Automate de Nuremberg, L'
Genre: Uchronie , Science-fiction , Robots-Cyborgs
Année: 2008
Pays d'origine: France
Editeur: Gallimard
Collection: Folio 2 euros
Auteur: Thomas Day
 

En 2006 paraît dans la revue Bifrost une novella de Thomas Day intitulée " Le dernier voyage de l'Automate joueur d'échec". Et c'est donc cette novella, largement augmentée en nombre de caractères mais au titre judicieusement raccourci, qui paraît en tant que court roman (il semblerait qu'on ne parle plus ici de novella) dans la sympathique collection "2 euros" des éditions Folio. Une excellente occasion donc de découvrir à petit prix ce qui s'avère être un excellent ouvrage, intelligent et souvent bouleversant, qui renouvelle avec originalité le thème de l'IA et du questionnement sur le "qui suis-je, ais-je une âme?" récurent au genre.


Car ici, l'IA, ou ce qui s'en approche, est en fait un automate en bois, crée pour être un joueur d'échec. Ses facultés physiques sont extrêmement limitées, des mains non préhensibles car seulement équipées de quatre doigts (sa fonction première n'étant que le maniement des pièces d'échec), une petite taille, une vue très limitée, un langage oral de seulement quelques mots utiles et une mémoire par cylindres à très court terme l'obligeant à régulièrement faire le tri dans ses souvenirs (et donc un véritable crève cœur pour lui, vous vous imaginez bien...). Et le pire de tout, un mécanisme à ressort nécessitant d'être remonté régulièrement, mais dont il est incapable de se charger tout seul, la grosse clef étant placée dans son dos. Cette IA est donc en réalité un Automate en bois (qui me fait beaucoup penser d'ailleurs aux Automates Woralberg du jeu Siberia de Benoît Sokal si vous connaissez), un esprit de génie nommé Melchior qui va profiter de la débâcle russe face aux armées napoléoniennes pour partir à la recherche de son créateur et tenter d'apporter une réponse à la question qui le hante depuis toujours: "Ais-je une âme, Père?".

Il va être accompagné dans sa quête par un ancien soldat Russe, lui aussi à la recherche de vérités sur l'âme depuis la mort de sa femme, et cherchant par tous les moyens possibles à communiquer avec elle pour se faire pardonner. Melchior va parcourir les continents, de la Russie à l'Europe jusqu'en Afrique, va devenir ingénieur aux côtés de Georges Stephensen, devenir citoyen britannique d'honneur et voir des choses à nulles autres pareilles. Melchior observe, analyse, prend des notes, s'interroge et réfléchit avec une acuité étonnante, un sens de la justice et de l'intégrité infaillibles. L'automate dit sans sentiment va affronter les préjugés, le colonialisme ou le racisme avec une noblesse d'âme que beaucoup pourraient lui envier. Mais à côté de cela, de cette quête identitaire, il y a aussi l'histoire parallèle des deux autres frères de Melchior, des expériences ratées à leur manière, dont l'un cherche à exterminer son père et ses frères.


C'est fou ce qu'un si court roman peut contenir comme idées et comme pistes de réflexions ! Un background historique et pourtant totalement uchronique très présent, principalement centré sur les guerres napoléoniennes les avancées techniques (la locomotive à vapeur par exemple), une quête identitaire, la notion d'intelligence artificielle, le questionnement métaphysique sur la vie après la mort, la relation à l'autre, à l'inconnu, les sentiments, l'innée et l'acquis, le fratricide, la tout puissance ou l'extrême impuissance, le questionnement divin, tout cela et bien plus encore dans un peu plus de 100 pages passées en compagnie des mémoires de Melchior Hauser, l'Automate de Nuremberg. L'Afrique, continent de tous les possibles, est ici très bien représentée, un peu comme le berceau de la magie, d'une magie primordiale, et du surnaturel, un aboutissement somme toute logique à la double quête de Melchior et d'Igor, son compagnon. L'Automate de Nuremberg est une très belle fable, la très belle histoire d'un Automate dénué de sens si ce n'est une vision très limitée, qui pose un regard aussi naïf qu'acerbe sur le monde qui l'entoure, à la recherche de lui-même, cherchant la reconnaissance paternelle qui lui a toujours fait défaut et poursuivit par un frère se prenant pour la main de Dieu.

Ce petit livre est aussi émouvant qu'intelligent et nous fait basculer d'une émotion à l'autre avec une économie de moyens et d'effets assez stupéfiante. Le tout dans un background entre science-fiction et uchronie qui aurait pu donner lieu à un roman bien plus long. On aurait certes pu le souhaiter mais en même temps, le tour de force de ce court roman se suffit à lui-même et on apprécie de vivre autant de choses fascinantes en seulement un peu plus de cent pages.

Une excellente découverte qu'il serait bien dommage de laisser filer pour la modique somme de 2 euros. Une excellente entrée en matière aussi pour découvrir une grande plume de l'imaginaire français qui est aussi l'auteur de l'extraordinaire roman La Voie du sabre. Une réussite de plus.


Note : 8/10

 

Chaperon Rouge

 

A propos de ce site :

 

- Site de l'éditeur : http://www.gallimard.fr/

Vote:
 
6.50/10 ( 4 Votes )
Clics: 5716
0
Écrire un commentaire pour ce livre Écrire un commentaire pour ce livre
Les utilisateurs non-enregistrés ne peuvent pas poster des commentaires. Veuillez vous connecter en cliquant sur LOGIN...
En librairie En librairie...
Devil City 2 - Le voleur d'âmes Devil City 2 - Le voleur d'âmes
Si vous n'avez pas encore lu le premier volume de Devil City, il vaut mieux éviter de lire cette chronique qui révèle beaucoup de faits importants s'y dér...
Zombie Story 1 – Zombie Island Zombie Story 1 – Zombie Island
Si l'on excepte "Un horizon de cendres" de Jean-Pierre Andrevon, le "Cellulaire" de Stephen King ou plus récemment  "World War Z" de Max Brooks, on ne peut ...
Dans les veines Dans les veines
Si les vampires sont à la mode depuis quelques temps, peu sont ceux qui se démarque du lot. "Dans les veines" fait pourtant partie des autres, de ceux qui a...

Autres films Au hasard...