sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Lun Mar 10, 2014 10:11 pm Sujet du message: [M] [Critique] Le temps des vautours |
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Le temps des vautours (10 000 dollari per un massacro)
Italie - 1967
Réalisation : Romolo Guerrieri
Avec : Gianni Garko, Claudio Camaso, Fernando Sancho, Loredana Nusciak, Adriana Ambesi, Pinuccio Ardia...
Genre : Western spaghetti
Aka : Guns of Violence


Dans une région désertique et néanmoins côtière, frontalière entre le Mexique et les États-Unis, l'implacable Django (Gianni Garko sous le pseudonyme de Gary Hudson) exerce la riante profession de chasseur de primes (il n'y a pas de sots métiers). Dans les environs ou peu s'en faut, et du côté mexicain de la frontière, le bandidos Manuel, par vengeance, met à feu et à sang le ranch du riche Mendoza et enlève sa fille unique la belle Dolores, sans doute pour lui faire subir les pires outrages (même si le mascara équivoque qui entoure ses yeux laisse planer le doute quant à son orientation sexuelle). Le père de Dolores se précipite donc auprès de Django, pour lui demander de retrouver le malandrin et de ramener sa fille en lui promettant de doubler la prime (pour l'heure de 3 000 dollars). Mais Django refuse, car il a pour règle de ne pas se déranger pour moins de 10 000 dollars...


Voilà un film sur lequel votre serviteur a bien du mal à émettre un avis. Non pas que le film soit mauvais, il se laisse regarder sans ennui mais sans enthousiasme aussi. Son principal défaut étant son manque d'originalité qui donne une pesante impression de "déjà vu", parfois en mieux, parfois en moins bien. Alors certes, c'est le propre des films de genre d'emprunter des sentiers balisés et codifiés mais ici l'impression de "déjà vu" est d'autant plus flagrante que le présent métrage s'inspire très fortement d'un de ses glorieux aînés. Et si le héros se prénomme Django (ça ne mange pas de pain), ce n'est pas, malgré la présence de Loredana Nusciak, du coté du film homonyme de Sergio Corbucci qu'il faut chercher mais bien de Et pour quelques dollars de plus dont le Le temps des vautours est à bien des égards un "rip-off". Et sans être un thuriféraire de l'œuvre de Sergio Leone, il faut bien reconnaître que la comparaison est cruelle pour le présent film. Le pire étant la prestation de Claudio Camasso dans un rôle équivalent à celui de son illustre frère (Gian Maria Volontè), le pauvre n'étant pas aidé par un maquillage discutable qui souligne ses traits plus mous et plus juvéniles ; et malgré une indéniable ressemblance physique on a surtout l'impression de voir un mix improbable entre Régis Laspalès et un travelo brésilien singeant le jeu de Volontè dans Et pour quelques dollars de plus.


Si on s'en tient strictement au scénario, il faut reconnaître que les points de différences (assez nombreux soyons juste) avec son illustre modèle ne fonctionnent pas. Pourquoi diable, par exemple, le héros et son adversaire cherchent la confrontation tout en évitant à tout prix l'affrontement, alors que par ailleurs rien dans leurs "psychologies" et leurs comportements réciproques ne semble justifier qu'ils puissent éprouver un quelconque intérêt (sans même parler d'estime) mutuel. L'une des explications, que l'on peut lire ici ou là, serait que Django et Manuel éprouveraient une attirance homosexuelle latente partagée. Mouais, le problème est que, hormis le maquillage pas très réussi du pauvre Camasso (avec son mascara autour des yeux), rien ne vient étayer cette supposition. Non, en fait le script a tout simplement des trous d'air, et si on évite l'affrontement à chacune de leurs confrontations c'est plutôt parce qu'il faut tenir la distance (et donc les 90 minutes réglementaires) jusqu'au dernier tiers du métrage où, enfin, Django fait ce que l'on attend de lui depuis le début et, enfin, le film décolle. Certes, ce dernier tiers n'est pas plus original que le reste du film avec son passage sadomasochiste obligé, pour justifier l'implacabilité de sa vengeance et son affrontement final entre le héros et la bande du "méchant" dans un village désert, mais c'est plutôt bien fait et la réalisation de Guerrieri qui, jusque là, se contentait de respecter le cahier des charges (hormis dans le prologue) spécifique aux spagh', avec son quota d'ultra gros plans et d'angles biscornus, paraît plus inspiré.


Mais l'intérêt principal du Temps des vautours, c'est la prestation remarquable de Gianni Garko, beaucoup moins monolithique que ce que l'on voit d'habitude pour ce genre de rôle. Si Garko est moins charismatique qu'un Eastwood (encore que), il a incontestablement une palette de jeu beaucoup plus étendue, et soutient largement la comparaison avec un Franco Nero par exemple. Comme le dira par euphémisme Guerrieri, le jeu "halluciné" de Camasso fait briller par contraste celui tout en sobriété de Garko. Dans les seconds rôles, Loredana Nusciak n'a pas grand-chose à faire (si ce n'est un beau cadavre) et Fernando Sancho exécute son numéro habituel et déjà mille fois vu (mais reconnaissons qu'il le fait bien). "Le temps des vautours" est aussi le premier spagh' avec une scène sur le bord de mer (jolie mais totalement inutile) et le premier où l'on voit pleurer un héros, trop peu et trop accessoire pour faire de lui un film novateur ou même seulement original. Notons que la musique est signée Nora Orlandi, une des très rares compositeurs femme du cinéma italien (et même mondial). Romolo Guerrieri, qui brillera surtout dans les poliziescos (Jeunes, désespérés, violents et La police au service du citoyen), signe ici son troisième et dernier spagh'. Guerrieri est l'oncle d'Enzo G. Castellari (dans la famille, les cadets prennent pour pseudo le nom de leur mère) et donc le frère de Marino Girolami qui fut à sa manière un pionnier du western italien en signant dès 1964 I magnifici brutos del West et qui en cette même année 1967 où sortit sur les écrans Le temps des vautours fit connaitre aux inénarrables Franco et Ciccio les joies du stetson avec Due rrringos nel Texas. _________________

Dernière édition par sigtuna le Mar Mar 11, 2014 7:40 am; édité 2 fois |
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sigtuna Super héros Toxic


Inscrit le: 08 Jan 2010 Messages: 3818
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Posté le: Lun Mar 10, 2014 10:15 pm Sujet du message: |
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Fiche DVD
Le temps des vautours - Artus Films
Région : Zone 2 PAL
Editeur : Artus Films
Pays : France
Sortie film en Italie : 3 Mars 1967
Sortie DVD France : 4 mars 2014
Durée : 93 minutes
Image : Cinémascope 2.35 original respecté - 16/9ème compatible 4/3
Audio : Français Dolby Digital Mono, Italien Dolby Digital Mono
Langues : italien, français
Sous-titres : français
Bonus :
- 10 000 dollars pour Django, par Curd Ridel – 24'
- Les larmes de Django. Entretiens avec Romolo Guerrieri et Gianni Garko – 22'
- Diaporama d'affiches et photos
- Bande-annonce

Commentaire : Ce film était à ce jour inédit en VF en DVD ; remercions donc Artus pour cette sortie. Techniquement : pas de défauts majeurs à signaler, que ce soit au niveau du son ou de l'image, tout à fait propre avec une très bonne restitution des couleurs et contrastes comme dirait mon camarade Flint. Pour continuer dans la citation de mon excellent collègue : "un mot sur la jaquette qui, comme souvent chez l'éditeur, reste fidèle à l'affiche d'exploitation française d'époque, ce qui est toujours apprécié des cinéphiles."

Dans les bonus, nous avons l'habituel entretien avec Curd Ridel, l'immortel dessinateur des "Pétanqueurs" (la BD préférée du chien de ma voisine) qui, fine mouche, a bien décelé la filiation avec "Et pour quelques dollars de plus".
Mais surtout, saluons l'effort d'Artus qui a, non pas racheté les droits d'un documentaire existant, mais spécialement produit (grâce à une "taylorisation" des bonus de la fournée de westerns) pour l'occasion un entretien avec les protagonistes principaux du film, à savoir le réalisateur, Romolo Guerrieri, et l'interprète de Django, Gianni Garko. On retiendra, outre la classe naturelle des deux intervenants, l'extrême professionnalisme dont a toujours fait preuve Garko dans son métier d'acteur et l'assez faible estime qu'éprouve Guerrieri pour le western italien, même s'il est trop bien éduqué pour le dire ouvertement, genre qui ne fut qu'une étape dans sa carrière.

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