[M] [Critique] Fascination

[The Omega Man]

Fascination
1979 - France - 80 minutes
Réalisé par Jean Rollin
Production : Joel de Lara,
Scénario: Jean Rollin,
Image: Dominique Saint-Cyr,
Montage: Philippe d'Aram.
Son: Claude Panier
Accroche : Vampires surréalistes



Avec Franca Mai (Elizabeth), Brigitte Lahaie (Eva) , Jean-Marie Lemaire (Marc) , Fanny Magier (Hélène), Muriel Montossé (Anita), Sophie Noël (Sylvie), Evelyne Thomas (Dominique), Agnès Bert, Cyril Val, Myriam Watteau, Joe De Lara & Jacques Sansoul

Résumé :
Au début du siècle, on soignait l'anémie en faisant boire aux malades un verre de sang frais de boeuf. Les abattoirs étaient devenus un endroit à la mode où les belles dames venaient rencontrer les messieurs. Le goût du sang devint vite une passion perverse ; plusieurs d'entre-elles formèrent aussitôt une secte secrète.



Nul n'est prophète en son pays, tel sera peut être l'épitaphe de Jean Rollin, en effet si le réalisateur a acquis une certaine renommée hors de France, il n’a jamais été pleinement reconnu chez lui, même par la presse spécialisée. Une notoriété que Rollin doit surtout à ces films de vampires saphiques produit par l’Américain Sam Selski ou son sens de l’esthétique associé à un érotisme prononcé et un certain sens de la recherche visuel, en on fait une référence au delà des frontières. Une des rares réussites ou le commerciale (le nudie) rencontre une certaine forme d’originalité.
Cinéaste poétique et baroque pour les uns, barbant et prétentieux pour les autres, oeuvrant à la fois dans le porno (sous le pseudo de Michel Gentil il a co-réalisé notamment « Le Parfum de Mathilde » pour Marc Dorcel ) et le cinéma de genre, Rollin alterne il est vrai le meilleur et le pire et c’est malheureusement ce dernier que l’on retient le plus souvent (ex : le Lac des morts vivants) . Techniquement les défauts sont souvent les mêmes d’un film à l’autre, budget étriqué (à cause des difficultés pour le réalisateur de rassembler des fonds ), acteur parfois « trop » amateur, montage chaotique, image floue. Mais cela est toujours rattrapé par quelques éclairs de génie, en effet chez Rollin ce qui compte avant tout c’est l’image, spécialiste du long travelling, il sacrifie souvent la narration et le reste au profit d’une belle image. L’influence de la peinture est d’ailleurs prédominante dans son œuvre avec une préférence pour le surréalisme et Max Ernst en particulier, il arrive souvent qu’il soit « inspiré » par un détail qu’il a pu observer sur une toile et qu’il l’intègre dans son film (pas toujours avec bonheur d’ailleurs !).
« Fascination » est considérée comme son film le plus réussit, graphiquement en tout cas, et surtout le plus abordable. C’est aussi celui ou les recherches visuelles et esthétiques du réalisateur s’intègrent le mieux à l’histoire. Rollin y aborde de nouveau son thème de prédilection le vampirisme, mais d’une manière différente, plus proche du mythe de la comtesse Bothary que du vampire traditionnel. Le vampirisme est plus ici un effet de mode plus qu’une réelle nécessité, une sorte de drogue qui permettrait de garder l’illusion d’une éternelle jeunesse.
Inspiré par un fait réel (le traitement de l’anémie à base de sang) et de deux romans (« le verre de sang » et « Une histoire épouvantable »), le film nous présente deux jeunes femmes vivant dans un château, dont la tranquillité apparente va être troublée par l’irruption d’une bande de voleurs. En fait les deux jeunes femmes servent de « rabatteuse » afin de fournir en sang, une mystérieuse secte uniquement composée de femmes, les proies vont bientôt devenir les chasseresses.



Avec un sujet pareil le réalisateur nous livre une œuvre éthérée et sensuel ou l’érotisme et la nudité sont naturels et jamais vulgaires. Très inspiré par la présence de sa muse Brigitte Lahaie (on le saurait à moins !), Rollin met en image la scène la plus belle et la plus réussie de son œuvre. Une mise en scène et un découpage habile, fluide et efficace ou l’on voit la belle Brigitte surgir sur un pont armé d’une faux et uniquement vêtue d’une cape et d’une paire de botte, une vision à la fois poétique, érotique et doucettement morbide qui résume parfaitement l’œuvre de Rollin. Le film ne manque pas d’autres moments du même genre, comme la séquence d’ouverture se déroulant dans un abattoir ou la mort de Brigitte blessée et « dévorée » par ces compagnes. De plus et c’est presque une constante dans son œuvre, Rollin ne cède jamais au classique « happy End », lui préférant une fin moins consensuelle et plus poétique.

On ne présente plus la sémillante Brigitte Lahaie superbe actrice porno qui connait encore une vraie notoriété alors qu’elle a arrêté de tourner depuis des années, une actrices qui a aussi beaucoup œuvré dans le bis (Les Prédateurs de la Nuit, L’Executrice, Brigade des Mœurs,…). Sa rencontre avec Rollin remonte au seul film X qu’il tournèrent ensemble (Vibrations Sexuelles-1977), le réalisateur lui offrit son premier rôle non pornographique dans « Les Raisins de la Mort » (1978), par la suite elle tourna dans plusieurs autres de ces films (La Nuit des traquée, La fille de Dracula,… ). Les deux complices devaient tourner ensemble un film de loup-garou intitulé « Bestialité », mais le projet n’aboutit jamais faute de financement ! Son jeu retenu voir inexpressif fait merveille et s’intègre parfaitement dans l’œuvre de Rollin.

A force de persévérance l’estimable Jean Rollin c’est construit un univers érotico fantastique bien à part dans le paysage cinématographique français. Il réalise avec « Fascination » un film plein de charme, qui ne tombe jamais dans la vulgarité et qui constitue une excellente entrée en matière pour celui qui voudrait découvrir son œuvre et son univers si particulier.
Pas de problème pour se procurer les films de Rollin ceux-ci sont disponibles dans de nombreuses versions en Allemagne, Angleterre, Japon, USA et aussi en France et sur tous les supports VHS et DVD, quelques fois dans des éditions collectors splendides.



Anecdote : Le tournage ne fut pas de tout repos pour la pauvre Brigitte, non seulement elle dut faire face aux avances empressées d’un producteur indélicat et libidineux. Mais en plus certain(e)s comédien(ne)s du film exigèrent que l’actrice prenne un pseudo, ils ne voulaient pas que leurs noms apparaissent sur une affiche à coté de celui des actrices pornos, Rollin leur répondis que si cela les dérangeaient autant c’était eux qui devaient changer de nom. Gentleman !

Le visuel (ci dessous) de la cassette parue chez « America Vidéo » (qui ne reflète absolument pas l’ambiance du film) avait déjà été utilisé pour la « Baie Sanglante » de Bava.

[mallox]

oui, c'est un Rollin dont je n'ai pas un mauvais souvenir. même si je ne suis pas fan de son oeuvre au sein de laquelle quand même, il ne s'est jamais trop renouvelé ... ou pas suffisamment.
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[flint]

Malgré tous ses défauts, Rollin mérite bien qu'on s'intéresse à son oeuvre. C'est vrai que la plupart de ses acteurs lient plus leur texte qu'ils ne l'interprètent. L'homme est brouillon, mais sincère. Il aime le cinéma, et chose importante, il ne donne pas l'impression d'avoir la grosse tête (voir ses intéressantes interviews sur les DVD édités par Encore Films). Comme tu l'as souligné, Rollin n'a jamais été prophète en son pays, et s'il l'est un jour, ce sera à titre posthume. Et l'hommage à Brigitte Lahaie est pleinement justifié. Elle a été l'une des meilleures actrices dans le porno, mais aussi dans le bis, a tourné avec Rollin, Franco, Erwin Dietrich, et bien d'autres. Et elle est une des rares à avoir réussi sa reconversion, en tant que journaliste-sexologue. Preuve qu'elle est loin d'être bête.
Sinon, mon Rollin préféré reste Le Frisson des Vampires, pour son côté décalé, la musique psychédélique d'Acanthus, sa vampire sortant d'une horloge... Pour beaucoup, Rollin se résume à : . Pour moi, c'est : :happy: .

[Throma]

Bel hommage à Rollin que tu lui rends l'Omega à travers cette chronique bien renseignée.
il le mérite. ça nous changera de tous les infames connards qui nous abreuvent de "lol rollin c'est chiant et kitsch ça pue le saucisson"...y'en avait encore un la semaine derniere sur devildead qui heureusement, a copieusement dégagé. Point de vue critique négative, le Jeannot doit etre rodé depuis tout ce temps...doit meme plus faire gaffe.
Sinon, comme flint, je crois que mon Rollin prefere est "Le frisson des vampires" pour tous les atouts cités (la musique, excellente, évoquant furieusement "the piper at the gates of dawn" des Floyd, est l'une des meilleures compositions rock pour un film d'horreur, avec la partition des Goblin pour "Profondo rosso"). Mais j'aime quasiment tous ses films, exception faite des "2 orphelines vampires" et le trop pénible "Levres de sang".
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http://www.vhs-survivors.com/myvhs.php?alias=Throma

[mallox]

D'accord pour "le frisson du vampire". :happy:

Maintenant, je ne suis pas fan de Rollin et pour moi Rollin, c'est ça: , autrement j'aurai vu tous ses films ...

The Omega Man parle de la façon qu'on de jouer les actrices comme lisant un livre, de façon judicieuse à mon sens car je trouve assez irritant ce côte "theâtre d'art et d'essai de Chelles sur Loire". C'est ce qui m'a toujours un peu rebuté chez lui, passé la surprise des premiers.

Sinon, je pense qu'il demeure toutefois à réévaluer et que le mépris qu'il suscite chez certains est dû à une oeuvre prolifique. Je reste persuadé que si Rollin avait pondu 4, 5 films pas plus, il serait bien plus culte.
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[Valor]

Contrairement à Franco qui s'est aventuré dans à peu près tous les (sous-)genres, on reproche souvent à Rollin d'avoir sur-exploité les mêmes recettes ... On aime ou on n'aime pas !

Moi j' Rollin mais je lui reprocherais surtout sa direction d'acteurs ... (Mention spéciale au gamin de "Lèvres de sang": sûrement le fils caché de Jean-Pierre Léaud !) ... qui dessert beaucoup certains de ses films et qui n'est peut-être pas étrangère à ce 'manque de reconnaissance' (pour ne pas dire 'mépris') en France et à son statut de réalisateur culte dans les pays anglophones !

Je préfère 'La vampire nue" (le labo, les masques d'animaux et la musique excellente là aussi !) et "La rose de fer" malgré son intrigue minimaliste ... au "Frisson des vampires" que je trouve plus amusant mais moins envoûtant...

[Walter Paisley]

La plupart des Rollin que j'ai vu, je les ai vu il y a environ dix ans, je crois me souvenir que la chaîne 13ème rue lui avait dédié un cycle. Je n'avais vraiment pas aimé, n'appréciant pas du tout le jeu d'acteur, ni la poèsie, ni les intrigues, pour le moins répétitives. Bon maintenant, mes goûts ayant un peu évolué, faudrait que je les revois. Ceci dit pour être honnête, je pense pas que je serai jamais récéptif au lyrisme de ses films.

Récemment, j'ai découvert Les Raisins de la Mort, qui n'est pas trop mal. Je le trouve en tout cas bien plus accessible que les autres que j'ai pu voir (ce que les puristes pourront justement condamner, faut voir).
Et puis Lèvres de Sang, assez inssupportable dans son genre (le premier quart d'heure, avec le gars qui répète toute les trente secondes "je me souviens d'un château en ruine, dans mon enfance, ça vous dit rien ?"), avec un plan fixe sur une nana qui descent un escalier pendant une minute, et avec ce rebondissement final pour le moins fumeux.

[Valor]

"Les raisins"c'est un peu "La nuit des morts vivants" chez José Bové...

Il plutôt atypique dans la filmo de Rollin, même si on y trouve ses éléments préférés ...

Sinon, l'affiche grecque qui illustre la critique est curieusement recadrée, non ?

[The Omega Man]

En tout cas que l'on aime ou que l'on aime pas, il semblerait que tout le monde a vu au moins un film de Rollin (même s'il y a trés longtemps pour certains), ce qui n'est déjà pas si mal.

Pour l'affiche grecque, ils ont peut être cru que s'étaient deux mecs en arriére plan

[Warbeck]

[Valor]

[pazuzu]

Fais plaisir de lire qu'il y a des gens qui apprécient l'oeuvre de Rollin. J'en fais partie également et FASCINATION doit être mon Rollin préféré. La présence de Brigitte Lahaie y est sûrement pour quelque chose!

Chez Rollin j'apprécie sa poésie macabre, son érotisme et son lyrisme. Ce sont des films qui m'envoûte très rapidement. C'est certainement l'un de mes réalisateur fétiches que je chéris le plus.

[Camif]

Un vrai beau film, mis il faut aimer la lenteur, entre fantastique et érotisme soft. Ambiance envoûtante, un peu de perversion, parabole sur une certaines sociétés bourgeoises décadent ( et ça c'est fun )
Peu de dialogues et c'est heure car comme d'hab les acteurs jouent fort mal ( encore qu'il y a eu pire ) et puis et puis Brigitte Lahaie est rayonnante, superbe. Le film possède également une des plus belles scènes du cinéma ( et si ! ) celle ou Brigitte est vêtue seulement d'une cape noire et armée d'une faux sur le pont du château en contre jour...magnifique !
Donc voilà, moi ça m'a plu.

[Kidam]

Pas grand chose à dire de plus que ce qui a été dit par les autres, mais c'est un Rollin planant que j'aime plutôt bien. Bravo à Omega pour sa chouette critique qui hulule bien !