China Girl
Genre: Drame
Année: 1987
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Abel Ferrara
Casting:
James Russo, Richard Panebianco, Sari Chang, David Caruso...
 

Si il fallait une preuve au fait que les grandes tragédies ont traversé le flot des années sans devenir désuètes mais au contraire invariables dans leur intemporalité, elle se trouverait sûrement dans l'obsession folle de certains auteurs à retranscrire ces immortels textes dans un contexte qui n’était pas le leur. Dans le théâtre, citons Antigone en pleine ère du nazisme par Jean Anouilh, et plus cinématographiquement, Orphée transposé par Cocteau dans les années 50, Le Roi Lear devenu mafieux sous la caméra de Jean-Luc Godard, ou encore Roméo et Juliette transformé par Baz Luhrmann en opéra-danse où Leonardo DiCaprio joue du flingue entre deux tirades.
Tiens, Roméo et Juliette... En 1987, le cinéaste indépendant Abel Ferrara va s'emparer de la plus célèbre pièce de Shakespeare pour en faire un drame social dans son New York natal des années 80. Ferrara, réalisateur rythmé par la rue, la dope et la picole qui deviendra avec, par exemple, Frank Henenlotter, représentatif de toute une mouvance de cinéma new-yorkais : approche crue, sale, où une réalisation presque documentaire suit quelques paumés arpentant le bitume. Henenlotter et Ferrara sont d'ailleurs originaires du même quartier.

 

 

China Girl nous raconte l'histoire forcément tragique d'un jeune italien et d'une petite chinoise amoureux l'un de l'autre dans Chinatown enflammé par une guerre des gangs sino-italienne. Un contexte particulier qui ne sert pas de prétexte, mais que Ferrara, et c'est là toute la force du film, car Roméo et Juliette on connaît, exploite parfaitement. China Girl plonge dans les deux camps et leurs règles qui volent en éclat selon la réalité de la rue. Attentats, bagarres de bandes et au milieu, les doutes d'une population chinoise qui ne se sent pas chez elle, d'une population italienne qui se sent menacée par l'envahisseur jaune.
Et encore au milieu, Tony et Tyan qui, portés par leurs sentiments, n'aimeraient rien tant que de pratiquer le métissage. Avec les critères actuels dans les yeux, il n'est pas très facile de qualifier China Girl de violent. La première bagarre d'ailleurs, accumulant tous les clichés du film de gangs en quelques scènes, apparaît comme étrangement chorégraphiée. Malgré la réalisation réaliste de Ferrara et l'importance des scènes nocturnes, China Girl n'est pas très brut, mais compense par un caractère soudain, imprévu et une ambiance au bord de l'explosion.
Malgré des moyens que l'on devine faibles, Ferrara emballe avec China Girl un excellent petit film, comportant son lot de jolies scènes. Ferrara qui comme ses compères de l'underground new-yorkais met un point d'honneur à bien filmer la rue, la nuit, les appartements miteux, et ne s'en prive pas, s'égarant parfois dans un univers visuel tout en filtres de couleurs donnant au film un côté "gros néon" tout à fait pertinent. Le début en cela est exemplaire, où l'on comprend presque sans dialogue la portée d'une danse de trop.

 

 

Pur produit des années 80 dans son esthétisme, China Girl a plutôt bien passé le cap des années et a su conserver sa force sans souffrir de la patine ringarde de quelques-uns de ses contemporains. Une histoire classique, gonflée par un cadre original et bien traité. Culte pour certains, anecdotique pour d'autres, China Girl, déjà septième film de Ferrara, mérite d'être vu autrement qu'à l'ombre de la filmographie d'un réalisateur peu commun.

 

 

Le Cénobite Cinglé !

 

A propos du film :


# A noter la présence au casting de David Caruso, acteur dans "Terreur extraterrestre" (1980) ainsi que (plus récemment) dans les séries New York Police Blues et Les Experts : Miami.
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