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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Mar Mar 13, 2007 11:04 am Sujet du message: [M] [Critique] Navajo Joe |
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Titre : Navajo Joe
Réalisateur : Sergio Corbucci
Année : 1966
Pays : Italie/Espagne
Scénario : Fernando Di Leo
Assistant metteur en scène : Rugero Deodato
Musique : Ennio Morricone
Acteurs : Burt Reynolds, Fernando Rey, Aldo Sambrell, Nicoletta Machiavelli, Tanya Lopert, …
Des bandits mexicains s'en prennent à une tribu Navajo, les exterminant sans préalable. L'un d'eux absent lors des faits est de retour sur les lieux du massacre. Il n'aura alors de cesse à l'esprit que de châtier les coupables...
Après un "Ringo au pistolet d'or" de facture assez médiocre, Sergio Corbucci, avant de tourner ce très distrayant western avait déjà livré l'un des fleurons noirs et décadent du genre, l'incontournable "Django".
Le voici à nouveau aux commande d'un nouveau western, qui, sans atteindre les sommets du film précédent (mais sans démériter pour autant), n'en reste pas moins un spectacle de très bonne facture où l'on retrouve une certaine noirceur et un côté vindicatif propre à son auteur. Corbucci auteur ? bien sur ! Qu'il soit l'un des "bâtards" engendré par l'artiste Leone est un débat qui n'a pas de sens. Les deux cinéastes n'ont finalement pas grand-chose à voir ensemble, quand bien même on parlerait assez souvent des "trois Sergio" (en comptant bien entendu l'excellent Sollima). J'aime beaucoup Sergio Leone, et si celui-ci reste un artiste oeuvrant dans la chanson de geste et la fresque, Corbucci est un artisan, ce qui est loin d'être péjoratif, d'autant que son style n'a strictement rien à voir avec celui de Leone, un style plus âpre et direct. Du reste, jamais Leone, dont le cinéma est pourtant empreint d'une grande mélancolie, n'a atteint la noirceur de certains films de Corbucci.
Bref, passons et revenons-en à ce Navajo Joe échevelé qui va droit au but. On retrouve dans le film toute la dimension sociale du cinéma de Corbucci et tandis que son cinéma populaire s'adressait à l'époque davantage aux classes moyennes voire modestes plutôt qu'à l'intelligentia, ce sont les minorités qu'il met à nouveau ici en scène en 1966. Normal alors que le public d'alors suivit ses films, celui-ci étant à la fois avide d'évasion en même temps qu'en mal d'identification, et ce à quoi on a droit dès lors, ce ne sont pas des histoires de banquiers et autres conquêtes de terres ou constructions ferroviaires, mais d'indiens spoliés de leurs droits, de bandits Mexicains, de notables incapables (et le spectateur pourra reconnaître son banquier), de chasseurs de primes métis en mal d'identité qui se réfugient dans l'appât du gain, devenant des chasseurs de scalps à la solde du gouvernement américain comme à la recherche d'un père et puis aussi et surtout... la vengeance ! Vengeance qui sert ici d'exutoire au public autant qu'à ses personnages et à Corbucci qui n'a semble t-il jamais cru au pacifisme, et ce ma foi pour mon plus grand bonheur.
Quelques mots quand même sur le défaut majeur du film : Burt Reynolds, alors débutant, n'est pas totalement crédible dans le rôle de Navajo Joe qui ne vit donc ici que pour venger sa tribu massacrée, avec des allures de Play-boy machiste bien trop frimeur à mon goût pour le personnage qu'il est sensé défendre. Il semble bien trop sur de son fait, nargue à tout va les renégats mexicains pour mieux les amener vers lui, paré d'un rictus ironique constant, assez agaçant, en plus d'être bien trop loquace pour un héros du genre. On l'aurait aimé un peu plus ténébreux, (voire muet si possible -Trintignant dans "Le grand silence"-), pour y déceler nous-mêmes beaucoup plus de profondeur dans sa propre solitude, de même pour l'esprit vengeresque que cet indien pas très bien campé qui se fend même à certains moments de rhétoriques surlignant ce que dit déjà le film en filigrane.
En témoigne cette scène un peu lourdaude quoique puissante dans laquelle ce dernier arrive dans le saloon, se pointe devant le shérif réclamant son étoile, avant de lui demander : "D'où vient ton grand-père ?" / "Ben, d'ici" lui répond l'homme de loi, "Oui, mais le grand-père de ton grand-père, il vient d'où ?" / "D'Ecosse" lui répond l'homme à l'étoile... là-dessus Navajo Burt avant de lui prendre son insigne et de se l'approprier lui dit : "Le grand-père de mon grand-père de mon grand-père est né ici, cette étoile me revient donc !". Bref, on avait déjà compris le message, inutile de le dialoguer au risque d'alourdir le propos, ce qui est le cas lors de cette scène dispensable mais pourtant paradoxalement pertinente et jouissive. C'est un peu du reste tout le paradoxe corbuccien que d'insister là où ça fait mal. Je ne vais pas m'attarder non plus trop longtemps sur cet infime détail car pour le reste, hormis quelques invraisemblances éparses, c'est un spectacle de haute qualité auquel on a droit.
Les pistolets détonnent comme jamais, les flèches font mal et Corbucci livre certaines scènes d'une violence graphique exemplaire. A cet égard ce cimetière Navajo est somptueux, quand bien même il serait historiquement dicutable. Il convient aussi de rendre hommage à cet excellent acteur qu'est Aldo Sambrell ("Pour une poignée de dollars") qui livre ici une composition presqu'aussi magistrale que Kinski un peu plus tard, en bandit sans aucun état d'âme. Il est vrai qu'il faut être un brin sadique soi-même pour apprécier le personnage, mais j'avoue que le voir scalper une indienne, brandissant fièrement son trophée sanguinolent dès l'entame du film, donne le ton. L'homme rejette son métissage, se rejette lui-même avec haine et nous voici d'entrée plongés du côté le plus obscur de l'être humain. Et à Sergio Corbucci le mérite de ne pas se faire d'illusion. Le bandit tirera à bout portant sur tout ce qui le contrarie un tant soit peu, ami comme ennemi, il n'hésitera pas une seconde pour massacrer une maman berçant son bébé lors d'une attaque de train. L'argent est devenu l'ultime repère, s'est substitué aux valeurs humaines.
Il y a un plan tout à fait remarquable lors d'un duel final formidable, où l'autre personnage sombre du film qui lui ne vit que pour la vengeance, marche sur une liasse de billets en plein cimetière indien sans même y prêter la moindre intention (et qui renvoie à la fois à la scène où Johnny Hallyday brûlait une liasse dans le mineur mais sympathique "Spécialiste" et au personnage de Kinski dans "Le Grand silence" qui n'était mu que par l'argent), signifiant ainsi le plus profond mépris que peut avoir Corbucci pour le monnayable qui ne semble exister que pour scinder l'humanité en deux dans un manichéisme somptueux et réjouissant et faire ainsi ressortir le pire de nous-mêmes. Paradoxe corbuccien à nouveau...
Epatant également comme Corbucci passe de scènes d'actions au montage très serré et au rythme trépidant, gorgeant son film de foisonnantes et furieuses fusillades sans concessions, à des scène beaucoup plus étirées. Je pense là notamment à ces plans presque fantomatiques où Navajo Joe campe tout en haut de sa colline, celui-ci disparaissant alors, deux bandits tentent l'ascension afin de le dézinguer, se séparant alors afin de le prendre en tenaille, le tout filmé en temps réel, on entend alors deux coups de feu, puis un cheval descend alors ramenant les deux bandits transformés en passoires, alors que Navajo Burt revient trôner à la même place qu'auparavant. Quoiqu'un peu abusivement utilisé, d'où un aspect un poil répétitif parfois, c'est un régal.
Un régal aussi que cette fin amère et mélancolique (mais je n'en dirait pas trop) qui laisse penser que Navajo Joe se laisse mourir au sein de son cimetière légitime, son cheval revenant seul au village. Dans pas mal de westerns, on voit le héros partir au loin, souvent à la recherche d'une vie plus paisible, ou suivant la voie d'un destin fait de morts qu'il ne veut pas faire subir aux gens dont il pourrait trop s'attacher. Ici, tandis que son cavalier solitaire semble retrouver son âme agonisant au sein du cimetière Navajo, le cheval partira seul... Magnifique. Un petit mot sur la partition de Morricone : très intéressante, puissante mais un peu envahissante à force de sur-utilisation.
Note : 7/10
Accroche : Le jugement des flêches.
P.S : Burt Reynolds était considéré comme un "pin-up" boy à l'époque, à cause d'une photo dans un magazine sur laquelle il était apparu nu. Il s’agit là de l’un de ses premier grand rôle dû semble t-il à Fernando di Leo qui l’avait alors repéré.
A noter aussi que l’acteur Aldo Sambrell a signé en 1974 "La Dynamite est bonne à boire" en tant que metteur en scène, avec Claudine Auger, Michel Bouquet et Christopher Mitchum.






Aldo Sambrell aujourd'hui:
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Dernière édition par mallox le Mar Fév 24, 2009 8:48 am; édité 5 fois |
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pascalum 20 % irradié

Inscrit le: 30 Sep 2006 Messages: 132
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Posté le: Mer Mar 14, 2007 10:00 am Sujet du message: |
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C'est encore un bon western que tu nous chronique là. Oui, le Burt est pas top, mais il a une bonne tronche et pour les fans de Delivrance et autres Gator, c'est un chouette film a avoir dans sa collection.
C'est vrai que Corbucci est dur , plus dur que Leone. dans ma jeunesse j'ai été traumatisé par le Grand Silence, alors que j'ai adoré Et pour Quelques Dollars de Plus... _________________ Bande Dessinées uniquement à base de Zombis:
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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Mer Mar 14, 2007 11:56 am Sujet du message: |
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L'excellent "Plein la Gueule" de Aldrich avec sa première scène mémorable où il écrase la tête de sa femme contre le mur, ce, d'une main avec cette réplique épatante: "Tu vas la fermer ta sale gueule, salope !"
ce bon Burt s'est donc quand même fortement amélioré par la suite.  _________________
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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Sam Fév 21, 2009 11:03 am Sujet du message: |
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Navajo Joe – Wild Side
Région : Zone All
Editeur : Wild Side
Pays : France
Sortie cinéma en France : Mai 1968
Sortie dvd : 25 Février 2009
Master restauré
Durée : 93 min
Image : 2.35, 16/9e comp. 4/3
Audio : Dolby Digital 2.0 mono
Langues : anglais, français
Sous-titres : français

Bonus :
- Présentation du film et portrait de Sergio Corbucci par Jean-François Giré, auteur du livre Il était une fois... le western européen (13’)
- Galerie photos
- Bande-annonce originale du film
- Filmographie
- Liens internet

Commentaire :
Excellent travail de restauration au niveau image de la part de l’éditeur, et l’on est bien content de (re)trouver ce bien bon Navajo Joe avec des couleurs aussi vives et éclatantes. Le son n’a rien d’extraordinaire mais ne souffre pour autant d’aucun défaut. Le principal intérêt des Bonus réside bien entendu dans l’interview de l’épatant Jean-François Giré qui dissèque à merveille la carrière de Corbucci, remettant le film dans son contexte. Selon lui, si Navajo Joe est le 6eme western de Corbucci, le premier à porter la marque de l’auteur est son second, « Le justicier du minnesota » avec Cameron Mitchell, avec la thématique déjà présente des héros meurtris. Si « Ringo au pistolet d’or » est encore englué dans les conventions du western américain, Django affirmera définitivement le style du cinéaste. On apprend que le budget alloué au film par De Laurentis fut assez conséquent, et surtout que c’est à l’origine Marlon Brando qui avait été pressenti par le producteur pour camper notre héros, mais que Corbucci prit un peu peur de mélanger ce monstre de Brando à des figurants espagnols. Giré revient sur le fait qu’au sein du western italien, il était alors très rare que l’action se situe du côté des amérindiens et que le thème du métissage et la façon dont il est assumé est ici aussi important sinon plus, que le thème indien, ce, via l’excellent méchant, campé par Aldo Sambrell, qui transcende le film, prenant même l’ascendant sur Burt reynolds. Il revient aussi sur le thème de la lâcheté collective ici présent et qui sera décliné par la suite par Corbucci ainsi que sur la partition assez novatrice, puissante, quoiqu’un peu envahissante de Morricone, dont on a jamais vraiment su pour quelle raison elle fut signée sous le pseudo de Leo Nichols. Le plus étonnant à mon sens, reste l’explication de Giré à propos de la non représentation des indiens dans le western spaghetti. Selon lui, cela serait en grande partie du au fait des figurants espagnols qui franchement, étaient assez peu crédibles en indiens (Soleil rouge est cité à ce titre), tant et si bien qu’un glissement progressif se fit peu à peu vers le Mexique et le thème de la révolution… Bref, un entretien court mais passionnant dont on a hâte de voir la suite sur le dvd de Far West Story du même éditeur. La bande-annonce d’époque reste sympathique, tout comme la galerie photo (au nombre de 10). Bref, un dvd à posséder en complémentarité avec les autres à venir de chez Wild Side, et dont aucun ne semble à rater. Excellent.
Note : 8,5/10




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Bigbonn Psycho-cop


Inscrit le: 13 Déc 2004 Messages: 4107
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Posté le: Mer Fév 25, 2009 9:34 pm Sujet du message: |
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Alors là, pour le coup, je l'ai trouvé plutôt mauvais ce Navajo Joe.
Pas tant pour le Burt Reynolds effectivement un peu trop bavard et bravache et pas assez en colère sourde et rentrée mais plutôt pour l'ensemble qui se tient relativement peu je trouve.
Navajo Joe a vraiment trop de facilité à vaincre les bandits, à s'emparer de leur train bourré de pognon. Il se fait aussi finalement assez prévisiblement coincer connement avant une scène de bourre-pifs sensée le faire parler assez peu réussie (et puis il s'est rendu pour sauver la vie de la métisse Estella, dans le même ordre d'idée, il suffisait de menacer de torturer celle-ci pour avoir une chance de le faire parler...)
Et cette musique envahissante et plutôt ratée (on dirait plus du sous-Morricone que du Morricone, la raison du pseudo?), n'arrange rien.
Bref, c'est assez peu réussi et très peu palpitant. Une déception pour moi.
Vu après Le temps du massacre, il faut bien reconnaître qu'on est bien en-dessous du film de Fulci. |
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xawa 99 % irradié

Inscrit le: 28 Fév 2005 Messages: 1528
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Posté le: Mer Fév 25, 2009 10:02 pm Sujet du message: |
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Bigbonn a écrit: |
Vu après Le temps du massacre, il faut bien reconnaître qu'on est bien en-dessous du film de Fulci. |
J'ai reçu les deux ce matin ! Quelle coincoincidence |
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gregore Site Admin


Inscrit le: 25 Nov 2004 Messages: 1937
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Posté le: Jeu Fév 26, 2009 7:29 pm Sujet du message: |
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xawa a écrit: | Bigbonn a écrit: |
Vu après Le temps du massacre, il faut bien reconnaître qu'on est bien en-dessous du film de Fulci. |
J'ai reçu les deux ce matin ! Quelle coincoincidence |
Arf moi rien dans ma boite au lettres  _________________ "La guerre c'est la paix", "La liberté c'est l'esclavage", "L'ignorance c’est la force" |
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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Jeu Fév 26, 2009 10:23 pm Sujet du message: |
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Camif 99 % irradié


Inscrit le: 16 Mai 2008 Messages: 1560 Localisation: Délocalisation
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Posté le: Mer Mar 11, 2009 10:41 am Sujet du message: |
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je ne vais pas faire dans l'originalié en disant que le film est quand même plombé par l'intérprétation insipide de Burt.
Maintenant comme souvent chez Corbucci, et dans le western italien en général, le personnage le plus intérressant et le plus fouillé, c'est celui du méchant, qui vole la vedette ( et il a pas de mal ) au pauvre Joe.
Un autre point qui saborde un peu le métrage, c'est la facilité avec laquelle le Joe tue ses ennemis ( comme la scène sur le train où il tue une bonhomme en faisant un bruit de 33 tonnes et que son collégue ne bronche pas...pas très crédible).
Maintenant la violence et la cruauté de quelques scènes montrent combien Corbucci est grand.
Dommage aussi que la mise en avant de la cause indienne soit si pauvre.
Sympa donc, mais merci Burt  _________________ "Du 2 au 22 mai, y avait pas loin" Mallox |
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mallox Super héros Toxic


Inscrit le: 10 Sep 2006 Messages: 13982 Localisation: Vendée franco-française
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Posté le: Mer Mar 11, 2009 7:17 pm Sujet du message: |
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http://tortillafilms.tortillapolis.org/navajo-joe.html
Un p'tit coup de pub pour une superbe critique (bien meilleure que la mienne du reste, mais y a pas de mal vous le direz... encore une à revoir et à corriger à moi-même !)
Pas tout à fait d'accord avec le sieur Paisley sur ce coup, mais force est d'admettre que sa critique est bien chouette.  _________________
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