Anaïs Cros
Écrit par Stegg   

 

A l'occasion de la sortie de "La Lune Noire", Anaïs Cros a accepté de répondre à nos questions sur sa série "Les Lunes de Sang".

 

Bonjour ! Tout d'abord, merci d'accepter de répondre aux quelques questions de Psychovision. Je commence par une question classique, est-ce que vous pourriez vous présenter à nos lecteurs ?


Bonjour !
Et merci à vous de me poser ces questions. ^^
Me présenter ? Euh… Je suis une alsacienne de bientôt 30 ans (argh), fan de Sherlock Holmes et d'autres choses moins avouables, qui écrit des livres parce qu'elle ne sait plus vivre autrement. Il se trouve que j'ai eu la grande chance d'être publiée à plusieurs reprises, chez Lokomodo et d'autres éditeurs moins recommandables. Pour le moment les deux principales œuvres dont je peux me vanter sont Les Lunes de Sang et La Lune Noire, deux romans de fantasy qui appartiennent à la même série et dont on va parler plus loin. Actuellement je travaille plus sur des romans fantastiques, voire sans aucun élément surnaturel, et j'espère pouvoir également les faire voyager un de ces jours jusqu'à l'imaginaire des lecteurs.



Les lunes de Sang avait été publié par Nestiveqnen et vous aviez auto-édité sa suite en 2007. Quatre ans après, vous voilà de retour avec vos héros chez Lokomodo en 2011, est-ce que vous avez continué à écrire leur histoire entre temps ? Est-ce que ça vous à fait plaisir de pouvoir les retrouver ?


On ne peut pas dire que je les ai retrouvés, puisque, en ce qui me concerne, je ne les ai jamais quittés. ^^ En revanche ça m'a fait plaisir de pouvoir retravailler ces livres avec le point de vue de quelqu'un d'autre et de pouvoir maintenant recueillir les opinions de nouveaux lecteurs.
Avant que Lokomodo ne me contacte, j'avais déjà dans ma musette les tomes 3 et 4 de la série, donc, oui, effectivement j'ai continué à écrire les aventures de Listak et Evrahl même en l'absence d'éditeur. J'écris avant tout pour moi et à aucun moment je n'ai en tête une idée de publication. Cette étape-là vient seulement après, une fois que je suis satisfaite du livre. Malgré tout c'est une motivation supplémentaire de savoir que la série est en cours de parution et que des gens l'apprécient. Ça me donne l'énergie qui me faisait un peu défaut pour m'attaquer au tome 5.



Dans Les Lunes de Sang, vous mélangez allègrement l'univers de Sherlock Holmes et la fantasy. D'où vous est venue cette idée ? Qu'est-ce qui vous a donné envie de l'écrire ?


Comme je le disais dans ma présentation, je suis une inconditionnelle de Sherlock Holmes. Je l'ai découvert vers l'âge de 12-13 ans et depuis je relis régulièrement le Canon, je collectionne les pastiches, les films, les séries, etc. C'est un personnage que j'adore et qui est riche d'innombrables possibilités pour un auteur. Mais je ne me sentais pas de taille à m'attaquer à un pastiche traditionnel avec tout ce que cela impliquait en terme de recherches. J'avais déjà écrit un peu de fantasy et il m'est apparu que ce serait beaucoup plus gérable de transférer le personnage dans un monde que je pourrais contrôler de A à Z. Il m'a aussi paru plus simple de me libérer de toutes les contraintes qu'impliquaient la reprise des personnages originaux, notamment le jugement des fans qui sont à l'affût du moindre détail (j'en sais quelque chose, puisque j'en fais partie !). Mes personnages sont donc très fortement inspirés des Holmes, Watson, Moriarty, etc., ils leur rendent très certainement hommage, mais ils ne sont pas eux et c'est beaucoup mieux comme ça.


Les romans policier et  la fantasy sont d'ailleurs des univers très codifiés. Les difficultés doivent être nombreuses pour les faire cohabiter dans le même roman, non ?


Franchement je n'en sais rien ! lol J'ai agi avec toute l'inconscience des débutants, l'idée m'a plu et j'ai foncé sans me poser de questions. A aucun moment je ne me suis arrêtée pour réfléchir à la manière de jouer sur les codes des deux genres, ça s'est fait très naturellement. Et si je connais bien les codes du polar pour en avoir lu des centaines, ma culture est très limitée en fantasy et j'ai abordé le genre avec peu de références et peut-être beaucoup d'arrogance. ^^ Et puis je pense que le genre policier est en soi très flexible et qu'il peut s'adapter à toutes les sortes d'univers pour la simple et bonne raison qu'un bon polar parle avant tout de personnages, de leurs relations, de leurs motivations, de leurs erreurs, autant d'éléments qu'on retrouve dans tous les autres genres. De toute façon je ne suis pas très fan de cette idée de "genre", même si je suppose qu'elle répond à notre besoin de tout catégoriser. D'ailleurs en tant que lectrice, mes histoires préférées sont justement celles qui mélangent les genres. smile



Le coté Sherlock Holmes de Listak semble un peu en retrait dans le second tome et le personnage semble devoir faire face à ses propres démons. Cet éloignement est-t-il fait pour éloigner une référence trop lourde ?


Non, pas volontairement en tous cas. Comme je le disais plus haut, Listak, Evrahl et tous les autres ne sont pas Holmes, Watson, etc. Ils sont inspirés par eux, ils en ont des traits caractéristiques, mais désormais c'est en fonction de l'histoire qu'ils vont évoluer, quitte à s'éloigner de plus en plus de leurs modèles. Ça me semble naturel. Quand je pense à Listak, je ne pense plus du tout à Sherlock Holmes, il est devenu indépendant de son modèle et ça lui permet de suivre sa propre voie. Pour moi, c'est impossible d'imaginer une histoire où les héros ne changeraient pas de la première à la dernière page. Evoluer fait partie de l'existence et puis c'est beaucoup plus intéressant. Si après d'innombrables péripéties on en revient au même point, à quoi bon faire le voyage ?



Et l'aspect fantasy, comment le travaillez-vous ? Quels ont été vos référents pour cette série ?


J'ai très peu de références en fantasy. Ma culture se limite à peu près au Seigneur des Anneaux et à Robin Hobb. D'ailleurs mon Fou s'inspire fortement du sien (celui de la série l'Assassin Royal). Donc je me suis essentiellement basée sur les clichés que je connais de la fantasy (pour mieux ne pas les utiliser ou pour les détourner) et sur notre propre monde. J'ai essayé de construire des cultures que l'on puisse reconnaître facilement, de marquer les différences entre les peuples, j'ai tracé des cartes pour avoir des repères spatiaux (cartes que j'ai complétées au fur et à mesure) j'ai pas mal réfléchi sur l'ambiance de Lunargent, et puis je me suis juste laissée porter par les besoins de l'histoire. Je ne suis pas un auteur très analytique, je ne cogite pas des heures sur le pourquoi du comment, j'écris beaucoup plus à l'instinct.



D'ailleurs, vous reprenez l'un des aspects classiques de la fantasy, le mépris qui existe entre les différents peuples, et montrez les pires aspects du racisme. Est-ce que pour vous le travail de la fantasy est autant d'aborder des thèmes d'actualité que de divertir ?


Je n'y ai pas pensé de cette manière. Je suppose que dans tous les cas une bonne histoire (qu'elle se passe à l'Antiquité, dans le futur ou dans un monde imaginaire) nous renvoie forcément à nous-même et à nos propres expériences. Le racisme est une des expressions de la bêtise et de la méchanceté humaines qui m'insupportent le plus, c'est vraiment quelque chose qui me hérisse et j'ai eu envie d'aborder ce thème pour moi, parce que ça me faisait du bien d'en parler et d'utiliser cette histoire pour essayer d'en comprendre le fonctionnement. Après si ça parle à d'autres gens, c'est génial et si ça en fait réfléchir certains, c'est encore mieux. En ce qui me concerne il me paraîtrait vraiment arrogant de vouloir faire de la politique à travers mes romans, je n'ai absolument pas les compétences nécessaires pour ça. Le seul "travail" de la fantasy à mon sens, c'est de raconter une bonne histoire, comme pour toutes les œuvres de fiction. Après c'est à chaque lecteur d'en retirer ce qui lui convient, simple divertissement ou réflexion plus profonde.



La fantasy est un genre qui est à la fois en perte de vitesse au niveau des ventes et qui génère toujours de nombreuses sorties, qu'est ce qui vous différencie des autres auteurs ? Qu'est-ce que vous inspirent les sorties actuelles ?


Je suis mal placée pour répondre à cette questions, puisque, comme je l'ai déjà mentionné, je lis très peu de fantasy.  En fait, depuis Robin Hobb, je n'en ai pour ainsi dire pas lu du tout. C'est un genre pour lequel j'aime beaucoup écrire, mais que j'apprécie beaucoup moins de lire. Je ne surveille donc absolument pas les sorties et je n'ai aucune idée de ce qui se fait actuellement. Quant à ce qui me différencie des autres auteurs… Ne les lisant pas, ça me parait difficile de porter le moindre regard sur leur travail.



Pour en revenir à Sherlock Holmes, le personnage est très présent en ce moment au cinéma, à la télé ou en comics. Que vous inspire ces autres versions ? Est-ce que ce phénomène peut être une bonne chose pour Les Lunes de Sang ?


Tout d'abord ce phénomène me ravit en tant que fan. ^^ Je suis très heureuse de voir que le personnage n'a rien perdu de sa vitalité, qu'il inspire toujours les créateurs et qu'il a encore de beaux jours devant lui. Certaines de ces créations ne correspondent pas forcément à ma vision du personnage, toutes ne sont pas de très bonne qualité, mais au moins elles ont le mérite d'enrichir ses multiples facettes et à mon sens c'est toujours bienvenu. Je ne suis pas dogmatique, je suis prête à découvrir toutes les versions de Sherlock Holmes qu'on voudra bien me proposer.
Par rapport aux Lunes de Sang, je ne suis pas commerciale, donc je ne m'intéresse pas trop à ce genre de choses. Si ça attise la curiosité des gens envers le personnage et que ça leur donne envie d'en découvrir d'autres interprétations, tant mieux, j'en serai comblée. Si ce n'est pas le cas, je fais confiance au livre pour exister par lui-même, en dehors de sa sainte référence.



Une question un peu plus d'actualité, le livre numérique semble arriver en France. Qu'en pensez-vous en tant que lectrice et en tant qu'auteure ? Vous y voyez une bonne ou une mauvaise chose ?


En tant que lectrice, ce n'est pas demain la veille que vous me verrez avec une tablette numérique dans les mains. J'aime trop les odeurs des encres, le son des pages que l'on tourne, le poids du livre qu'on tient entre les mains. Et puis les livres sont de trop beaux objets pour être sacrifiés sur l'autel du "c'est plus pratique, ça prend moins de place". Je l'avoue, de ce côté-là je suis assez traditionnaliste.
En tant qu'auteur, ça me laisse indifférente. Je comprends que ça puisse angoisser les libraires, les éditeurs, les imprimeurs, etc. Il est certain que ça remet en question tout le fonctionnement de la filière livre. Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise chose, je n'en sais rien. Est-ce que ça facilitera l'accès à la publication pour les auteurs ou est-ce que ça dévalorisera leur travail ? Est-ce que ça fera baisser la qualité générale ou est-ce que ça amènera des pépites vers la lumière ? Mystère. Je n'ai pas d'idées préconçues et il est encore trop tôt pour juger, j'attends de voir. Et tant qu'on ne m'interdit pas d'écrire, je m'adapterai.


Quels sont vos projets ? Il me semble que vous avez un autre roman qui va être édité chez Lokomodo, de quoi parle-t-il ? Et bien entendu, la question que beaucoup de monde se pose, Listak et Evrahl seront-t-ils bientôt de retour ?


Listak et Evrahl devraient être de retour au mois de mai 2012, toujours chez Lokomodo, bien sûr. On ne va pas tarder à commencer les corrections du manuscrit et l'illustrateur des 2 premières couv, Michel Borderie, va commencer à plancher de son côté. Donc juste un peu de patience et vous allez bientôt savoir quelles nouvelles tortures je leur ai infligées. Hé hé hé.
Concernant cet autre roman, rien n'est encore décidé. Pour l'instant, il est sur la liste de lecture de Lokomodo. C'est un roman très différent des Lunes de Sang, un roman fantastique plus dans la veine des œuvres sur lesquelles je travaille actuellement. L'histoire d'un gamin de douze ans qui, après une fugue, s'égare dans un monde étrange et dangereux nommé Cauchemar. Il y fera un voyage douloureux et formateur.
J'ai de nombreux projets en tête, notamment terminer la série des Lunes de Sang, terminer le polar que je suis en train de rédiger, écrire un roman post-apocalyptique (dans le style du Fléau de Stephen King qui fait partie de mes livres culte), écrire un scénario de film, écrire un roman d'amour noir… Bref, il y a de quoi faire. ^^



Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre aux questions de Psychovision. Et je vous laisse donc le mot de la fin:


Eh bien, j'en profite pour remercier ceux qui ont eu le courage et la patience de me lire jusqu'ici. Merci aussi à tous ceux qui soutiennent Les Lunes de Sang et à ceux qui tenteront leur chance en allant découvrir la série. Merci aussi à mes parents, à mon frère, à ma sœur, à mon neveu, à mes amis et… Ah, pardon, on me fait signe dans mon oreillette que je ne viens pas de gagner un Oscar et que le discours de remerciement ne sert donc à rien. Oups, désolée. Bon ben du coup je vous dis juste à bientôt alors ! ^^

 

A propos de cette interview :

 

- Chronique des "Lunes de sang"

- Chronique de "La Lune Noire"

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