Food For Maggots
Genre: Fantastique , Zombies , Anges , Vampirisme , Recueils de nouvelles , Mythologies
Année: 2010
Pays d'origine: France
Editeur: Editions du Riez
Collection: Brumes Etranges
Auteur: Virginia Schilli
Illustrateur: Aurélien Police
 

Comme beaucoup, j'ai découvert Virginia Schilli avec son premier roman, un excellent roman vampirique, Par le sang du démon, sorti en 2006 aux Editions Nuit d'Avril. L'auteur n'avait alors que 22 ans et elle faisait preuve d'une maturité, d'un style à faire pâlir n'importe quel auteur chevronné! Depuis, Virginia Schilli fait partie des auteurs que j'admire le plus en France et que je ne me lasse jamais de lire et de relire. La nouvelle qui clôture ici le recueil, "Dernier soupir", est de celles que j'ai le plus lues et relues et étrangement à chaque fois c'est le même choc. Quelque chose habite Virginia Schilli, quelque chose qui fait d'elle une écrivaine romantique, sombre et tourmentée, quelque chose que seule elle possède, un quelque chose d'inexplicable qui fait que j'aime son écriture sans pouvoir expliquer vraiment pourquoi…

Aujourd'hui les éditions du Riez ont décidé de compiler sous ce titre américain et étrange l'ensemble des nouvelles écrites par Virginia Schilli. Certaines ont déjà pu être lues soit au Calepin Jaune, soit à la Salamandre mais d'autres encore sont complètement inédites. Je vous parlais en préambule de la nouvelle "Dernier Soupir", et c'était jusqu'à ce jour la seule que j'avais eu la chance de lire grâce à l'excellente anthologie Solstice 1. Cette nouvelle nous compte les derniers jours d'un homme, la phase terminale d'une longue maladie. Et ce n'est pas vers l'humain, vers le corps médical, que se tourne le vieil homme, non, c'est vers son arbre. Mort, solitude et poésie sont au rendez-vous pour une nouvelle choc et plus que belle, fantastique. C'est peut être ça la magie (noire?) de Virginia Schilli, c'est cette conscience de la mort, cette conscience de la fin de toute chose, l'idée que la vie n'est peut-être après tout qu'une longue malédiction et où tout ce à quoi l'on tient est voué à fiche le camp… Sombre et désespéré! C'est sur ce thème que s'ouvre le recueil, avec une nouvelle absolument fantastique d'intelligence et de romantisme (noire cette fois-ci, j'en suis certain!) "L'ami du beffroi". Qu'est-ce que la vie sans amour? Qu'est-ce que la vie quand son amour est parti? La maladie encore et toujours, le vieillissement prématuré, la grande faucheuse à l'œuvre. La narratrice décide alors de précipiter sa fin, avec le courage propre au suicidaire. Mais il y a quelqu'un là, qui l'en empêche, qui lui parle, ange ou démon, dieu ou diable. Peu importe puisqu'un autre parle! Puisqu'un autre vous accompagne dans le grand vide! Troublant, déchirant, beau avec en plus un sens de la description fabuleux!
L'ombre de la mort encore mais cette fois dans un cimetière et voilà Virginia Schilli qui revient à ses premiers amours, les vampires. Le titre de la nouvelle est à plus d'un titre évocateur : "Zombification". Beau comme toujours chez Schilli et intelligent bien sûr, puisque l'auteur ne revisite pas simplement le mythe du vampire, elle revisite la damnation du vampire: la solitude. Obligé de se cacher et de se nourrir, le vampire laisse derrière lui des traces qu'il doit détruire, déterrer et tuer... Car la non mort engendre la non mort! Malgré le titre qui sonne un peu goresque, ça ne l'est pas, c'est encore un romantisme sombre, des crises de l'âme et la mort qui sont mis en scène! Une claque!
Deux nouvelles au titre en latin. Elle a le sens du titre, Virginia Schilli! Ils attirent mon attention bien sûr, je me précipite. Dans les deux nouvelles, un même personnage, un peintre et savez-vous ce qu'il peint ? La mort! A travers ces peintures, il la cherche, la travaille… Car la mort chez Virginia Schilli est presque aussi fuyante que la vie. Elle n'est qu'un moment fugace comme pour tout le monde, mais il y en a qui veulent savoir. Peut-être ceux qui ont le plus peur. Et ce qui va venir expliquer la mort, c'est le fantastique dans son acceptation la plus large. Car le fantastique c'est la personnalisation de la mort et Virginia Schilli l'a bien compris, elle en joue et elle le fait admirablement bien dans ces deux nouvelles à l'ambiance excellemment rendue! Et encore deux bijoux, noirs une fois de plus...
Le fantastique c'est dans "Death In box" qu'il apparaît dans sa forme le plus classique et la nouvelle s'avère fabuleuse. Un homme chez un antiquaire trouve une boîte avec trois poupées. Le cadeau semble plaire à sa femme, mais n'est-il pas empoisonnée ce présent? Thème classique, on dirait du Chucky! Sauf que le sujet de Virginia Schilli, n'est pas là, et c'est ce qui fait tout son talent. Non, le vrai sujet, c'est le couple, la difficulté d'être ensemble, de se comprendre et de se faire plaisir. Il n'est pas très rose le monde de Virginia Schilli, ni fleur bleue, mais plutôt noir et il me plait!
Mais n'allez pas croire pour autant que parce que les thèmes se ressemblent, les nouvelles sont toujours les mêmes. Non, loin de là, les époques changent, les lieux aussi et on obtient un fabuleux recueil. Ainsi dans "La lumière au bout du monde", Virginia Schilli plante un tout nouveau décor, fait de piraterie, de galions et d'île au trésor. Sauf que de trésor il n'en est que peu question puisque… Non, je ne vous en dirais pas plus, il faut que vous découvriez par vous-même cette histoire encore une fois sombre et trouble!
Je conclurais ce survol des nouvelles qui habitent ce génialissime ouvrage par "Bilirubine" qui m'a touché au plus profond de moi, même si en vous donnant le pitch vous allez peut-être trouver cela un brin entendu. Mais étrangement c'est après "Dernier Soupir" ma nouvelle préférée! Après tout chaque lecteur peut y voir ce qu'il veut dans un écrit… Bilirubine est une pauvre fille, elle se renferme dans des toilettes publiques des plus cradingues pour y vomir un trop plein d'alcool et plus si affinité. Elle vomit à en crever. Une overdose? Et puis une apparition... Une question: qu'est-ce que la vie, qu'est-ce que le bonheur? Le fantastique c'est la mise à mort du réel, donc de la vie, pour laisser apparaître autre chose, un autre chose qui étrangement nous éclaire sur nous-mêmes, notre fin et bizarrement notre quotidien. Qui est plus à plaindre, Bilirubine et sa toxicomanie ou celui qui veut vivre pendant qu'il agonise dans un lit d'hôpital ? C'est du Virginia Schilli tout craché, c'est plus que sombre, c'est traumatisant et pour ça, pas besoin de grands effets…

Inutile d'en rajouter vous l'aurez compris, j'aime ce que fait Virginia Schilli, même si elle me fait mal! Car oui ça fait mal, car dans "Foods for Maggots" tout est souffrance, la beauté, l'amour, le couple, l'autre, la vie... Reste au final un arbre qui prend vos souffrances, la nature, pas l'humain, celui qui ne parle pas, non, pas celui qui fait du bruit... Troublant n'est-ce pas? Bref, il faut le lire pour le croire, il faut se jeter dessus, il faut le garder près de soit, prêt à en lire un paragraphe par jour pour s'en abreuver jusqu'à l'ivresse! D'autant plus que l'ouvrage est superbe et vous pourrez trouver à la fin un très joli portfolio d'Estelle Valls de Gomis qui croque certains personnages présents dans le livre... Beaucoup de nouvelles s'accompagnent de citations de certains groupes qui ont du inspirer l'auteur, à vous de vous faire votre playlist. Mettez My Dying Bride, Anathéma et lisez, que dis-je, hurlez les mots de Virginia Schilli à haute voix et rappelez-vous, tout à une fin. Jamais le fantastique français n'a été aussi sombre!

 

Note : 10/10

 

Le Cimmerien

 

A propos de ce livre :

 

-  Site de l'éditeur : http://www.editionsduriez.fr/

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