flint Super héros Toxic
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Posté le: Sam Oct 03, 2015 1:14 pm Sujet du message: [M] [Critique] Jean Rollin, le rêveur égaré |
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Jean Rollin, le rêveur égaré
Genre : Documentaire
Année : 2011
Pays d'origine : France
Réalisateurs : Damien Dupont & Yvan Pierre-Kaiser
Casting : Jean Rollin, Jean-Pierre Bouyxou, Natalie Perrey, Jean-Loup Philippe, Brigitte Lahaie, Philippe Druillet, Pascal Françaix, Ovidie, Caroline Vié, Pete Tombs...
Aka : Jean Rollin : The Stray Dreamer
Nul n'est prophète en son pays… Voilà une expression qui résume assez bien la carrière de Jean Rollin, dont le talent fut plus souvent reconnu à l'étranger qu'en France. Apprécié, voire adulé par certains, détesté ou au mieux moqué par d'autres, le réalisateur laisse derrière lui une œuvre profondément atypique qui démarra véritablement durant les événements de mai 1968 (fallait-il y voir un signe ?).
C'est à la suite d'une rencontre avec Jean Rollin que deux jeunes gens, Damien Dupont et Yvan Pierre-Kaiser, ont décidé de réaliser un documentaire sur cet homme au parcours à la fois riche et tourmenté. Un documentaire qui se voulait un hommage de son vivant mais qui sera finalement posthume, Jean Rollin nous ayant quitté le 15 décembre 2010, alors que le documentaire était en phase de montage. Celui-ci, « Jean Rollin, le rêveur égaré », sortira en avant-première mondiale en 2011 lors du Festival Fantasia de Montréal. Par la suite, il sera projeté en France (L’Étrange Festival, Le Festival des Maudits Films), en Suède ainsi qu'en Allemagne.
Il a fallu presque cinq années au duo Dupont/Pierre-Kaiser pour finaliser ce documentaire, au cours desquelles ils ont rencontré et interviewé des personnes qui furent très proches du cinéaste (Jean-Pierre Bouyxou, Natalie Perrey et Jean-Loup Philippe), d'autres qui le connaissaient assez bien (Brigitte Lahaie, Philippe Druillet, Ovidie) ou d'autres encore qui, de par leur profession, aimaient profondément le travail de Jean Rollin de même que le personnage (Pete Tombs, qui lui consacra une quarantaine de pages dans son excellent ouvrage « Immoral Tales » paru en 1995, Caroline Vié, écrivain et journaliste de cinéma, et Pascal Françaix, écrivain spécialisé dans la littérature fantastique).
Les différents témoignages recueillis permettent de cerner la personnalité de Jean Rollin et de mieux appréhender son œuvre. Loin d'être un faiseur de films médiocres et incompréhensibles, l'homme possédait une solide culture héritée de son entourage proche : sa mère, modèle pour peintres, fut la compagne de Georges Bataille. Jean Rollin aura baigné dès son plus jeune âge dans le monde artistique. Bunuel et Cocteau ont fait de lui un cinéphile, Gaston Leroux sera pour lui une source d'inspiration intarissable. Les dialogues de « L'itinéraire marin », son premier long métrage dont l'unique copie sera brûlée par erreur par le laboratoire qui la conservait, étaient signés par Marguerite Duras.
Depuis « Le viol du vampire » en 1968 jusqu'au « Masque de la Méduse » en 2010, Damien Dupont et Yvan Pierre-Kaiser évoquent le long parcours semé d'embûches de Jean Rollin cinéaste mais également écrivain. Le documentaire s'attarde plus longuement sur ses films de vampires, de même que « La rose de fer » et « La nuit des horloges », son film testament ; il évoque aussi ses films pornographiques tournés avec son complice et ami Jean-Pierre Bouyxou durant l'âge d'or du X, ainsi que d'autres longs métrages emblématiques dont font partie « Lèvres de sang », « Les raisins de la mort » et « Les Démoniaques ». Cependant, d'autres œuvres comme « Fascination » ou « La nuit des traquées » sont à peine survolées et certaines non évoquées . Parmi ces dernières, on peut aisément le comprendre en ce qui concerne « Les trottoirs de Bangkok » et « Killing Car », films moins emblématiques de leur auteur, mais par contre on peut regretter que « Les paumées du petit matin » et « La morte vivante », deux films importants dans la carrière de Jean Rollin, aient été occultés.
Néanmoins, il faut reconnaître qu'il était difficile, sinon impossible, d'évoquer l'intégralité des films du réalisateur en seulement 80 minutes. Cela aurait été au détriment des témoignages des divers intervenants, et c'eût été dommage tant ces derniers évoquent leurs souvenirs ou leurs sentiments à propos du cinéaste avec une émotion de tous les instants. Il en ressort un mélange de respect et de passion pour un homme qui n'aura jamais cessé de faire ce qu'il aimait (et voulait faire partager), malgré tous les obstacles rencontrés, depuis l'hostilité d'une majorité du public et des journalistes, jusqu'à la maladie qui le rongera petit à petit.
En cela, « Jean Rollin, le rêveur égaré » constitue un très bel hommage qui avec le temps, ne devrait perdre ni de son charme, ni de son éclat, tout comme le presbytère et le jardin du Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, si cher au réalisateur.
Fiche dvd -
Jean Rollin, le rêveur égaré – The Ecstasy of Films[/b]
Région : Zone All PAL
Editeur : The Ecstasy of Films
Pays : France
Sortie film : 4 septembre 2011
Sortie dvd : 11 septembre 2015
Durée : 77'46
Image : 16/9e compatible 4/3 – DV-Cam
Audio : Stéréo
Langue : français
Sous-titres : anglais (optionnels)
Bonus :
- Pourville, la plage de Jean Rollin (7'51)
- Souvenirs de Natalie Perrey (9'40)
- Histoires de fantômes (6'23)
- Rencontre avec Philippe D'Aram (13'00)
- Égaré parmi les tombes (15'27)
- Rencontre entre Jean Rollin et Jean-Pierre Bouyxou à la boutique Hors-Circuits – 4 juillet 2007 (39'43)
- Bande-annonce (3')
- Fac-similé du fanzine Fantasticorama n°4
Commentaire : Alors que la sortie très limitée du dernier film de Jean Rollin, « Le masque de la Méduse » (150 dvd édités uniquement avec l'ouvrage « Écrits complets, Volume 1») avait pu décevoir les fans de Jean Rollin, celle du documentaire « Jean Rollin, le rêveur égaré » va au contraire les satisfaire, grâce au travail encore une fois sérieux effectué par The Ecstasy of Films.
Là où LCJ avait bâclé sa collection consacrée au metteur en scène français, The Ecstasy of Films propose en complément du documentaire plus d'une heure et demie de suppléments présentant tous un grand intérêt (en dehors de la traditionnelle bande-annonce).
Nous avons le plaisir de retrouver Jean Rollin (fatigué, certes, mais toujours enthousiaste et disponible) dans quatre des six modules proposés. Pourville est consacré à l'un des paysages les plus représentatifs du cinéma de Rollin, cette plage insolite surplombée d'une falaise crayeuse qui fut pour le réalisateur une constante source d'inspiration. Dans Histoires de fantômes, le cinéaste évoque des phénomènes surnaturels s'étant déroulés sur les tournages de deux de ses films, « Le frisson des vampires » et « Les Démoniaques ». Égaré parmi les tombes est l'occasion pour Jean Rollin de retourner dans un autre lieu qu'il affectionne, le cimetière du Père Lachaise, qui servit de cadre pour « Les deux orphelines vampires » et « La nuit des horloges ». Enfin, la rencontre du réalisateur avec Jean-Pierre Bouyxou dans la boutique Hors-Circuits, animée par Stéphane du Mesnildot (journaliste aux Cahiers du cinéma) est l'occasion de réhabiliter l’œuvre de Jean Rollin et de voir à quel point lui et Bouyxou partageaient une passion non seulement pour le 7ème Art mais aussi pour la littérature, le surréalisme ou encore le Grand Guignol.
A noter, la présence ce jour là dans l'assistance de Jean-Pierre Bastid, autre trublion du cinéma français.
Les deux derniers modules sont consacrés pour l'un à Natalie Perrey (décédée le 25 mars 2012), qui fut très proche du cinéaste, et travailla en tant que scripte, assistante-réalisateur, costumière et actrice ; pour l'autre à Philippe D'Aram, compositeur de musiques de films qui travailla sur six des long métrages de Jean Rollin ainsi que sur ce documentaire.
Enfin, le dvd est accompagné d'un fac-similé du fanzine Fantasticorama, un extrait du n°4 dans lequel Jérome Pottier avait rencontré Jean Rollin et réalisé une très belle interview. Jérome Pottier a créé voici quelques années Les Films de la Gorgone et anime également une émission de radio hebdomadaire, Culture Prohibée. Un dernier mot sur la jaquette, réversible, dont celle au recto a été conçue par le talentueux Grégory Lê, illustrateur et graphiste dont on peut voir les travaux sur son site gengiskhan-artwork.
En résumé, cette édition du documentaire « Jean Rollin, le rêveur égaré » paraît indispensable à tous ceux qui aiment le réalisateur, et peut être l'outil idéal pour tous ceux qui voudraient découvrir cet homme qui fut l'un des rares cinéastes français à œuvrer dans le fantastique avec une touche de poésie à la fois naïve et charmante.
Note : 9/10
(Autres captures à suivre...) |
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