'un auteur, vous parlez du Lecteur Idéal, c'est quelqu'un qui existe selon toi ? Quelqu'un que tu chercherais encore ?

 

J'ai adoré placer cette idée dans la bouche de mon auteur fictif, Stan Iala. Je crois que le pacte de lecture se situe exactement là, pour moi : j'aime les auteurs dont j'entends, par-delà les mots, la vraie musique, dont je comprends le propos au-delà de l'oeuvre. Cette résonance est rare. Je suis déjà tombée sur des lecteurs qui comprenaient exactement ce que je voulais dire et même qui arrivaient à éclairer des points restés plus obscurs pour moi. Ils sont précieux. J'aime cet échange et je le recherche. Si j'évite d'écrire « simplement des histoires », je le fais pour ces lecteurs-là. J'aime l'idée de l'écho. Sinon, quel serait l'intérêt d'écrire ?

 

 

Quels sont vos projets ?

 

J'ai commencé un roman de fantasy urbaine à quatre mains. Par ailleurs, je fais mûrir un roman jeunesse sans fantastique, de littérature générale, sur un sujet qui me tient à cœur : la transmission littéraire. Après, je verrai. J'ai un autre projet de fantasy urbaine dans mes cartons, des recueils de nouvelles qu'il faudrait que j'écrive. Les projets ne manquent jamais. La nécessité d'écrire est plus aléatoire : je ne sais jamais lequel va émerger en premier.

 

Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre aux questions de Psychovision. Et je vous laisse donc le mot de la fin :

 

 

Bonne lecture !

 

 

A propos de ce livre :

 

-Chronique de "L'Horloge du temps perdu"

- Site de l'auteur : http://annefakhouri.over-blog.com/