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Dobbs
Écrit par Stegg   

 

Interview réalisée le 19 avril 2010.

 

A l'occasion de la sortie de "Mister Hyde Contre Frankenstein" dans la collection 1800 des éditions Soleil, voici une interview du scénariste Dobbs qui fait donc se rencontrer deux grands monstres de la littérature. Il a également écrit deux histoires dans la collection Serial killer du même éditeur, "Ted Bundy" et "Ed Gein".

 

 

 

Bonjour. Tout d'abord, Merci d'accepter cette interview pour Psychovision. Pour commencer, pourriez-vous nous présenter votre parcours ? Ce qui vous à amené à faire de la bande-dessinée ?

 

 

Enfant et ado, j'ai été un gros lecteur de BD. Mais je n'avais pas l'ambition de faire de la BD, ou alors écrire peut-être... Thésard en sociologie, j'ai travaillé sur la thématique des tueurs en série sur tous les médias possibles y compris le jeu vidéo, le cinéma et bien sûr la BD. Et avant de devenir enseignent en histoire du cinéma, j'ai commencé à écrire dans le domaine du jeu de rôle, puis j'ai fait mes premières armes de scénariste BD pour le Journal de Mickey. J'y ai pris goût malgré la grosse difficulté pour moi d'écrire pour un public enfantin. Après plusieurs années, j'ai pu signer chez l'éditeur Carabas ma première série, et l'année suivante j'étais chez l'éditeur Soleil.

 

Avec l'Album "Myster Hyde contre Frankenstein", vous travaillez pour la collection 1800 de Soleil dont le but est de se faire rencontrer des personnages de la littérature du XIXe siècle. Cette base a-t-elle été pour vous contraignante ou au contraire pleine de possibilités ?

 

En fait, cette collection sur le 19eme ne se focalise pas uniquement sur les personnages littéraires, puisque les personnages et les faits historiques y auront également une place de choix. La contrainte n'est donc liée qu'à l'époque et une grande liberté de traitement nous a tous permis, nous auteurs de BD de cette collection, de gérer nos histoires comme nous l'entendions. De préférence avec un trait réaliste et un découpage cinématographique, mais pour le contenu les possibilités restaient immenses : historique, fantastique, référentiel... Seule autre contrainte : ne pas se marcher sur les pieds concernant les personnages utilisés...

 

Parlons maintenant un peu de l'album, pourquoi avoir choisi ces deux personnages en particulier? On a l'impression que c'est le coté scientifique des deux romans originaux qui vous a spécialement séduit, qu'il semblait assez important dans cette rencontre ?

 

Oui, ces deux oeuvres sont des modèles du genre scientifique/gothique qui place la science et les tabous au centre des narrations. Le contexte de ce 19eme siècle puritain où les personnages hors norme sont démarqués, et où les scientifiques jouent souvent à Dieu et en payent le prix, c'était ça qui me plaisait par dessus tout. Cela permettait de traiter le côté sombre et ambigu des individus, en se penchant sur la partie pulsionnelle et quelque peu étrange de chaque personnage : un travail assez complexe, mais qui a l'avantage d'éviter les stéréotypes et de renvoyer à une écriture à plusieurs niveaux de réception.

 

Dans ce premier tome, c'est surtout le personnage de Jekyll/Hyde qui est présent. Comment avez-vous abordé ce personnage issu de l'imagination de Robert Louis Stevenson ? Vous êtes-vous basé sur d'autres oeuvres ou adaptations ou uniquement sur le roman ?

 

Pour moi, cette BD est un peu la piste qui lie les deux romans à travers l'héritage de Frankenstein qui aurait pu être récupéré par Jekyll pour ses propres recherches. Jekyll y est séduisant parce que déjà sous influence, bien avant l'explosion que sera l'arrivée de Hyde...

Quant à ce que représente le personnage de la gouvernante, elle était entre autres déjà présente dans les concepts de "Mary Reilly" ou bien encore du "Jekyll" de Moffat à la BBC, mais pas dans un registre aussi fataliste : Faustine Clerval ne subit pas tout dans la maisonnée, et est à l'origine de beaucoup de choses de façon volontaire. Elle est plus ambigüe encore que Jekyll lui-même... Ici, c'est à mon sens l'ambiance qui est primordiale : elle en passe pas la caractérisation des personnages, leurs liens et l'approche cinématographique de la narration.

 

La même question concernant le personnage de Frankenstein maintenant. On l'identifie souvent à l'apparence de Boris Karloff dans le film de James Whale que vous n'avez pas utilisé, est-il difficile de créer un nouveau look à un personnage aussi emblématique ?

 

 

Oui, instinctivement Karloff vient toujours à l'esprit, c'est vraiment marquant comme image mentale collective. Pour Antonio et moi, la (re)création du monstre fut assez difficile, nous avons même eu une étape steampunk de la créature, c'est dire si nous sommes allés loin dans cette pré-SF. Nous avons pris des références très vide ludiques modernes et un contre pied un peu sérieux à "Hulk contre la Chose" de Marvel. Jekyll a quant à lui un petit air de Lex Luthor qui n'est pas si innocent

 

D'ailleurs, ces personnages très connus du public sont-il faciles à aborder? A utiliser ? Comment avez-vous fait de manière générale pour éviter tous les stéréotypes souvent accrochés à ces personnages ?

 

 

Un album comme celui-ci est tout autant destiné à ceux qui ne connaissent pas les romans pour leur donner envie de les lire, qu'à ceux qui maitrisent cette culture gothique et romantique, préalable à la SF, et qui sauront intégrer cette version personnelle à un univers préexistant. C'est dans cette approche respectueuse et personnelle que j'ai pu travailler la matière littéraire déjà en place : c'est donc une écriture difficile dans la mesure où il ne faut rien oublier de ce qui a déjà été accompli, tout en donnant le plus de patte personnelle possible, notamment sur cette ambiance glauque particulière.

 

Comme dit plus haut, la science est plus ou moins le point de rencontre des deux personnages, mais on a également l'impression que c'est d'éthique scientifique dont il est question dans "Mister Hyde contre Frankenstein". Est-ce pour parler de ça que vous avez justement choisi ces deux personnages, dont l'origine défit la science ?

 

La morale et l'éthique moderne renvoient à l'expérimentation quelle qu'elle soit... Nous avons ici réunis deux créatures/créateurs remarquables dans la tentative de compréhension profonde de la nature de l'homme. On parle de science certes, mais également de l'âme, de la nature humaine, de la malfaisance, de ce que l'on entend par intelligence... J'ai, comme beaucoup avant moi, voulu traiter de la science comme avancée humaine, ainsi que de la morale ou des frontières qui la régissent. Et par dessus tout de la notion même de transgression...

 

Comment s'est passé le travail avec le dessinateur Antonio Marinetti et la coloriste Virginie Blancher ? Comment leur avez-vous expliqué ce que vous vouliez visuellement ?

 

 

D'un "mariage arrangé" avec Antonio par l'éditeur Soleil, nous avons fait une véritable collaboration créative : je connaissais son travail réaliste et de construction de planches sur la collection Secrets du Vatican, et au final nous avons mis au point un travail de collaboration quasi cinématographique sur la mise en scène des actions et des personnages.

Virginie, je ne la connaissais pas. C'est par l'intermédiaire d'un scénariste ami Thierry Gloris que j'ai fait sa connaissance. Je lui ai proposé cet album pour le traiter en mode doux, pour suggérer des ambiances plutôt que de montrer explicitement des choses : son travail a été d'amener toute une sensibilité en sépia, tout en atténuations et désaturation ce qui renforce l'atmosphère et souligne le travail du dessinateur.

 

 

Une question un peu plus d'actualité, le livre numérique mais également la BD numérique semblent sur le point d'arriver en force. Qu'en pensez-vous en tant que lecteur et en tant que scénariste ? Vous y voyez une bonne ou une mauvaise chose ?

 

 

En tant que lecteur j'ai du mal, je suis profondément attaché à cet objet culturel qu'est le livre, cette sensation, ce rapport quasi fétichiste qu'on ne peut retrouver sur aucun support numérique. De plus la lecture d'ensemble de deux pages de BD en regard est impossible sur petit écran qui ne peut embrasser d'un coup ce nombre trop grand de cases. Je crois plus dans les "motions comics" sur lesquels travaillent les équipes Marvel en ce moment (notamment sur "Astonishing Xmen") qui permettent d'animer et de sonoriser des images ponctuelles et de rendre compréhensible les histoires...

Comme scénariste, je suis assez dubitatif même si j'ai vu de belles choses sur des applications de téléphonie mobile (ce qui reste très limité en terme de narration, et c'est ça la grosse limite de ces expériences)

 

Pour finir, j'imagine que vous êtes en train de travailler sur le second tome de "Mr Hyde contre Frankenstein", mais à part ça, quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?

 

Le T2 est en train d'être colorisé par Virginie et sa couverture est en train d'être réalisée par Gérald Parel. Il est fini pour Antonio et moi depuis quelques mois, je suis déjà sur le suivi des autres séries à venir pour la collection 1800 : l'adaptation des "Mines du roi Salomon" de Henry R Haggard avec DimD au dessin, et ma version de "Fort Alamo" avec Fabio Pezzi. Plus d'autres projets pour les autres collections de Soleil notamment Soleil Celtic et "Secrets du Vatican"...

 

Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre aux questions de Psychovision. Et je vous laisse donc le mot de la fin.

 

Un grand merci à vous pour avoir partagé un peu de notre univers.

Bonne(s) (re)lecture(s)... je ne peux pas mieux faire comme mot de la fin ambigu hehehe

 

 

A propos de cette interview :

 

- Blog de Dobbs : http://dobbs.over-blog.com/

- Lire la chronique de "Mister Hyde contre Frankenstein" sur Psychovision

- Lire les 9 premières planches de "Mister Hyde contre Frankenstein"