Crime c'est notre business, Le
Titre original: The Split
Genre: Polar , Thriller , Action
Année: 1968
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Gordon Flemyng
Casting:
Jim Brown, Ernest Borgnine, Warren Oates, Diahann Carroll, Donald Sutherland, Julie Harris, Jack Klugman , Gene Hackman, James Whitmore...
 

McClain, gangster professionnel, revient à Los Angeles après deux ans d'absence pour s'installer chez Ellie, son ex-épouse. Il y retrouve également son ancienne associée, Gladys. Tous deux mettent au point un plan pour empocher la recette d'un match de football au grand stade de la ville. Il ne reste plus qu'à recruter des complices, de préférence des professionnels du crime. Un quatuor, trié sur le volet, est donc testé puis engagé...

 

 

The Split est à la fois l'archétype du film de hold-up (ou plus largement de casse) ainsi que du roman noir trahi pour l'écran. Basé sur l'un des nombreux romans signés Donald E. Westlake sous le pseudonyme-hommage Richard Stark, son personnage principal, du nom de Parker, outre qu'il soit blanc de peau, est à l'origine un être volontairement froid, dénué d'émotion, une constante que s'est appliqué à coucher sur papier le romancier moult fois adapté à l'écran. A ce sujet, notons que le cinéaste le plus fidèle fut John Boorman avec son "Point Blank", en 1967, dans lequel Lee Marvin fonçait tout droit, atteignant un point de non retour.

Auparavant, les adaptations de la série des Parker furent françaises, avec en premier Jean-Luc Godard et son patchwork dada-cinéphilique "Made in USA", puis Alain Cavalier qui confia le rôle de Parker à Michel Constantin pour "Mise à sac". En 1973, ce sera Robert Duvall dans The Outfit de John Flynn qui endossera le rôle de Parker avec un autre nom : Earl Macklin. A noter qu'à chaque adaptation d'un bouquin suivant les aventures de Parker, son nom à l'écran fut changé. Il en sera de même avec "Payback" de Brian Helgeland, nouvelle adaptation de "The Hunter"/"Comme une fleur" qui avait tant réussi au tandem Boorman/Marvin et dans lequel Mel Gibson se nomme Porter. Finalement, seul Jason Statham gardera le nom de notre anti-héros au cynisme glacé dans un assez médiocre et peu inspiré "Parker", réalisé en 2013 par le vétéran Taylor Hackford.

 

 

Souvent conspué, en tout cas assez mal considéré, aussi bien par les critiques qu'une intelligentsia cinéphilique peu pertinente, Le Crime c'est notre business ne mérite pourtant pas en aucun cas l'opprobre. Comme dirait l'autre, "La trahison se paye cash", mais l'accueil réservé à ce hold-up cinématographique fut et reste toujours injuste et disproportionné. Le film de Gordon Flemyng ("Dr. Who et les Daleks", "Les Daleks envahissent la Terre", La dernière grenade) eut droit à trop de procès déplacés, a fortiori pour un pur film d'action mettant en lice des bandits sans foi ni loi.

Soit, Jim Brown (se nommant ici McClain) illustre à l'écran la parfaite antithèse du personnage créé par Robert Stark, en cela qu'il n'a rien de froid, se montre relativement sympathique, enclin à l'humour, en plus d'être capable d'empathie, voire même de se venger à cet égard. Mais il n'a rien du piètre acteur au charisme néant dépeint avec haine et surtout ignorance dans certains papiers de journaleux expédiant leur sujet pour des lecteurs incultes.
Non, Jim Brown n'est pas l'homme d'un seul film, "Les 100 fusils". Non, sa carrière n'a rien de poussive, en tout cas pas si l'on ajoute, au lieu d'omettre, ses contributions hautes en couleur à des classiques tels que "Rio Conchos", "Les 12 salopards", Le dernier train du Katanga ou encore "Destination Zebra, station polaire", pour ne rester que dans années 60. Outre qu'il soit totalement pédant et malhonnête d'envoyer valser d'une pichenette les films de John Guillermin ("El Condor"), de Ralph Nelson ("Tick... Tick... Tick et la violence explosa"), de Jonathan Kaplan ("Le pénitencier"), de Gordon Douglas ("L'exécuteur noir") ou encore de James Toback ("Mélodie pour un tueur")... quoi qu'il en soit, à ce petit jeu là, ce qui apparaît clairement à taper sur le net, le titre du film, c'est que monsieur Bruno Libérator doit avoir une carrière bien poussive de journaliste pour écrire, en 2003, des articles aussi ineptes qu'inconsciemment racistes (réduire Jim Brown à un taulard, en le comparant à O.J. Simpson pour des considérations de cinquième ordre, devrait être sanctionné par un comité qualitatif journalistique avec collier d'or antiparasitaire du meilleur toutou à la clé. Quant à moi, je lui mets zéro. Soit, sans carte de presse, mais sans sourciller pour autant !). Passons donc avec mépris et revenons-en à notre business...

 

 

Là où la source de The Split, "Le Septième homme" (réédité sous le titre "Le Septième" chez Rivage Noir en 2004), misait sur la distanciation, le réalisateur et son scénariste Robert Sabaroff décident de miser quant à eux sur la carte du pur divertissement, à l'instar de ce qui fit recette dès 1960 : "L'Inconnu de Las Vegas" (remaké par Soderbergh en 2001 / "Ocean's Eleven"). Ailleurs, les influences autant que les caractères mis en scène reprennent quelques recettes déjà éprouvées : Impossible de ne pas penser à "L'Ultime Razzia" de Kubrick et son vol organisé de la recette d'un champs de course qu'on aurait transformé ici en stade de Football américain. A ce niveau, il est vrai que le détail est amusant au regard de la carrière de Brown dans ce sport.

Quant au casting, impressionnant sur le papier, il est composé d'acteurs qui n'avaient pas forcément encore percé ou assis leur réputation : Gene Hackman, ici en flic malin, fut révélé tout juste l'année d'avant dans "Bonnie et Clyde" tout comme Donald Sutherland, tueur à gages énigmatique, juste mais non dénué d'humour ("D'habitude je tue les gens pour 5000$, avec mes 85 000$ je peux donc te tuer 17 fois...") s'était fait remarquer dans "Les douze salopards". A propos de ce dernier, on remarque que Gordon Flemyng reprend trois acteurs du hit de Robert Aldrich. Bien caractérisés et utilisés, ils participent à la réussite de ce divertissement parfaitement ancré dans son époque, préfigurant même la blaxploitation de par son couple vedette (Diahann Carroll tient la dragée haute à Jim Brown), lui conférant d'ailleurs une indéniable patine, laquelle le bonifie probablement le temps passant. A propos des acteurs, on signalera aussi l'excellente prestation de Warren Oates en électronicien maître en ouverture de coffres, asthmatique et raciste. Ailleurs, Julie Harris étonne dans un rôle de cerveau et de femme forte tandis que le plus méconnu Jack Klugman ("Le détective", "12 hommes en colère") surprend par sa nervosité contenue, toujours prête à exploser.

 

 

The Split est structuré de façon simple, en trois actes :
D'abord le recrutement des spécialistes, chacun dans leur domaine et pour mener à bien le casse ; ensuite l'opération à proprement parler avec ce qu'elle comporte d'imprévus et de suspense ; puis la dernière partie, classique parmi les classiques du film noir et du film de casse encore une fois, axée sur la répartition des gains tournant en eau de boudin.

Certes, on pourrait faire le procès à Gordon Flemyng de n'innover en rien, de se contenter de reprendre les ficelles du genre et de les appliquer à la lettre en les remettant dans un contexte un peu frime d'époque (voir les split-screen du générique de début, même s'ils répondent au titre du film), de ne pas insuffler d'avantage d'épaisseur ainsi qu'une dimension plus tragique, encore que la violence soit bel et bien présente. Pourtant, c'est paradoxalement de par cette absence de jugement, au délestage de tout symbole de rédemption christique, voire même de morale, en gros, le fait de dégraisser ses personnages pour en faire de simples figures emblématiques, qu'il se rapproche des romans de Westlake et de héros cyniques et pète-sec. C'est aussi, puisque les codes du genre sont ultra balisés, ce qui en fait le rythme car, rentrant dès lors dans le vif du sujet, on peut privilégier l'action aux dépends de la psychologie, réduite à une portion congrue quoique suffisante.

Cette exploitation de hold-up dans laquelle aucun ingrédient ne manque est cependant filmée avec une assez belle vivacité, enchaînant coups de gueules, bastons, courses-poursuites, règlements de comptes, coups de pute et trahisons, le tout agrémenté d'un scope généreux et d'un score de Quincy Jones efficace et du plus bel effet.
C'est dans une optique de replacer le spectacle au niveau de ses intentions qu'il faut regarder The Split. L'ambition est évidemment mineure puisqu'il s'agit en premier lieu de divertir, mais force est de constater que le contrat est parfaitement rempli. Bref, Le Crime c'est notre business est à savourer pour ce qu'il est, à savoir un élégant, stylé et dynamique récit d'enflures, non pas à le juger à l'aune de ses propres fantasmes, eux-même basés sur une cinéphilie par trop restrictive...

 

 

Mallox

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