[M] [critique] La Femme guêpe

[Walter Paisley]

1960.
Origine : Etats-Unis
Genre : Fantastique
Réalisation : Roger Corman
Avec : Susan Cabot, Barboura Morris, Anthony Eisley, Michael Mark...

Roger Corman est un réalisateur et un producteur qui a toujours suivi les modes de son époque. Adepte des monstres atomiques dans les années 50, chantre du gothique dans les années 60, puis gentil plagieur de films à succès en temps que producteur (Rollerball / La Course à la mort de l'an 2000, Jaws / Piranha...), il s'est toujours révélé être un opportuniste roublard, dont une bonne partie des oeuvres force toutefois le respect. Mais que faire lorsque son légendaire flaire lui indique que la période est à la transition ? Un film comme The Wasp Woman nous en donne une bonne réponse.

Janice Starlin (Susan Cabot) dirige une entreprise de cosmétiques autrefois à succès, aujourd'hui sur le déclin. Le problème est qu'elle-même commence à souffrir du temps qui passe, ce qui n'est pas forcément une bonne publicité pour sa compagnie. Alors quand un scientifique en mal de travail vient la contacter pour lui proposer une solution miracle à base d'enzymes de guêpes censée lui redonner sa jeunesse, elle n'hésitera pas beaucoup avant d'accepter, allant même jusqu'à se proposer premier cobaye humain. Evidemment, l'expérience est appelée à tourner à l'aigre.

A vue de nez, on pourrait penser qu'il s'agit d'un autre film de monstre humain géant, dénonçant les méfaits d'une science hasardeuse. Pourtant, il n'en est rien, du moins pendant la majeure partie du film (qui comme la majeure partie des Corman de l'époque est très court : 1h13). Car le scénario, signé Leo Gordon (aussi auteur de l'Attaque des sangsues géantes et de The Terror : soit un film d'animaux mutants et un film gothique), se concentre beaucoup plus sur la prise de conscience du mal qui ronge Janice, personnage principal, que sur les exactions de la créature mutante. A ce titre, le film fait furieusement penser à La Mouche Noire, réalisée deux ans auparavant par Kurt Neumann (ainsi qu'à son remake par Cronenberg). Une vision un peu plus naturaliste, donc, qui met en avant les relations inter-personnages. Car malgré les efforts de Janice pour cacher sa "maladie", son entourage remarquera tout de même les changements. Des changements d'abord physiques et positifs : les effets de la vieillesse disparaissent, avant de devenir un peu plus psychologiques et négatifs (forcément, se sentir devenir un monstre, ça craint). Jusqu'aux transformations en femme-guêpe à proprement parler, dans quelques rares scènes à la fin du film. Des transformations pourtant combattues par Janice, qui tente de résister et qui est assez bouleversée par le mal qu'elle peut provoquer. Bien sûr, le film n'atteint jamais le niveau émotionnel de La Mouche de Cronenberg, mais la voie est tracée. En attendant, le film est divisé en trois points de vue : celui de Janice, celui de ses amis qui cherchent à savoir ce qui se passe, et celui du scientifique coupable de la fausse solution miracle. Les trois se croisent rarement, ce qui isole un peu plus les "camps" en puissance, dont les recherches n'aboutissent à rien. D'où une certaine inéluctabilité vis-à-vis de ce qui attend le personnage principal, et que l'on devine être tragique. Et d'où aussi un effet à risque par rapport au spectateur : sachant d'emblée la fin du film, celui-ci n'est pas à l'abris de l'ennui, surtout compte tenu du temps qu'il faut au "monstre" pour apparaître. Ne le cachons pas, le film a tendance quelques fois à piétiner. On pourra éventuellement se consoler par la présence de la belle Susan Cabot en tête d'affiche (affiche qui par ailleurs est fort trompeuse)... Et puis ne crachons pas non plus sur quelques scènes assez amusantes, telles ces conversations entres secrétaires assez comères, ou encore celle nous présentant le chat-cobaye devenu monstre féroce. Cette dernière ayant même son importance puisqu'elle annonce clairement la destinée de Janice (qui elle aussi deviendra un monstre assez mal foutu - encore que caché par les ténèbres -).
Bref nous avons là un fort sympathique film de Corman, qui abandonne quelque peu les histoires de monstres brutes des 50's pour explorer le domaine de la douleur psychologique qui trouvera son apogée dans le cycle Poe... né immédiatement après ce The Wasp Woman, en cette année 1960 qui vit aussi la réalisation de La Petite Boutique des Horreurs...

6/10

Accroche : Et si La Mouche avait été une guêpe ?

(et là, attention, miracle)

[flint]

C'est vrai que l'affiche est fortement trompeuse ! Cela dit, comme le disait Walter, Corman joue sur la corde psychologique et la sauce prend, en grande partie grâce au jeu très subtil de Susan Cabot, qui a vraiment du chien !

En ce moment, on peut trouver des coffrets thématiques de la collection Bach Films à prix vraiment intéressant, à savoir dix films pour une quinzaine d'euros, regroupés sur cinq DVD (un film sur chaque face, comme les Midnite Movies). Les thèmes sont les suivants : horreur, fantastique (pas mal de SF, en fait), policier, aventure et arts martiaux.
"La femme guêpe" figure dans le coffret "Horreur", avec "Embryo", "Carnosaur 3" (un chef d'oeuvre ), Le château de la terreur", "La cité des morts", "Le cerveau qui ne voulait pas mourir", "Créature", "Femmes démon", "La nuit des morts vivants" et "Régal d'asticots".

[The Hard]

Ouep'. J'aime bien aussi celui axé fantastique (ou comme tu le dis, avec pas mal de SF en fin de compte) et qui contient: "L'abominable homme des neiges", "L'attaque des sangsues géantes", "L'attaque des crabes géants", 'La dernière femme sur terre", "La créature de la mer hantée", "Voyage sur la planète préhistorique", "La planète fantôme", "Le fantôme de l'espace", "Les tueurs de l'espace" et, je crois (je fais ça de tête là, aïe), "L'invasion Martienne". Ca compile du Corman, du Wilder, du Kowaleski... bref, ce serait con de s'en priver. Quoiqu'il en soit, je vais essayer de tous les acquérir (sauf celui des arts martiaux ).

Et sinon Flint, tu as trouvé un site qui en parle?

[flint]

[Bastien]

Encore bravo à toi Walter qui a réalisé le meilleur dossier en vf sur le net de Corman, LA référence à mon sens.

Bonne critique également sur la Wasp woman, qui est aussi un bon quoique assez fauché.

A mon sens et une fois de plus chez Corman, c'est l'addition des talents du scénario très bien servi par Roger avec en bonus une bonne intérprétation avec en tête (de guêpe) Susan Cabot.

Le film est fauché mais, encore une fois chez Roger, ça passe assez bien.

Ce fut d'ailleurs le dernier film de Susan Cabott qui a assez probablement dû voir ses rêves de grandeurs et ses ambitions s'évanouirent avec ce film (mais aussi le terme de son contrat exclusif avec Corman).

Une des meilleurs perle de Corman demeure, à mon modeste avis, The Undead, qui fut réédité en dvd vostfr. Une perle, une de plus.

Mais un point que je regrette : il y a eu une belle vague d'édtion en dvd de ces films il y a peu d'années, chez deux éditeurs, mais depuis plus rien !

Quelqu'un sait si le deal entre Bach Film et la boite de Corman va continuer ?


Rien à l'horizon ?
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[Walter Paisley]

[flint]

Sidonis réédite les Corman période "cycle de Poe", mais à un prix relativement élevé en comparaison des double-programmes MGM de Midnite Movies. Pour le reste des productions/réalisations de Corman, c'est le désert, du moins chez nous.

[Bigbonn]

Et le Wasp du titre se réfère-t-il aussi à l'acronyme wasp de white anglo-saxon protestant ou cela n'a-t-il aucun rapport?

[Kerozene]

[Valor]

Et au fait, "Kerozene" c'est en référence à BIG BLACK ?

Youtube

[Bastien]

Je en pense pas, mais je ne suis sûr de rien ici bas, que les films de Roger Corman soient dans le domaine public, en tout cas aux USA.

Il me semble qu'une oeuvre aux USA, que ce soit dans les comics ou les films, tombe dans le domaine public quand son détenteur légal ne l'exploite plus pendant une certaine durée.

Roger Corman a justement conservé l'exploitation de tous ses films même les AIP et il les exploitera jusqu'à la dernière goute.

Bach films avait passé un deal avec lui, c'est pour cela que nous avons eu le nulissime Carnausor 3, copie conforme de Scorpius gigantus, qui m'a sérieusement chagriné quant aux ambitions de Roger...

Je pense qu'il reste plein de bons films à voir (je suis partisan de considérer que ses films sont bons), Undead en est la preuve flagrante.

Encore une fois, excellent article sur Roger Corman cher Walter.

Ne fais pas le modeste, je ne lâcherai pas le morceau !
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[Walter Paisley]

[Bastien]

Roger Corman va recevoir un oscar pour l'ensemble de sa carrière.

C'est quand même amusant car il n 'avait exprimé, me semble-t-il, aucune ambition particulière de ce côte là et qu'il a toujours joué comme un outsider.

Autrement, il a quand même donné sa chance à..James Cameron !

Même si cela réside dans les faits d'un hasard, cela va contribuer encore une peu plus à sa légende...

Dis-moi cher Walter, quels sont tes films préférés réalisés par Roger (si les Edgar Poe sont dans les premières place, merci de faire une liste...bis !).

Pour ma part, il s'agit de :
_The Undead.
_Crab monsters
_The day when the world ended.

J'opine, pour ma part, que le résultat de ses bandes s'apparentent heuresement à de bons épisodes de la 4ème dimension...
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[Walter Paisley]

Si l'on sort du cycle Poe (dominé pour ma part par Le Masque de la mort rouge), je dirais ceux-ci :

- The Intruder, point d'orgue du militantisme politico-social de Corman, qui s'est toujours vu plus ou moins délicatement, plus ou mois habilement, dans ses réalisations et productions.
- The Trip, parce que j'aime beaucoup les films psychédéliques et parce qu'on sent que vraiment Corman fait parti du mouvement qu'il montre et qu'il ne se contente pas de vouloir faire plaisir au public.
- La Petite boutique des horreurs, parce que j'aime l'humour cormano-castlesque
- The Undead, comme toi, parce qu'il mélange vraiment plein de choses et qu'il s'apparente autant à un film classique des années 50 qu'à un film gothique. L'ancêtre du cycle Poe.
- Bloody Mama pour son côté road movie provocateur.

Sinon pour l'oscar je n'étais pas au courant... Ca ne serait pas justement en raison du succès actuel de Cameron ?

[Bastien]

Pour l'oscar, je ne pense pas car le succès d'Avatar n'était pas si prévisible.

Tu as donné 5 films !

Je n'ai pas vu Bloody mama même si, dans le polar, le massacre de la Saint Valentin ou encore Mitraillette Kelly sont intéressants.

N'étant pas bilingue, hélas, je ne peux voir déçemment Gassss... sans le comprendre, dommage...

La petite boutique est pas mal, et tes autres choix aussi.

En revanche, j'ai plutôt apprécié Vicing women & sea serpent alors que toi, si je m'en refère à ton article, tu ne l'as pas trop aimé.

Serais-je plus bis que toi et tous les autres ?

Sinon, j'ai très envie de voir ses inédits des années 55/60 comme Atlas, sky troop attacks ou encore War of the stellites.

J'aime beaucoup, je l'avais oublié dans ma liste, creature of the haunted sea. Le film est ultra-fauché mais, grâce à un scénario à tiroirs et à sa maitrise, le film reste très, très agréable à regarder.

N'importe quel autre que lui aurait fait une bouse sans nom mais moi, pour ma part, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde.

Viva Roger !
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