flint Super héros Toxic


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Posté le: Dim Mar 22, 2015 1:27 pm Sujet du message: [M] [Critique] L'espion qui venait du surgelé |
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L'espion qui venait du surgelé
Titre original : Le spie vengono dal semifreddo
Genre : Comédie
Année : 1966
Pays d'origine : Italie/Etats-Unis
Réalisateur : Mario Bava
Casting : Vincent Price, Franco Franchi, Ciccio Ingrassia, Francesco Mulé, Fabian, Laura Antonelli...
Aka : Dr Goldfoot and the Sex Bombs/Il clan dei due mafiosi/Dr Goldfoot and the Girl Bombs
Alors qu'on le croyait mort, le Dr Goldfoot prépare en secret une alliance avec les Chinois pour gouverner le monde. Dans son laboratoire situé sous sa villa, il crée des femmes-robots chargées de séduire un certain nombre de généraux de l'OTAN. Les robots explosent dès que leur victime les embrassent.
La disparition de hauts gradés dans des circonstances similaires inquiètent les services secrets qui confient à leur agent Bill Dexter le soin de mener l'enquête.
Pendant ce temps, Goldfoot s'apprête à éliminer un autre général avec lequel il entretient une troublante ressemblance, afin de prendre sa place. Son but est de s'infiltrer à l'OTAN et d'intensifier le conflit entre les Etats-Unis et l'U.R.S.S. en pleine guerre froide. En éliminant les deux superpuissances, Goldfoot aura le champ libre pour être le maître de la planète. Mais c'est sans compter sur la ténacité de Bill Dexter, flanqué de deux portiers d'un hôtel de luxe apprentis espions, qui vont mettre à mal les projets du savant mégalomane.
Un an après « Dr Goldfoot and the Bikini Machine », réalisé par Norman Taurog, les producteurs James H. Nicholson et Samuel Z. Arkoff (co-fondateurs d'American International Pictures) envisagent de tourner une séquelle à ce film qui, s'il n'a que moyennement marché aux U.S.A., a été un gros succès en Italie. D'où l'idée de confier la suite des aventures du Dr Goldfoot à un réalisateur italien. Ce rôle est confié à Mario Bava, dont certains de ses films avaient été rachetés par l'A.I.P. pour être exploités aux Etats-Unis.
« Dr Goldfoot and the Girl Bombs » va donc être filmé en Italie, avec Vincent Price en tant que vedette américaine, et Franco & Ciccio alors très populaires dans leur pays. Un choc de cultures, si l'on peut dire, qui ne va pas manquer de créer nombre de problèmes durant le tournage, les caractères de chacun étant très opposés. Il en résultera que la version exploitée aux U.S.A. présentera de grandes différences avec le montage original italien, qui avait supprimé plusieurs scènes de Vincent Price afin de le reléguer à un second rôle, au bénéfice de Franco Franchi et Ciccio Ingrassia.
Il va sans dire que l'acteur légendaire américain et les deux humoristes italiens n'ont absolument rien en commun, si ce n'est qu'ils font du cinéma. A l'écran, la différence de style est flagrante, avec un Price cabotinant autant, sinon plus, que dans le premier volet, mais toujours avec une certaine retenue et beaucoup de classe ; et de l'autre un tandem incontrôlable, héritier du burlesque, dans lequel Ciccio joue toutefois la carte de la sobriété mais où Franco met les bouchées doubles, accumulant grimaces et pitreries pour un résultat oscillant constamment entre l'excellence et le pitoyable.
Au final, « L'espion qui venait du surgelé » est un film bancal, une suite de sketchs inégaux reliés par le mince fil rouge servant d'intrigue et dans lequel personne ne sort vainqueur, pas plus les acteurs que le metteur en scène, à tel point que l'on peut qualifier ce film comme l'un des pires de son auteur. Pour couronner le tout, Mario Bava s'offre un caméo dans la scène la plus inutile et la moins drôle du film, celle de la poursuite au Luna Park, où il s'essaye également à l'humour slapstick, mais de manière désastreuse.
Cela étant, « Dr Goldfoot and the Girl Bombs » n'est pas un ratage total. Mais dans la mesure où l’œuvre se présente comme une suite de scénettes, l'ensemble manque d'homogénéité, forcément. Le comique de situation passe d'une extrême à l'autre selon si c'est Vincent Price qui est concerné ou Franco & Ciccio, et l'on sent que l'acteur américain n'est pas du tout complice avec le duo italien, et inversement. Concernant les seconds rôles, La belle Laura Antonelli est encore une débutante mais déploie déjà tout son charme, alors que le chanteur Fabian (Fabiano Anthony Forte) poursuit en parallèle une carrière d'acteur. Vu l'année précédente dans « Les dix petits indiens » de George Pollock, on le remarquera par la suite dans « The Devil's 8 » et « Kiss Daddy Goodbye ». A noter que Moa Tahi et George Wang, qui interprètent les fidèles lieutenants de Goldfoot, ont joué tous deux dans divers longs métrages d'Antonio Margheriti, dont « Wild, Wild Planet » pour la première et « Hercule contre Karaté » pour le second. Moa Tahi figurait également parmi les modèles de « Vierges pour le bourreau » de Massimo Pupillo, c'était elle qui mourait empoisonnée dans la toile d'araignée géante.
Comme chacun l'aura remarqué, le titre français de ce second opus est un clin d’œil à « L'Espion qui venait du froid », roman de John le Carré publié en 1963 et adapté au cinéma en 1965. Goldfoot a une assistante nommée Hardjob, allusion évidente à Oddjob dans « Godlfinger ». Lorsque les héros se retrouvent dans une montgolfière, à la poursuite de Goldfoot, ils voient un pigeon se poser sur la nacelle tandis qu'un orage éclate. La foudre s'abat alors sur le malheureux volatile, tout cela pour faire dire à Franco que c'est la mort d'un pigeon voyageur.
Cette réplique, allusion tirée par les cheveux à « Mort d'un commis voyageur » d'Arthur Miller, a été supprimée dans le montage américain mais pas le passage du pigeon, ce qui rend la scène encore plus absconse.
Enfin, lorsqu'à la fin du film, Franco & Ciccio se retrouvent largués au-dessus de la Sibérie sur une bombe atomique qu'ils essayaient de désamorcer, on pense bien sûr au final du « Docteur Folamour » de Stanley Kubrick, sorti en 1964.
Avec ses jeux de mots, mais surtout ses gags visuels, « L'espion qui venait du surgelé » rappelle (essentiellement dans son montage italien) les films muets avec gags appuyés et scènes en accéléré, Franco Franchi offrant une palette complète de grimaces et singeries en tous genres. Mais malgré le talent indéniable de Mario Bava derrière la caméra, la sauce a du mal à prendre et le résultat s'avère être loin des espérances du spectateur. Parfois, les gags font mouche, mais souvent ils tombent à plat. Dans l'ensemble, on peut regretter que « L'espion qui venait du surgelé » ait raté son objectif, celui d'une bonne comédie, là où « Dr Golfoot and the Bikini Machine » avait réussi.
Fiche dvd -
L'espion qui venait du surgelé – Artus Films
Région : Zone 2 PAL
Editeur : Artus Films
Pays : France
Sortie film : 29 juillet 1966 (Italie)
Sortie dvd : 7 avril 2015
Durée : 83'21 (montage italien), 78'17 (montage américain)
Image : 1.85:1
Audio : Dolby Digital 2.0
Langues : anglais, italien, français
Sous-titres : français (optionnels)
Bonus :
- « Dr Goldfoot et les filles explosives », par Eric Peretti
- Générique américain alternatif
- Diaporama d'affiches et photos
- Film-annonce (bandes-annonces de la collection Ciné Fumetti)
Commentaire : Que ce soit au niveau du contenant comme du contenu, cette sortie française de « Le spie vengono dal semifreddo » est une incontestable réussite. Présenté sous la forme d'un digipack agrémenté d'une belle iconographie, « L'espion qui venait du surgelé » propose deux dvd distincts : l'un avec le montage italien, l'autre avec le montage américain. Autant dire que l'édition d'Artus Films supplante en qualité les précédentes éditions, à savoir l'italienne de Iif Home Video (2005), et celles américaines de MGM (2008 et 2012).
Ce film de Mario Bava a connu à l'époque une sortie dans les salles de cinéma françaises pour le moins confidentielle, réduite à quelques villes de province. En vidéo, il ne fut jamais édité, et il faudra attendre août 2006 pour le voir à la TV sur Canal +, grâce encore une fois à Jean-Pierre Dionnet lors d'un cycle intitulé « Les films idiots ».
La version française de « L'espion qui venait du surgelé » existe donc bel et bien, Artus Films en apporte la preuve… doublement. En effet, l'éditeur propose sur le montage américain (celui qui fut distribué chez nous) le choix entre deux pistes françaises. La raison en est la suivante : chacune d'entre elles présente quelques différences. La plus notable concerne le doublage de Vincent Price, qui n'est pas le même sur les deux versions. A chacun de choisir la voix française qui lui semble la plus appropriée, sachant que l'une des deux colle mieux à la personnalité de l'acteur. La seconde différence se situe au niveau des dialogues, qui peuvent subir quelques modifications. L'exemple le plus frappant est celui de la scène dans laquelle Franco et Ciccio ont ligoté Bill Dexter dans les toilettes du Hilton (aux alentours de la 15e minute). Bâillonné, l'agent secret traite de crétin ses deux comparses lui retirant le bâillon dans l'une des versions, alors qu'il profère plusieurs injures dans l'autre.
Mais les différences les plus nombreuses se trouvent au niveau des deux montages, italien et américain. En proposant ces deux, Artus Films nous permet de visionner quasiment deux films dissemblables. Cela concerne bien des points, depuis le générique d'ouverture jusqu'à la bande originale, l'ordre de certaines scènes et la suppression ou le rajout de plusieurs d'entre elles selon les versions.
Le générique italien s'ouvre sur les personnages de Franco et Ciccio admirant une « Girl Bomb » géante, alors que le générique américain est concentré sur le personnage du Dr Goldfoot avec des extraits du premier opus réalisé par Norman Taurog. La partition musicale est due à Lallo Gori (« Les faux jetons », « 002 operazione Luna », « Le temps du massacre », « Karzan », « Caresses à domicile ») pour le montage initial italien, et à Les Baxter (« La chute de la maison Usher », « La chambre des tortures », « Le corbeau », « Dr Goldfoot and the Bikini Machine », « Dunwich Horror ») pour le montage américain remonté par l'A.I.P. pour son exploitation sur le territoire américain.
C'est pour cette raison que vous ne verrez pas sur celui-ci bon nombre de passages mettant en lice Franco & Ciccio. Les scènes en accéléré de bagarres et de poursuites ont été en grande partie supprimées, au même titre que plusieurs gags du tandem : Franco déguisé et imitant la poule, le gag récurrent des piranhas dans la villa de Goldfoot, les pitreries genre farces et attrapes (la fleur aspergeant, la fausse main), les courses à l'armurerie ou encore le duplicata de Ciccio. La liste pourrait être encore plus longue, sachant que plusieurs scènes non supprimées présentent également des différences, pouvant être soit raccourcies, soit rallongées. Le montage italien, au contraire, réduit considérablement l'importance du Dr Goldfoot, mais également celui de Rosanna (Laura Antonelli), puisque la scène où le duplicata de Rosanna séduit Dexter pour le détruire a été supprimée.
Un large choix s'offre donc aux détenteurs de ce double dvd : visionner les deux montages, préférer l'un ou l'autre selon que vous êtes fan de Vincent Price ou de Franco & Ciccio (difficile d'apprécier les deux, mais sait-on jamais…), voire regarder les deux versions françaises si vous êtes particulièrement perfectionniste.
Sachant que les versions américaine et italienne sont proposées dans leur format d'origine en 1.85 avec une image et un son de très bonne qualité, le plaisir n'en est que plus grand. N'oublions pas le principal bonus, dans lequel Eric Peretti revient sur les nombreuses péripéties intervenues avant, pendant et après le tournage, et où notre cinéphile érudit évoque l'importance de l'agent et producteur Fulvio Lucisano pour concrétiser ce projet. Eric Peretti émaille son intervention de plusieurs anecdotes intéressantes, notamment les rapports tendus durant le tournage entre Vincent Price et Franco Franchi, ainsi qu'entre Fabian et Mario Bava, sans oublier les caprices de star de Laura Antonelli alors qu'elle n'était encore qu'une débutante quasi-inconnue.
En résumé, cette nouvelle sortie d'Artus n'est pas seulement recommandable, elle s'avère indispensable même si le film, en lui-même, n'est pas une réussite.
Note : 10/10
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