Kidam 40 % irradié


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Posté le: Mar Avr 15, 2008 7:24 am Sujet du message: [M] [Critique] Lemora : A Child's Tale of the Supernatural |
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Lemora : A Child's Tale of the Supernatural – 1973
(aka Lady Dracula)
Réalisé par Richard Blackburn
Avec Lesley Gilb, Cheryl Smith, Lila Lee, William Whitton, Alvin Lee, Hy Pyke, Maxine Ballantyne, Steve Johnson…
USA
Conte initiatique de la perversion
Nous sommes dans les années 30. Lila est pupille de pasteur et choriste de paroisse. Son père est quant à lui gangster. Voici que la jeune fille reçoit une lettre d’une dénommée Lemora qui a, d’après ce qu’elle écrit, recueilli son père mourant, et lui propose de venir se rendre chez elle. Etonnante Lila, vierge à l’innocence immaculée et pourtant fruit jadis des désirs incestueux du père, et du pasteur maintenant qui porte sur elle un œil perfide et charnel. Rien ne l’a jusque là atteinte, mais la voilà sur le départ, prenant le chemin de chez Lemora. C’est la puberté qu’elle traversera, avec ses démons et fantasmes au sens figuré comme au sens propre ici représentés.
En effet Lila croisera spectres, vampires et zombies sur son chemin, tous le fruit de son imagination, à moins que tout ceci ne soit réel. Oui c’est bien ça, là où rien ne la touchait auparavant, là où rien ne semblait atteindre et entacher sa pureté, les assauts « monstruesques » se feront alors le miroir de son initiation au vice, de sa perte d’innocence. Dès lors, elle peut être atteinte car elle a maintenant accès à ce qu’elle ne pouvait comprendre jadis. Avec comme symboles ces entités du mal, reflets des agressivités adultes, elle n’est dorénavant plus à l’abri.
Un beau film qui évoque fortement ‘Valérie au pays de merveilles’, empruntant à la fois aux frères Grimm (‘Le petit chaperon rouge’ pour l’essentiel) ainsi qu’à Lewis Caroll (‘Alice au pays des merveilles’ bien évidemment). Les ressemblances affluent tant et si bien qu’on peut soupçonner Richard Blackburn d’être allé visiter le chef-d’œuvre de Jaromil Jires. Soit, l’esthétique est différente, plus brutale ici, baignée de lumières bleues et rouges et le film demeure sans doute plus classique dans sa forme, ainsi que doté d’un rythme moins échevelé, semble-t-il assez propre aux pays slaves. Pas de couleurs en demi-teintes (et malgré tout chatoyantes) au sein de ‘Lila au pays de la perversion’ mais une esthétique qui pourra singulièrement faire penser à Tim Burton ; le personnage de Lemora semblant même sortir tout droit d’un de ses films. Pas de doute, le Burton a vu Lemora. Mais Richard Blackburn a aussi vu ‘Valérie…’. Il en tire néanmoins une œuvre très personnelle, avec il est vrai parfois quelques longueurs même si l’on pourra parler de langueurs adolescentes en lieu et place, planant comme un rêve éveillé ; ce que finalement illustre ‘Lemora’, avec ses cauchemars qui resteront gravés pour toujours. Un sommeil enfiévré par un désir sexuel naissant, une nuit agitée remplie de réveils et de suées. Voyage au coeur d’une nuit ténébreuse (destination : Lemora - initiatrice) semée d’embûches, ressemblant à des tests d’une vie à venir qu’il lui faudra assumer. ‘Valerie’ n’est pas loin mais dans son thème aussi on pourra penser au Joël Seria de ‘Ne nous délivrez pas du mal’, sans le naturalisme rabelaisien propre à l’auteur hexagonal. Finalement assez proche aussi de ce que fera Neil Jordan plus tard avec sa ‘Compagnie des loups’, œuvre toutefois assez froide et précieuse s’il en est. Non, ‘Lemora’ est à la croisée de tous ces chemins là, et même s’il semble emprunter à Jires, c’est bel et bien à une œuvre originale et à part à laquelle on assiste, à la découverte de ce spectacle étonnant. D’ailleurs, c’est par petites couches successives que Lila perd sa crédulité qui faisait sa force, et sa perte d’innocence est un événement brutal, violent, ici illustré le plus souvent par des assauts « zombiesques » ou vampiriques venus croquer un petit morceau d’elle, ainsi que la contaminer en lui insufflant une part de l’âge adulte.
Si le voyage s’annonçait comme une délivrance, c’est la perversité qu’elle trouvera au bout du compte. Lemora ressemblera tout d’abord à une mère protectrice, mère qu’elle n’a jamais ou très peu connue. Mais cela s’avèrera être une sécurité de façade. Drôle de femme que cette Lemora, au teint cireux et charbonneux mais trop avenante pour être réellement honnête. Elle symbolise elle aussi le leurre de la perversité et ce n’est pas innocent si elle s’occupe autant de Lila, la déshabillant, lui donnant le bain, la coiffant… Lemora, à n’en pas douter, désire Lila. Dans le nouveau monde à venir, il n’y a rien sans intentions tapies dans l’esprit de l’autre, rien sans contrepartie.
Finalement, que trouvera Lila au bout du chemin? Une nouvelle conscience. Une conscience qui lui fera tant craindre pour elle-même qu’elle rebroussera chemin comme pour éviter l’âge adulte et tout ce qui lui est inhérent et qu’elle a entrevu dans son périple. Pourtant c’est une étape inéluctable et si elle s’en retournera chez le pasteur, ce sera pour tomber dans ses bras, toute contaminée qu’elle est déjà.
Fort bien mis en scène par Blackburn dont c’est l’unique film pour le cinéma (mais quelques scénarios dont un pour Paul Bartel et son ‘Eating Raoul’ en 1982), magnifiquement photographiée par Robert Caramico (‘Kiss contre les fantômes’ - désolé) et doté d’une belle musique de Dan Neufeld dont c’est également la seule contribution cinématographique, ‘Lemora : A Child's Tale of the Supernatural’ est un fort joli film en plus d’être intéressant à disséquer.
Porté qui plus est par une formidable actrice : Cheryl Smith, stupéfiante de naturel et qui aura plus tard dans la vraie vie un destin tout à fait tragique. On la retrouvera pourtant un peu partout ensuite comme en groupie dans ‘Phantom of the Paradise’, ou encore dans l’étonnant ‘Massacre at Central High’ chroniqué ici. Elle fera également parti du groupe les Runaway (le groupe de Joan Jett), mais connaîtra surtout d’abominables problèmes de drogue qu’elle ne parviendra jamais vraiment à résoudre, pour finir internée dans un centre de désintoxication à l’amorce des années 80, puis mourir plus tard et trop jeune en 2002 dans un foyer pour sans abris. Un destin on ne peut plus tragique…un passage à l’âge adulte trop précoce et subit, serais-je tenté d’ajouter après la vision de ce film.
Accroche: Lila au pays du vice
Dernière édition par Kidam le Sam Avr 19, 2008 9:51 am; édité 2 fois |
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flint Super héros Toxic


Inscrit le: 13 Mar 2007 Messages: 7606 Localisation: cusset-plage
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Posté le: Mar Avr 15, 2008 10:17 am Sujet du message: |
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Eh bien, pour un premier film, tu n'as pas vraiment choisi la facilité, mais tu t'en es très bien sorti. Félicitations.
J'ai vu "Lemora" il y a quelques années, et j'avoue ne pas me rappeler de tout. Je me souviens quand même m'être un peu ennuyé en suivant le parcours initiatique de l'émouvante Cheryl Smith. Quelques longueurs malgré une beauté indéniable se dégageant du film. C'est un film que je reverrai de toutes façons.
Cheryl Smith ne paraît pas avoir 18 ans dans "Lemora", semblant à peine sortir de l'enfance. Elle est totalement convaincante, et comme tu l'as souligné, on ne peut que regretter qu'elle soit morte aussi jeune, suite à une hépatite contractée à cause de sa dépendance à l'héroïne. Elle a marqué le cinéma de genre dans les films que tu as cités. On pourrait rajouter qu'elle a tourné pour Jack Hill ("The Swinging Cheerleaders"), Jonathan Demme ("Cinq Femmes à abattre"), et joué dans des séries B (voire Z) comme "Laserblast". Elle a aussi incarné Cendrillon dans "Cinderella", une comédie musicale érotique pas terrible mais où elle parvenait à sauver le film à elle seule.
Sinon, maintenant que l'on a vu que tu étais un bon chroniqueur, tu vas être obligé de continuer !  |
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