Tumbling Dolls of Flesh
Titre original: Niku Daruma
Genre: Gore , Trash
Année: 1998
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Tamakishi Anaru
Casting:
Kanako Ôba, Kikurin, Tamakishi Anaru, Yûji Kitano...
 

Toute société génère des codes, des normes (de pensée, de comportement...) véhiculées par l'éducation et la socialisation dispensées à ses membres, mais aussi dans la manière dont le corps est censé être communément vécu, ressenti, montré, utilisé... Certains iront même jusqu'à penser que les différentes façons de se "rebeller" font elles aussi l'objet de codifications et d'instrumentations...
Le cinéma "gore", dans sa volonté de montrer explicitement l'intérieur des corps, se rapproche de la pornographie et se heurte bien souvent à la censure en vigueur. Et cette censure, rempart officiel qu'une société met en place pour neutraliser les oeuvres transgressives (n'oublions pas que c'est la norme qui fait la transgression et non l'inverse), bien que souvent intériorisée de manière individuelle, fait donc office de limite légale, voire de rempart, car son objectif est bel et bien de "protéger" (ses membres, ses valeurs...) contre des images, des idées subversives. Qui ne se souvient pas de l'itinéraire ardu imposé dans les années 80 à des films comme "Maniac" ou "Massacre à la tronçonneuse" ? Mais la censure n'est pas une notion figée. Mouvante, évoluant avec la société qui la nourrit, ses frontières se déplacent au gré de l'évolution des mentalités. Armés de leur talent et parfois de maladresse certains créateurs ont une démarche frontale dont le but est de mettre à mal (voire à bas) les codes en vigueur.
Cette (un peu) longue introduction pour mettre l'accent sur le fait que la censure et la norme sont des phénomènes éminemment culturels... Et donc historiques. Le cinéma indépendant japonais est lui aussi le fruit d'une histoire, avec ses propres aléas, ses propres repères, fort différents des "nôtres".

 

 

Niku Daruma, film dont l'essentiel du budget a dû passer dans les SFX, est une production difficilement saisissable. S'agit-il d'un film porno extrême (comme le laisse penser le CV du réal), d'un nanar crapoteux, d'un manifeste nihiliste... ? Le spectateur se perd un peu devant un tel objet artistique, surtout lorsque l'on sait que ce type de film est destiné au marché de la vidéo pour jeunes adultes en mal de distraction le dimanche après-midi... ("l'Adult Video" ou AV, caractéristique d'un certain marché nippon ; mélange de cinéma porno, de manga trash et d'expérimentations variées souvent très gonflées).
Sur la forme Niku Daruma est doté d'un grain sale, d'un son sale. Mais là où un film comme "August Underground" tapait à côté de la plaque en se perdant dans ses propres aberrations formelles, le métrage de Tamakichi Anar lui est en plein dans le mille. C'est crade ! Plutôt bien filmé d'ailleurs, et petit à petit cet angle d'attaque confère une terrible puissance au film.
L'histoire donc.
Trois hommes (plus un quatrième que l'on ne voit jamais, celui qui filme) se rendent dans un appartement pour filmer les relations sexuelles entre l'un d'entre eux et une fille. Ne parlant pas japonais des détails m'ont échappés (y a-t-il eu transaction ? la jeune fille est-elle une amie ? qui sont les personnages ?) mais ils sont si archétypiques que ces lacunes passent finalement au second plan. Les actes sexuels ne sont pas simulés, c'est du porno mosaïqué (évidemment), mais du porno quand même, et la véracité des actes donne le ton ; "on n'est pas là pour faire semblant !" ; d'où l'intérêt de ne pas "zapper" les passages X lors du visionnage.
De scènes porno "classiques" on passe au bondage, à l'introduction de godemichés dans différents orifices, on essaie de la forcer à déféquer, elle refuse... ou ne peut pas. La fille est ligotée et commence à avoir mal... Pause. Scène de repas. Puis ça reprend. A nouveau scènes explicites. Puis la jeune fille est assommée et l'un des hommes présents lui injecte un produit qui la fait sombrer dans l'inconscience. Profitant de son coma et alors qu'elle est à nouveau possédée par l'un des protagonistes (ils se relaient), l'un d'entre eux lui tranche le pied gauche, lui massacre la langue et finit par l'arracher. Elle finira éventrée, pénétrée par l'un des bourreaux qui se fera lui-même tuer... J'arrête là.
Le "jeu" de l'actrice est particulièrement troublant, à plusieurs reprises on a vraiment l'impression qu'elle est réellement évanouie (plans sur l'oeil complètement vitreux, il n'est pas exclu qu'elle soit vraiment défoncée). A noter que pour discréditer le fait qu'il pourrait s'agir d'un vrai "snuff" le film est doté d'une incrustation en haut à gauche de l'image : "psycho". Mais vrai ou pas (et c'est évidemment un faux), à la limite on n'en est plus là. Saisi, pétrifié, par l'horreur de scènes terriblement graphiques. Même si à de rares moments on devine à peine les trucages, l'ambiance extrêmement glauque efface ces faiblesses et laisse sans voix. Effarant.

 

 

Le procédé consistant à mixer des scènes très gore avec des scènes très "X" peut prêter le flanc à bien des confusions et des critiques. A ce rythme-là on peut légitimement se demander à quand un bon film d'horreur incluant de bonnes grosses scènes de pédophilie ? Il n'en reste pas moins que Niku Daruma atteint des sommets de terrorisme artistique. De par son côté glacé et épuré le film parvient à instaurer un tel climat qu'on est sans cesse dans l'expectative du pire à venir, et la première partie du film (la partie X) est à ce titre sacrément bien pensée.
Crapoteux, dégueulasse, infâme, indigeste, Niku Daruma mérite et assume ces qualificatifs. Réponse à une société qui fait passer des vessies pour des lanternes au nom de l'amour, de la liberté, et de la justice ? Acharnement destructeur contre un monde qui corsète les esprits et les corps pour mieux les mettre à profit ? Expérimentation gratuite ? Je n'en sais rien. Uppercut en plein foie en tout cas.
Difficile de le recommander. Mais l'oeuvre montre un savoir-faire évident malgré le manque de moyens. très perturbant. A vous de voir si vous souhaitez vous connaître ou vous perdre à ce point-là...

 

Veidt
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