flint Super héros Toxic


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Posté le: Mar Oct 11, 2016 10:16 am Sujet du message: [M] [Critique] Le monstre ressuscité |
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Le monstre ressuscité
Titre original : El monstruo resucitado
Genre : Horreur, Fantastique, Gothique
Année : 1953
Pays d'origine : Mexique
Réalisateur : Chano Urueta
Casting : Miroslava Sternova, José Maria Linares-Rivas, Carlos Navarro, Fernando Wagner, Alberto Mariscal...
Aka : Doctor Crimen/Il mostruoso dottor Crimen/The Revived Monster
Chano Urueta (1904-1979) compte parmi les réalisateurs mexicains ayant connu une carrière prolifique. On lui doit une bonne centaine de films sur plus de quarante ans. S'il a abordé bien des genres, une frange du public le connaît (et l'apprécie) essentiellement pour ses films à caractère fantastique. Et s'il n'a pas été le premier cinéaste mexicain à tourner un film d'horreur (ce fut Juan Bustillo Oro en 1934, avec « El fantasma del convento »), Urueta fut néanmoins fondateur à sa manière du courant horrifique qui allait suivre dans son pays avec la sortie de « El monstruo resucitado ». On est alors en 1953, et quelques années plus tard le Mexique allait connaître un âge d'or avec en tout premier lieu des œuvres comme « Le monstre sans visage » (1956) et « Les proies du vampire »(1957), tous deux mis en scène par Fernando Méndez. Outre ce dernier et Urueta, les principaux cinéastes à se jeter dans la brèche ouverte par Urueta auront pour nom Rafael Baledon, Alfonso Corona Blake, René Cardona, Carlos Enrique Taboada ou encore Alfredo B. Crevenna.
En voyant « Le monstre ressuscité », on se rend compte à quel point le metteur en scène a su puiser avec intelligence tant dans le cinéma de la firme Universal que dans les contes et romans populaires.
L'intrigue est basée sur la rencontre d'une journaliste, Nora, avec un étrange personnage vivant reclus dans une propriété surplombant les falaises et jouxtant un cimetière (ambiance gothique garantie). Scientifique remarquable, brillant chirurgien et mélomane accompli, Hermann Ling est affecté par une terrible malformation. Son visage horriblement déformé fait de lui un monstre, le privant ainsi de cette chose merveilleuse qu'est l'amour.
Lorsqu'il aperçoit Lena, Ling est subjugué par sa beauté. Et lorsque cette dernière ne redoute pas de voir son visage, il en tombe éperdument amoureux. Mais il ignore à ce moment que la jeune femme pense avant tout à sa carrière, et croit tenir là le scoop de sa vie. Quand Ling apprend les desseins véritables de Lena, il n'a plus d'autre désir que la vengeance.
Lena, d'une certaine manière, est un patchwork de Belle, Esmeralda et Christine Daaé ; Hermann Ling étant quant à lui la Bête, Quasimodo ou Erik, le fantôme de l'opéra. Chano Urueta s'inspire aussi du « Frankenstein » de James Whale, en ayant l'audace de fusionner le scientifique et le monstre en une seule et même personne.
Dans sa quête de vengeance, Ling va transférer l'énergie vitale d'une créature mi-homme mi-bête, qu'il gardait prisonnière dans une cage, dans le corps d'un homme fraîchement décédé. Une fois ramené à la vie, le savant va le contrôler par la pensée ; l'homme devenu zombie aura pour mission de tuer la journaliste ayant eu l'affront de trahir la confiance d'Hermann Ling.
Ce premier film fantastique de Chano Urueta est une réussite. « Le monstre ressuscité » bénéficie d'un scénario efficace, d'une réalisation sans temps morts, et d'une musique collant parfaitement à l'ambiance, que l'on doit à un compositeur expérimenté, Raul Lavista (« The Beast of Hollow Mountain », « L'incroyable Professeur Zovek », « Mas negro que la noche »). Rajoutons à cela une magnifique photographie, signée Victor Herrera, lui aussi un spécialiste dans le genre puisqu'il officiera dans ce même registre pour « Le monstre sans visage », « Les proies du vampire », « Les mystères d'outre-tombe » et « Le cri de la mort » (ces trois derniers ayant été édités par Bach Films). Enfin, le producteur n'est autre qu'Abel Salazar, sosie de Dany Brillant, qui fut également acteur dans bon nombre de films d'horreur de cette époque (« Les proies du vampire » encore, « Le baron de la terreur », « Les larmes de la sorcière »).
Le casting, à présent. Le seul rôle féminin, celui de Nora, fut confié à une actrice tchécoslovaque, Miroslava Sternova. Sa beauté slave fait merveille, et elle aurait pu rester longtemps sous le feu des projecteurs si elle n'avait pas mis fin à ses jours à la suite d'une déception amoureuse. C'est juste après la fin du tournage de « La vie criminelle d'Archibald de la Cruz », de Luis Buñuel (en 1955), que l'actrice se suicida par le poison, l'année de ses trente ans. Le destin tragique de l'actrice fit l'objet d'un film tourné en 1993 (« Miroslava »), avec Arielle Dombasle dans le rôle-titre.
Quant au monstre avide de vengeance, il est interprété par le peu connu José Maria Linares-Rivas, d'origine espagnole. Le casting est d'ailleurs cosmopolite puisqu'on y retrouve l'Allemand Fernando Wagner, vu dans « Tarzan et les sirènes », « Viva Maria !' ainsi que « La horde sauvage ».
Enfin, Alberto Mariscal, qui incarne le serviteur benêt de Hermann Ling, joua notamment dans « Santo contra el rey del crimen » et « Neutron contra el criminal sadico », mais passa aussi à la réalisation, après avoir fait ses armes en tant que co-réalisateur sous la houlette d'Alfredo B. Crevenna.
En résumé, « El monstruo resucitado » peut être considéré comme un classique du film d'horreur. Cette première tentative de Chano Urueta dans le cinéma fantastique fut un coup de maître. Par la suite, le réalisateur se montrera inégal, oscillant entre le très bon (« Le miroir de la sorcière »), le kitsch (« Le baron de la terreur ») et le quelconque (« La tête vivante », « Blue Demon contre le pouvoir satanique »). Mais il nous reste encore tant de films fantastiques mexicains de cette époque à découvrir, qui ne sont jamais sortis dans les pays francophones et anglophones. Nul doute que dans ces œuvres oubliées se cachent bien des joyaux.
Fiche dvd -
Le monstre ressuscité – Bach Films
Région : Zone 2 - PAL
Éditeur : Bach Films
Pays : France
Sortie film : 1953 (Mexique - inédit en France)
Sortie dvd : 15 septembre 2016
Durée : 77'05
Image : 1.33:1 - compatible 16/9
Audio : Mono
Langue : espagnol
Sous-titres : français (forcés)
Bonus :
- Entretien avec Alain Schlockoff (6'14)
- Film-annonce (1'00 - VO)
Commentaire : Que voilà une rareté que tous les fans de cinéma fantastique mexicain rêvaient de voir un jour ! « Le monstre ressuscité » était jusqu'à ce jour inédit dans les pays francophones, n'étant jamais sorti au cinéma, et n'ayant pas plus été édité sur quelque support que ce soit. Les dvd existant jusqu'ici sur le marché officiel étaient rares, et curieusement il semble qu'on n'en trouvait pas de trace dans les pays de souche hispanique. En fait, on recense essentiellement deux sorties : l'une en 2011 chez les Italiens de Sinister Films sous le titre « Il mostruoso Dr. Crimen », l'autre en 2013 chez les Américains de One 7 Movies (ex MYA Communications) sous le titre plus sobre de « Monster ».
Contrairement à la durée de 85 minutes annoncée de manière erronée sur pas mal de sites (IMDB, Wikipedia, entre autres), il semble que la durée exacte de « El monstruo resucitado » soit de 80 minutes (format NTSC). C'est en tout cas la durée du dvd de chez « One 7 Movies », et ce qui explique la durée de l'édition Bach Films, ramenée à 77 minutes au standard PAL.
En ce qui concerne la qualité de l'image et du son, il conviendra de ne pas faire la fine bouche pour une œuvre accusant plus de soixante ans. Le film est par conséquent parsemé de divers défauts (lignes verticales, griffures, scories…), sans que cela nuise pour autant à la vision du film dont les contrastes noir et blanc restent dans l'ensemble de très bonne facture. Le son possède de temps à autres un peu de souffle, mais là encore rien de très grave dans la mesure où la compréhension des dialogues n'est nullement altérée.
Ce qui est étonnant, par contre, c'est de voir que le film-annonce visible en bonus présente une image quasiment parfaite, comme s'il existait une version restaurée du film de Chano Urueta. Autre élément surprenant, cette bande-annonce d'une minute est présentée dans un format 16/9e qui ampute malheureusement une partie de l'image (voir plus loin). Ces extraits ne proviennent pas des dvd de Sinister Films et One 7 Movies (présentant eux aussi des qualités et des défauts) mais de la chaîne de télévision mexicaine Cine Clasico, spécialisée dans la diffusion de films de souche hispanique des années 1940 à 1960. On peut supposer que la chaîne supervise la restauration des films ensuite diffusés et que peut-être, un jour, ces mêmes films seront édités en support dvd et/ou blu-ray (du moins, on l'espère).
Le bonus principal nous convie à rencontrer Alain Schlockoff, créateur et rédacteur en chef de la revue L’Écran Fantastique. Durant ce bref entretien, notre pionnier du Fantastique évoque ce film emblématique du cinéma d'horreur mexicain, soulignant que les œuvres horrifiques de ce pays connurent rarement le privilège d'être exploitées en France. Il précise à juste titre que Chano Urueta s'est inspiré dans les grandes lignes des classiques de la firme Universal, sans oublier de rendre hommage à la mise en scène particulièrement soignée et au magnifique travail sur la photographie. L'interview s'achève avec un rapide tour d'horizon de la carrière de Chano Urueta.
Présenté dans un classique boitier amaray dont la jaquette reprend l'affiche originale, cette nouvelle sortie de l'éditeur vient compléter à merveille les autres joyaux précédemment sortis, consacrés au cinéma fantastique mexicain des années 1950 à 1970.
Note : 7/10
(Autres captures à suivre...) |
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