flint Super héros Toxic


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Posté le: Dim Aoû 24, 2014 2:57 pm Sujet du message: [M] [Critique] Dark Waters |
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Dark Waters
Titre original : Temnye vody
Genre : Horreur, Fantastique
Année : 1993
Pays d'origine : Italie, Russie, Royaume-Uni
Réalisateur : Mariano Baino
Casting : Louise Salter, Venera Simmons, Mariya Kapnist, Lubov Snegur, Alvina Skarga, Pavel Sokolov, Anna Rose Phipps...
Aka : Dead Waters/Темные воды
Après un long voyage, Elizabeth arrive sur une île perdue dans un coin du monde, occupée par quelques autochtones vivant essentiellement de la pêche, et surtout une communauté de religieuses pratiquant des rites d'un autre âge dans un couvent austère. Le père d'Elizabeth est récemment décédé, et avant de mourir il a demandé à sa fille de perpétuer un engagement auprès du couvent, auquel il versait des dons depuis une vingtaine d'années. Elizabeth est donc venue rencontrer la mère supérieure de l'établissement, ainsi que son amie Thérésa, qui a quitté Londres pour devenir novice.
Elizabeth, une fois sur l'île, est en proie à d'étranges visions et des cauchemars liés au mystère se rattachant à son enfance, la jeune femme n'ayant aucun souvenir de ses sept premières années. Celles-ci ont été inexplicablement effacées de sa mémoire. Mais les souvenirs vont revenir peu à peu à la surface…
"Je suis celle qui est vivante et qui fut morte… Et voyez, je vivrai à jamais." Ainsi débute "Dark Waters", par ces mots que certains lecteurs de Lovecraft pourraient rapprocher de la célèbre citation que l'on retrouve notamment dans le Nécronomicon : "N'est pas mort ce qui à jamais dort, et dans les ères peut mourir même la Mort."
Le réalisateur de "Dark Waters", Mariano Baino, n'a d'ailleurs jamais caché sa passion et son admiration pour l'écrivain de Providence, et ce depuis son plus jeune âge. Pas étonnant, par conséquent, que le premier long métrage (et unique à ce jour) de ce metteur en scène d'origine italienne soit à ce point imprégné du mythe de Cthulhu. "Dark Waters" offre en effet une galerie de personnages tout au long du film formant, au final, un bestiaire digne de figurer au sein de l'œuvre du romancier. On pense notamment à ces êtres étranges qu'Elizabeth va croiser lors de son périple, comme cet homme inquiétant dévorant un poisson cru lors de la traversée vers l'île et qui évoque les humains hybrides nommés "Profonds" ("Deep Ones") peuplant la cité maudite d'Innsmouth, issue de l'imagination fertile de Lovecraft.
Il y a aussi ces aveugles, la mère supérieure, le peintre réalisant des fresques reproduisant des événements venant de se dérouler, ainsi que la femme au canevas. Dans cet univers autre, les aveugles sont les plus clairvoyants. Et sur cette île entourée par des eaux sombres, balayée par les pluies, c'est de l'obscurité que viendra la lumière pour Elizabeth, à savoir la vérité.
Le film baigne très rapidement dans une ambiance irréelle, dès lors qu'Elizabeth s'approche de son point de chute ; d'abord dans ce bus rempli d'autochtones semblant échappés d'un asile (ils pourraient très bien venir d'Arkham) qui la transporte jusqu'aux limites du continent. Puis lors de la traversée vers l'île, quand cet homme au visage partiellement dissimulé, dans son ciré de marin, propose à Elizabeth de la conduire moyennant finance. A la vision de cette scène, le spectateur a le sentiment que l'héroïne vient de conclure un marché avec Charon, et qu'elle est sur le point de traverser le Styx pour se rendre en enfer. Pourtant, ce n'est pas à un séjour chez les morts que Mariano Baino nous convie, mais plutôt à une transposition du personnage d'Alice (de Lewis Carroll) dans une nouvelle de Lovecraft. D'une certaine manière, "Dark Waters", c'est un peu "Elizabeth au pays de l'indicible horreur".
C'est grâce à des fonds russes que "Dark Waters" a pu se concrétiser. Ce qui explique le choix de la Russie comme principal lieu de tournage. Si le tournage en question s'avéra particulièrement mouvementé, compliqué et ralenti par toute une série d’incidents et d'événements qui faillirent remettre en cause son aboutissement, le résultat final est pourtant remarquable, et spectaculaire à certains niveaux. Le passage de la chapelle engloutie par les eaux, au début du film, en est l'exemple frappant. Sachant qu'une seule prise était possible, on peut dire que l'ensemble de l'équipe a fait preuve d'une impressionnante efficacité, et d'un grand savoir faire.
Malgré toutes ces épreuves, Mariano Baino n'a pas eu à regretter son choix, qu'il s'agisse des divers lieux de tournage (Odessa, Kiev, Crimée), dont l'intégration de décors spécialement créés pour l'occasion sur les sites naturels s'avéra parfaitement homogène, des cascadeurs et surtout des figurants. La plupart d'entre eux participent à l'ambiance qui règne dans le film, et le fait qu'il s'agisse d'amateurs pour la majorité d'entre eux a pour effet d'accentuer le réalisme des situations. De plus, la barrière de la langue (peu de Russes parlaient l'anglais) permet aux acteurs de jouer un peu plus sur les attitudes, et ils s'acquittent de cette tâche avec brio. Dans l'ensemble, ils font froid dans le dos, depuis la mère supérieure aux traits parcheminés s'exprimant par borborygmes jusqu'à l'épicier-embaumeur (au visage particulièrement expressif), en passant par ces nonnes se livrant à des processions nocturnes en portant des croix enflammées.
Malgré aussi la frustration légitime du réalisateur de ne pas avoir pu concrétiser sur pellicule tout ce qu'il avait prévu, pour des raisons essentiellement financières et logistiques, "Dark Waters" parvient néanmoins à transporter son auditoire dans un univers reflétant la personnalité de son auteur (comme ont pu le faire Clive Barker ou Pupi Avati).
Ces mésaventures diverses ont eu pour conséquences de modifier le scénario initial, avec comme effets principaux de rendre l'intrigue parfois confuse. Toutefois, l'histoire demeure compréhensible malgré son côté quelque peu hermétique. La prestation sans failles des acteurs, parmi lesquels l’héroïne incarnée par Louise Salter (qui aurait mérité une carrière plus conséquente) contribue à la qualité générale de "Dark Waters" tout comme le savoir faire de l'équipe technique qui a su contourner les obstacles et les diverses péripéties pour arriver au résultat que l'on sait. Pas de stars dans ce film, mais Mariya Kapnist, qui joue la mère supérieure, connut le succès à l'époque de l'U.R.S.S. à travers des classiques comme "Rousslan et Ludmilla" et "La chasse sauvage du roi Stakh". L'actrice mourut en 1993, peu de temps après la fin du tournage.
En résumé, "Dark Waters" est une réussite dans la mesure où Mariano Baino s'est évertué à créer un climat où l'angoisse est présente dans chaque recoin de l'île, que ce soit derrière les murs de cet inquiétant couvent, ou dans ce village de pêcheurs où l'on ne sait qui se cache derrière le moindre habitant : un allié potentiel ou un ennemi ? A bien des égards, le réalisateur a maîtrisé son sujet et proposé à son public une œuvre des plus originales, à mille lieues des productions horrifiques sorties durant cette décennie. Le film de Baino sort du lot sans coup férir, à l'instar de "Dellamorte Dellamore" de Michele Soavi, tourné à la même époque.
Fiche dvd -
Dark Waters – The Ecstasy of Films
Région : Zone All PAL
Editeur : The Ecstasy of Films
Pays : France
Sortie film : 1993 (Russie)
Sortie dvd : 11 juillet 2014
Durée : 92'05
Image : 1.85 d'origine – 16/9e compatible 4/3
Audio : Dolby digital 2.0

Langue : anglais
Sous-titres : français (optionnels)
Bonus :
- Scènes coupées (7')
- Documentaire : "Deep into Dark Waters" (50'27)
- Bêtisier avec commentaire audio du réalisateur (3')
- Galerie de photos
- Commentaire audio du film avec Mariano Baino et Michele de Angelis

Commentaire : Cette édition du film méconnu de Mariano Baino est la quatrième sortie de l'éditeur The Ecstasy of Films, après "La lame infernale", "La guerre des gangs" et "La marque du diable". Comme pour les précédentes éditions de l'éditeur, il s'agit là d'un produit particulièrement soigné sans commune mesure avec la première sortie (plus que confidentielle) du film en 2000 chez Sidonis. Tout comme l'édition américaine de York Home Video (également en 2000) fut largement supplantée six ans plus tard par celle de son confrère italo-américain de NoShame.
Le film, restauré, est présenté dans son format et sa langue d'origine. Des sous-titres français ont été créés pour l'occasion, de même que pour le commentaire audio et le documentaire, le tout constituant un travail titanesque réussi sur tous les points. Au niveau du contenant, la jaquette réversible est encore au rendez-vous, tout comme le sur-étui qui propose une très belle illustration de Gilles Vranckx.

L'éditeur français a fait le bon choix de reprendre le commentaire audio du réalisateur, assisté de Michele De Angelis, ainsi que le documentaire "Deep into Darkness". Tous deux figuraient sur l'édition NoShame, et sont un complément non seulement idéal au film, mais également nécessaire. D'une part, le commentaire audio permet à Mariano Baino d'expliquer pourquoi le film comporte quelques zones obscures, et par là même d'apporter au spectateur des éclaircissements bienvenus ; d'autre part le documentaire est une petite merveille de réalisation, probablement l'un des meilleurs bonus conçus ces dernières années. C'est en effet un festival d'anecdotes que nous livrent Steve Brooke Smith, Rick Littler et Mariano Baino, Louise Satler étant plus en retrait (bien que sa présence soit très appréciée). L'ensemble de cette entrevue est de plus agrémentée de traits d'humour irrésistibles, avec un sens du découpage particulièrement original puisque chaque intervention d'un membre de l'équipe est ponctuée par un bref extrait du film en rapport avec le sujet abordé. C'est drôle, en plus de donner une dynamique à l'entretien.
Il est donc recommandé de voir le film deux fois pour en apprécier toute la substantifique moelle (la seconde avec le commentaire audio ), et surtout de ne pas louper le documentaire qui restera sans conteste un modèle de référence dans le genre.
Note : 10/10

Dernière édition par flint le Mar Aoû 26, 2014 10:16 am; édité 1 fois |
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