mallox Super héros Toxic
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Posté le: Dim Juin 04, 2017 4:50 pm Sujet du message: [M] [Critique] L'argent de la banque - 1978 |
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L'argent de la banque - 1978
(The Silent Partner)
Origine : Canada
Genre : Thriller / Polar
Réalisé par Daryl Duke
Avec Elliott Gould, Christopher Plummer, Susannah York, Celine Lomez, John Candy, Michael Kirby...
Autre(s) titre(s) : Le Complice
Célibataire rangé, Miles Cullen est caissier dans une banque de Toronto. Il aime Julie, une charmante collègue, d'un amour platonique. Les poissons tropicaux qui peuplent son aquarium sont sa passion. Un jour, Miles apprend par hasard qu'un détraqué va attaquer la banque au moment des fêtes de Noël, déguisé en Père Noël. Le caissier imagine alors de laisser le gangster commettre son forfait, mais d'en profiter pour empocher une forte somme...
L'argent de la banque est avant tout une adaptation d'un roman du Danois Anders Bodelsen, "Tænk på et tal" (publié en France sous le titre "Pense à un chiffre", aux États-Unis et au Canada sous le titre "Think of a Number"), qui fut déjà porté à l'écran dans son pays en 1969. Réalisé par Palle Kjærulff-Schmidt, on y trouvait Henning Moritzen, qu'on connait néanmoins pour ses rôles importants mais plus tardifs dans "Festen" ou "Headhunter" et substitué ici par Elliot Gould, la très bergmanienne Bibi Andersson en lieu et place de Susannah York, ou bien encore le plus méconnu hors-frontière, Peter Ronild, dans le rôle ici joué par Christopher Plummer. Un récit de base astucieux puisque le caissier du résumé ci-dessus, averti du hold-up, donne bien au braqueur les coupures présentes dans sa caisse, mais déclare ensuite pas moins de 50 000 dollars détournés par ses bons soins et planqués au préalable dans l'un des coffres de la banque où il travaille. Le film original est peu connu aux États-Unis et au Canada, aussi la Carolco Entertainment, dont c'est le premier film et qui financera ensuite une poignée d’œuvres telles que La malédiction de la sorcière, Extreme Prejudice ou "M.A.L., mutant aquatique en liberté", a la bonne idée de le produire.
Peu affûté encore, c'est le scénariste-réalisateur Curtis Hanson (celui-ci a déjà scénarisé Dunwich Horror et réalisé l'horrifique "Sweet Kill") qui se colle à l'adaptation, tandis que Daryl Duke assure la mise en scène. Ce dernier a déjà tourné pas mal de fictions pour la télévision, notamment des épisodes pour des séries comme Night Gallery ou "Ghost Story" (créée par Richard Matheson et produite par William Castle en 1972). Au casting, Elliot Gould a le vent en poupe après ses collaborations avec Robert Altman et ses compositions sont souvent charismatiques ("Little Murders" d'Alan Arkin, Les casseurs de gang et "Capricorn One" de Peter Hyams, "Who?" de Jack Gold,...). On ne présente plus Christopher Plummer qui, depuis la fin des années 50 et "La forêt interdite" de Nicholas Ray, n'a cessé de percer à l'écran et de montrer un registre très large ("La chute de l'Empire romain" le propulse, s'ensuivent "Daisy Clover", "La mélodie du bonheur", "Triple Cross", "La nuit des généraux", etc. etc. Citons encore parce qu'ils sont chroniqués sur psychovision, L'Homme de Prague ainsi que sa géniale et trop peu reconnue comme telle incarnation de Sherlock Holmes dans Meurtre par décret). Dans un rôle plus en retrait, le talent de Susannah York n'est déjà plus à démontrer en 1978 ("Les sables du Kalahari", "Faut-il tuer Sister George?", "Le cri du sorcier") tandis que de manière plus accessoire, on aperçoit John Candy dans l'un de ses premiers rôles importants au cinéma.
Une addition qui s'avère aussi payante que le larcin de l'employé du film car The Silent Partner s'avère être une vraie réussite. Passant du registre léger et du polar au pur thriller, le mélange pratiqué n'est pas sans évoquer certains travaux à venir de Johnathan Demme, "Something Wild" pour le plus évident.
Filmé à Toronto et, en grande partie, dans le Centre Eaton Toronto, énorme centre commercial qui venait juste d'ouvrir et voit désormais pas moins d'un million de visiteurs passer chaque année, The Silent Partner tire un excellent parti de son décor, mi-aéré, mi-étouffant, mais s'avère surtout être un petit modèle scénaristique. Difficile d'anticiper la violence dans laquelle l'histoire peut mener et, à ce titre, le choix d'Elliot Gould, acteur cool par excellence, est extrêmement judicieux, malin. En psychopathe aux allures "queer", et dans une partie d'échecs à l'issue incertaine (un échiquier sert de premier plan lors d'une scène et ce n'est pas gratuit), Christopher Plummer lui donne une réplique tout à fait remarquable. Dans l'ensemble, les personnages de The Silent Partner peuvent se targuer de posséder une belle épaisseur et on est loin des pantins plus ou moins bien articulés et dirigés servant le plus souvent de prétexte à ce genre de productions et dans lesquelles, assez souvent, la psychologie sommaire annihile l'empathie qui elle-même annihile le suspens pour n'en garder que les contours.
Au crédit de The Silent Partner également, l'unique et très réussie partition élaborée spécialement pour une fiction due à Oscar Peterson, ainsi qu'une discrète mais fort chouette photographie signée Billy Williams (Terreur dans la nuit), laquelle capte aussi bien l'ambiance du centre commercial, un Toronto nocturne qu'un appartement et un aquarium dans lesquels s'agitent certains protagonistes. Parmi ses dommages collatéraux , impossible de ne pas avoir une petite pensée pour ce poisson retrouvé poignardé contre un mur tout comme pour cette jolie truite campée par la non moins jolie et Montréalaise Celine Lomez ("Gina" de Denys Arcand mais aussi Guerre biologique et The Kiss) qui, à venir nager en eaux troubles, finit ici piégée dans les mailles du filet.
Finalement, s'il est une chose à regretter, c'est l'aspect fonctionnel de la mise en scène de Daryl Duke qui, soit, a le mérite de s'effacer et d'éviter les effets faciles mais qui dans le même temps empêche L'argent de la banque de faire fructifier son capital. Heureusement que celui-ci est suffisamment conséquent pour en faire, au minimum, une bonne réussite. Une séance de rattrapage vivement conseillée pour ceux qui jusque là ne l'auraient jamais vu.
En rapport avec le film :
# L'argent de la banque est l'un des premiers films canadiens à avoir été partiellement financé par un programme gouvernemental et des fonds publics : le "Capital Cost Allowance" (L'Allocation du Coût d'investissement), un programme vite controversé et pour cause, il est vite devenu pour certaines personnes relativement aisées une sorte d'abri fiscal...
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Dernière édition par mallox le Mer Juin 06, 2018 4:51 am; édité 3 fois |
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