[M] [Critique] Le Livre noir

 
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sigtuna
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MessagePosté le: Ven Mar 09, 2012 6:02 pm    Sujet du message: [M] [Critique] Le Livre noir Répondre en citant



Le Livre noir (Reign of Terror)

Etats Unis – 1949
Réalisation : Anthony Mann
Avec : Robert Cummings, Richard Basehart, Arlene Dahl, Richard Hart, Arnold Moss, Norman Lloyd...
Genre : Historique, Film noir
AKA : The Black Book


France, 1794 - il y a des flammes en avant plan, donc ça doit être le bordel ! D’ailleurs, une voix-off nous le dit, que c’est le bordel, pas étonnant dans un pays latin. Suit une présentation des personnages historiques, style "1794 pour les nuls". Je cite : Robespierre "une perruque et un esprit tordu" (pourquoi pas), Saint-Just "un amoureux des roses et du sang" (ah bon), Danton "un soldat" (quoi ?), Fouché "un politicien" (ah, parce que les autres ne le sont pas ? Ah oui, bien sûr, ils sont soldats), Barras "un honnête homme" (Hein ? C’est vrai que son surnom sous le directoire n’était que "le roi des pourris"), Tallien "un autre honnête homme" (bon, évidemment, si on place Barras comme maître étalon de l’honnêteté). Tout compte fait, ce serait plutôt "1794 par un nul".
Bref, il reste 48 heures pour empêcher Robespierre de devenir dictateur. Heureusement, un cavalier part rencontrer, au grand galop, le marquis de Lafayette (à l’époque prisonnier depuis deux ans des Autrichiens, auxquels il s’était pourtant rendu sans combat). Etrangement, nous n’avons pas droit à une présentation de ce brave Marquis. Pour combler cette lacune, je me contenterai de citer un dialogue (entre Belmondo et Jean Seberg) du A bout de souffle de Godard : "Les Américains sont des cons, tu sais pourquoi ? Non. Parce que le Français qu’ils admirent le plus c’est le plus con de tous, Lafayette.". Cette digression étant faite, revenons à nos couillons. Lafayette dit à ce cavalier (qui est donc le héros du film) que pour barrer la route à Robespierre, il doit de se rendre à Strasbourg. Plan suivant : sur le moulin de Valmy… Ah ! On me dit qu’en fait c’est la ville de Strasbourg, où notre héros rencontre un inconnu qui lui, dit avoir un plan.
Nous sommes toujours dans les cinq premières minutes du film, et mon "déconomètre" vient déjà d’exploser… Et pourtant, je n’ai encore rien vu.



Pendant ce temps, à la Convention, qui se trouve aussi être un tribunal, Robespierre accuse et condamne Danton en trente secondes (faut dire qu’il est à la bourre, vu que dans deux jours c’est le coup d’état de thermidor, et que ça fait trois mois que Danton devrait être exécuté). Puis, "Roby" traverse un couloir en éconduisant la future veuve de Danton (pour que l’on voit bien qu’il a un cœur de pierre) et se retrouve dans son bureau, ou dans celui du comité de salut public, mais on ne va pas chicaner. Mais là, il est "venere" Roby, vu qu’y a Fouché dans son fauteuil, et qu’en plus il se montre familier. Bon, il lui fait virer son cul de là, parce que le chef c’est lui, l’autre il est qu’un sous fifre, hein… juste commandant de la Gestapo ou quelque chose comme ça. A ce moment là arrive Barras, "venere" aussi, qui dit à Roby : "Kekseksa, tu fais exécuter Danton sans m’avertir ?". Alors Roby lui répond : "Kektennaafout, c’était pas ton pote mais le mien, et puis on ne me parle pas sur ce ton". "Si c’est comme ça je me casse", lui rétorque Barras, et il s’en va.
Là, le chef de la Guépéou, à nouveau seul avec Roby, lui dit : "Tu déconnes Max, Barras, aucun de mes hommes n’ose l’affronter". "C’est parce que vous êtes tous des couilles molles à Paris", lui réplique l’autre, "mais je viens de faire venir "Diouval the terror of Strassburg", et ça va chier des bulles".
Bon, ce ne sont peut être pas les termes exacts, mais le sens général y est.



Je m’arrête là pour le résumé du début du film car, vu mon degré d’atterrement, continuer serait au dessus de mes forces. Je me rends compte que je n’ai même pas pu aller jusqu’au fameux "livre noir" du titre, qui est une caricature de "MacGuffin". Ni évoqué le quartier général de Robespierre (avec salle de torture et chambre à ouverture secrète), situé dans les sous-sols d’une boulangerie industrielle qui lui sert de couverture. Il y a une telle accumulation d’âneries dans ce film que ça en devient fascinant.
Un jour, alors que l’on reprochait à Alexandre Dumas d’avoir violé l’Histoire dans ses livres (et ceux de ses nègres), il répliqua : "Qu’importe, si je lui ai fait de beaux enfants". Ici, ce n’est pas un simple outrage que l’on fait subir à l’Histoire de la révolution, mais carrément le supplice du pal avec un épieu de trente centimètres de diamètre. D’un tel acte contre nature, pourrait-il sortir un "bel enfant" ?
Après tout, me direz vous, le Scaramouche de Georges Sydney, chef d’œuvre du film de cape et d’épées, a pour toile de fond une très fantaisiste évocation de la révolution française. Certes, mais dans ce film là ce n’est qu’un arrière plan, et on y retrouve aucun personnage historique (à part un effet comique plutôt raté dans son épilogue, et déjà présent d’ailleurs dans ce film ci). Mais dans Le Livre noir, tout est tellement énorme et saugrenu que l’on se dit qu’il y a eu un problème quelque part, et que l’on a dû utiliser une intrigue préexistante de film noir, à laquelle on a accolé ce contexte révolutionnaire hors de propos.



De fait, si on met de côté le ridicule arrière-plan historique, on se retrouve avec Robespierre en grand ponte du milieu sous la prohibition, Saint-Just étant son bras droit, Fouché le chef corrompu de la police locale vendue à Robespierre, notre héros un incorruptible membre du FBI infiltré sous une fausse identité, Barras un chef de gang rival de Robespierre et par ailleurs indicateur du FBI, le personnage d’Arlene Dahl une gagneuse travaillant dans un boxon de Tallien lieutenant de Barras, et le "livre noir" devient la comptabilité des activités criminelles de Robespierre incriminant tous ses complices. Mouais… là ça colle, et d’un coup l’intrigue devient moins artificielle. Elle n’en reste pas moins ni très vraisemblable, ni très cohérente (et pas très originale).
Bref, si on arrive à faire abstraction de sa "discutable" (euphémisme) historicité, on a une petite série B policière qui vaut essentiellement pour sa mise en scène et, surtout, sa superbe photo.
Avec ce métrage, Anthony Mann achevait un premier cycle (plutôt méconnu) orienté vers le film noir, avant d’entamer sa célèbre période western. Alors, incontestablement, Mann a du talent et du métier, plastiquement c’est plutôt bien foutu (en partie aussi grâce à la magnifique photo noir et blanc de John Alton) et il parvient parfois à créer une atmosphère de film noir entre deux scènes grotesques. Mann fait aussi preuve de roublardise, comme dans la séquence quasi "giallesque" de l’assassinat du vrai "Diouval the terror of Strassburg" par une main inconnue, laissant ainsi planer le doute quant à l’implication du héros dans ce crime.
Malgré cela, la mise en scène d’Anthony Mann ne parvient pas à transcender le ridicule du scénario et la médiocrité de son intrigue policière. Le coté suspense, par exemple, ne fonctionne absolument pas.



Du coté de l’interprétation, rien de particulièrement honteux, mais rien d’extraordinaire non plus. Dans le rôle du héros, Robert Cummings à contre emploi (il était spécialisé dans les comédies et comme séducteur veule) se révèle plutôt fade. Arlene Dahl est vraiment très jolie, et le noir et blanc lui convient mieux que le technicolor (et sa discutable crinière fauve). Son jeu ? Euh, elle a un très beau visage... Pour les interprètes de personnages historiques, il est difficile de faire abstraction de leur aspect grotesque et fantaisiste (historiquement parlant). Richard Basehart en “Parrain” puritain a une bonne scène, quand il parvient pendant quelques secondes à retourner une foule en colère grâce à la puissance de sa dialectique. Arnold Moss fait de Fouché une canaille truculente, et il a beau avoir le rôle le plus éloigné de la réalité historique (Fouché était à l’époque l’un des chefs du complot thermidorien contre Robespierre), c’est lui qui domine le casting, ce qui est ici un exploit. Pour l’anecdote, Russ Tamblyn, le futur Tom Pouce de George Pal, joue ici le rôle d’un chiard.
Vous aurez compris qu’il m’est difficile de noter un film comme celui-là, d’un strict point de vue "cinématographique". Disons qu’il s’agit d’une œuvre mineure dans la filmographie d’Anthony Mann, et que si vous êtes moins sensible à certains aspects que le rédacteur de ces lignes vous pourrez, peut-être, l’apprécier comme un film noir de série B.


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Dernière édition par sigtuna le Sam Mar 10, 2012 12:36 pm; édité 4 fois
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sigtuna
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MessagePosté le: Ven Mar 09, 2012 6:03 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Fiche DVD



Le Livre noir - Artus Films


Région : Zone 2 PAL

Editeur : Artus Films
Pays : France

Sortie film aux USA : 15 Octobre 1949
Sortie DVD France : 6 Mars 2012

Durée : 84 minutes
Image : 1.33 original respecté (4/3) – Noir et Blanc
Audio : Dolby 2.0 mono

Langues : anglais
Sous-titres : français

Bonus :
- “Le carnet noir”, par Jean-Claude Missiaen
- Bandes-annonces de l'éditeur
- Diaporama de photos



Cette curiosité (à plus d’un titre) était, malgré la célébrité de son réalisateur, inédite à ce jour en France en DVD. Alors, quoi que l’on puisse penser de ce film, remercions Artus de nous permettre de le voir avec des sous-titres français.
Bon, le film accuse son age, mais si ni l’image ni le son ne sont parfaits, aucun défaut majeur n’est à signaler, les sous-titres sont eux très lisibles.



Le plat de résistance des bonus est constitué par un entretien avec Jean-Claude Missiaen (de 23 minutes). Critique de cinéma et réalisateur lui même, Missiaen est aussi un admirateur et un grand connaisseur du travail d’Anthony Mann, auquel il consacra son premier ouvrage, et qui fut son modèle durant sa carrière de cinéaste. Une fois passé le choc esthétique causé par la… coiffure de Jean-Claude Missiaen, on l’écoutera avec plaisir parler du film, de l’accueil plutôt froid qu’il reçut de la part de la critique française (tu m’étonnes), et de la carrière de ses protagonistes.



Bref... un achat conseillé si vous êtes un inconditionnel d’Anthony Mann, ou un admirateur d’ Arlene Dahl (ce qui peut se comprendre). Les aristocrates à la lanterne !
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Dernière édition par sigtuna le Ven Mar 09, 2012 9:53 pm; édité 1 fois
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flint
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MessagePosté le: Ven Mar 09, 2012 7:27 pm    Sujet du message: Répondre en citant

"Le livre noir" : le film qui a fait disjoncter Sigtuna ! frank_PDT_10

C'est sûr que la véracité historique n'a jamais été le point fort des Américains. Un film à ne pas montrer à Alain Decaux, il en ferait une crise cardiaque ! ico_mrgreen
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Bigbonn
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MessagePosté le: Ven Mar 09, 2012 8:33 pm    Sujet du message: Répondre en citant

la vérité historique et la vérité cinématographique ne sont pas toujours très proches mais là, visiblement, c'est le pompon! frank_PDT_10
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sigtuna
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MessagePosté le: Sam Mar 10, 2012 12:30 pm    Sujet du message: Répondre en citant

flint a écrit:
C'est sûr que la véracité historique n'a jamais été le point fort des Américains.
Il me semble qu'ils sont plus respectueux de leur (très courte) histoire. new_diable
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flint
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MessagePosté le: Dim Avr 01, 2012 9:50 am    Sujet du message: Répondre en citant

Eh bien, je rejoins complètement les propos de Sigtuna sur ce film plutôt "autre". frank_PDT_10
On a l'impression de voir un mélange de polar noir et de film d'espionnage dans un contexte de révolution française "folklorique", dans lequel les figures marquantes (Robespierre, Saint-Just, Fouché) feraient figure de mafieux ou de pirates sans foi ni loi. C'est assez déstabilisant, on peut le dire, avec en prime Arlene Dahl qui compose une sorte de Mata-Hari avant l'heure.
Dans ce grand n'importe quoi, on retiendra effectivement une très belle photographie, notamment pour les extérieurs filmés de loin en clair-obscur.
A part cela, le héros a rendez-vous dans une taverne ayant pour nom "L'auberge des morts-vivants" ! Coup de chapeau également au repaire de Robespierre sous la boulangerie, qui fait office de salle de torture/armurerie/bureau avec passage secret. N'importe quoi ! ico_mrgreen
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