Trauma
Titre original: Burnt Offerings
Genre: Horreur , Maisons hantées
Année: 1976
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Dan Curtis
Casting:
Oliver Reed, Karen Black, Lee Montgomery, Bette Davis, Burgess Meredith, Anthony James, Eileen Heckart...
 

Ce film a fait les beaux jours des vidéo clubs des années fin 70-80 pour se voir à ce jour dans les oubliettes, ce qui en dit long sur la magie du cinéma, et sa capacité à faire apparaître ou réapparaître des navets en chaîne tandis qu'ailleurs d'autres excellences disparaissent paradoxalement dans des chapeaux de magiciens peu doués et surtout inaptes à les ressusciter. Et c'est presque le rouge au front, les veines presque saillantes de colère que je viens parler de cette belle réussite d'un réalisateur, décédé cette année, lui aussi enterré sous un talus à la va vite, comme si même à un léger mémorial il n'avait même pas droit.
On ne pourra pas dire pourtant que Dan Curtis n'aura pas bossé au sein du genre, livrant que ce soit pour la télévision ou pour le cinéma un paquet d'oeuvres imparfaites mais toujours sincères, ce dès 1966 avec la série "Dark Shadows", revisitant en passant quelques mythes via un "Dracula" en 1973 avec Jack Palance, pondant une sympathique "Trilogy of terror" dès 1975 avec déjà Karen Black, puis une sorte de suite en 1996, offrant également en 1977 une bancale mais jouissive "Malédiction de la veuve noire", travaillant presque jusqu'à sa mort pour la télévision, puis livrant comme testament la très anticléricale série "Our Fathers" en 2005.
C'est une Honte que d'omettre ainsi cet artisan plus que respectable et personnel ; en témoigne ici ce que l'on peut considérer comme son chef-d'oeuvre et surtout comme une variation pourtant marquante et on ne peut plus réussie sur le thème pourtant rebattu de la "Haunted House", qui en a vu pourtant passer des vertes et des pas mûres, dont on n'a su retenir non pas les oeuvres les plus intelligentes ou originales, mais simplement, les plus efficaces voir racoleuses, les portant au pinacle avec une outrance déconcertante (exceptée "la maison du diable" de Robert Wise qui est à la fois oeuvre populaire, efficace et intelligente).

 

 

Loin de moi l'idée d'élever au rang de génie, l'estimable Dan Curtis, mais à l'instar d'un Peter Medak et son "changeling", il nous offrit pourtant avec ce "Burnt Offerings" l'un des plus beaux fleurons du genre.
J'arrête ici mon entrée en matière, car je pourrai écrire des heures là-dessus, qui ferai alors ressembler ma chronique davantage à un manifeste qu'à une analyse en bonne et due forme de ce très bon film ; rentrons maintenant dans l'histoire...
"Burnt Offerings" est donc l'adaptation du roman éponyme de Robert Marasco écrit en 1973 et édité en 1974 sous le titre "Notre Vénérée Chérie" ; un couple, Ben et Marian (Oliver Reed et Karen Black), accompagné de leur fiston, recherchent pour l'été une résidence secondaire où passer de bonnes vacances bien méritées, lorsqu'ils tombent sur une vieille demeure légèrement délabrée, mais dont le charme et le prix de location peu conséquent les attire assez rapidement d'autant qu'elle est dotée d'un parc, d'un embarcadère et surtout d'une piscine ; bref, la résidence prête à la détente recherchée et c'est avec joie que la petite famille va sauter sur cette bonne occaz.
Seule condition posée par les propriétaires, une vieille dame et son frère en fauteuil roulant, s'occuper de leur vieille mère vivant cloîtrée dans sa chambre de par son âge bien avancé, et donc de lui apporter à manger, ce qui paraît la moindre des choses ; le couple acceptera avec plaisir d'autant qu'il s'agit là d'une petite contrainte pour un très petit prix.
A peine installés en compagnie également de leur tante (Bette Davis), ceux-ci vont être rapidement victimes de sautes d'humeur excessives et de pulsions étranges que le père, première victime (et bourreau) va vite déceler tandis que sa femme devient de plus en plus obsédée par la dite demeure, obligeant par exemple l'enfant à boire dans des coupes en argent ; petit à petit Ben prends conscience qu'en guise de bail, ce serai plutôt un pacte maléfique qu'ils auraient signé avec les propriétaires...

 

 

Alors bien évidemment, ce postulat semble de prime abord des plus banal, sauf que d'entrée la mise en scène de Dan Curtis se révèle d'une extrême élégance, toute en retenue, nous présente ses protagonistes de façon la plus classique qui soit, avant de distiller tranquillement et savamment les indices inquiétants pour enfin plonger progressivement et le spectateur et ses personnages dans une spirale infernale allant crescendo.
Comme la demeure, ce film possède une âme et une atmosphère qui s'amplifie peu à peu ; tout commence par l'ouverture d'une boîte à musique comme si on avait touché là au sacré, et à l'instar des ses locataires la maison alors va muter de manière diabolique, tandis que Dan Curtis ira même jusqu'à faire ressurgir les "Traumas" d'enfance de Ben, dans quelques séquences oniriques et glaçantes où ce dernier sera la victime de visions, comme celle d'un chauffeur de corbillard (Anthony James effrayant), visions venues tout droit de son enfance et qui semblaient à tout jamais enfouies.
L'un des premiers indice du film qui installe une vraie peur, c'est le silence absolu de la vieille dame cloîtrée, qui suscite inquiétude puis fascination chez Marian qui tente d'instaurer un dialogue avec elle, à travers la porte ; c'est déjà un tour de force de la part de Curtis que d'inquiéter son monde par l'absence plutôt que par une quelconque présence de signes sonores ; s'en suit ailleurs la première vison du mari pour le moins décontenançant, avec le chauffeur évoqué ci-dessus et puis juste après, l'une des meilleures scène du film, scène où le père et le fils commencent à jouer dans la piscine, le père commence à porter puis balancer son fils dans l'eau, ce qui peut-être pris comme un simple jeu "entre hommes", mais qui va devenir de plus en plus violent si bien qu'alors que l'enfant commence à protester, Ben, au physique par ailleurs puissant (normal, c'est Oliver Reed !), tente alors de le noyer l'étranglant massivement sous l'eau, et c'est avec pas mal de chance que le fiston s'en sortira, ramassant son masque au fond de la piscine afin d'en balancer un méchant coup en pleine gueule du père afin d'échapper à la noyade ; la scène est tétanisante sans avoir recours à aucun procédé putassier, et la progression entre ce qui semblait être à l'origine qu'un jeu pour devenir une lutte brutale laisse sur le cul, tout comme le visage mauvais et ensanglanté du père alors que l'enfant a réussi à s'échapper.
Rien que pour cette scène là, déjà, "Trauma" dépasse ses promesses, tout cela étant montré de manière tellement probable qu'on en reste figé et dorénavant sur le qui-vive pour tout le restant du film !

 

 

On ne peut que louer la performance des acteurs tant ils semblent tous justes, en parfaite adéquation avec le parti-pris réaliste pour lequel a opté intelligemment Curtis ; d'ailleurs ce n'est pas un hasard si ce dernier nous présente à la base ses personnages de la façon la plus classique, si bien qu'on croirait presque déjà les connaître ; que nenni, rien n'est gratuit ici, et c'est pour mieux les déliter ensuite, chacun dans sa transformation perverse et sournoise, permettant à chaque acteur de livrer dans un même temps une composition plutôt stupéfiante ; Oliver Reed est ici à son top, au même niveau que sa composition au sein du chef-d'oeuvre de Ken Russell, "Les Diables", en plus sobre aussi bien sûr, et il faut répéter également combien cet acteur fut grand et su coller le plus souvent parfaitement aux rôles proposés, comme si le bonhomme était conscient de la qualité du produit dans lequel il jouait, ses performances m'ont toujours épaté, car toujours au niveau du rôle, ou bien du film, mais jamais en deçà en tout cas ; pareil pour Karen Black, elle est carrément transcendante ici, et restitue à merveille les fêlures et l'enfermement progressif de son personnage ; quant à Bette Davis, dans un rôle qui sera presque calqué dans "les yeux de la forêt" 6 ans plus tard, et dans un rôle les trois quarts du temps tout en retenue, là où on l'attendais excessive, elle est "Just perfect"; pareil pour tous les seconds plans de Burgess Meredith à Eileen Heckart, sans oublier Lee Montgomery, l'enfant du film, d'une sobriété étonnante, et pour une fois que j'ai pas envie de baffer un têtard, c'est peu dire qu'il est à l'aise dans ses pantoufles ici.

 

 

La fin que je ne dévoilerai pas, même si quelque peu téléphonée reste quant à elle impressionnante, autant que cette maison hantée qui se transforme et où les tuiles se régénèrent au fur et à mesure qu'elle prend possession de ses locataires estivaux.
Dernière chose aussi, avant de vous laisser pour retourner le voir, à plusieurs reprises, j'ai pensé à "Shining", ce qui est loin d'être la plus mauvaise référence... hors, alors que je recherchais des infos supplémentaires sur ce donc très bon "Trauma", il s'avère que Stephen King aurait déclaré s'être inspiré du roman initial "Burnt Offerings" lorsqu'il écrivit son "Shining", comme quoi, rien n'est coïncidence...

 

Note : 7,5/10

 

Mallox
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