Haïdouks, Les
Titre original: Haiducii
Genre: Aventures , Cape et épées
Année: 1966
Pays d'origine: Roumanie
Réalisateur: Dinu Cocea
Casting:
Ion Besoiu, Marga Barbu, Amza Pellea, Elisabeta Jar, Toma Caragiu, Jean Constantin, Fory Etterle, Florin Scarlatescu...
Aka: Les Tonneaux d'or / les Hors-la-loi / The Outlaws
 

Dans la Valachie de l'ère phanariote (au 18e siècle), le "capitaine" Amza dirige une troupe de haïdouks secondés par son "frère de sang" Sarbu. Alors qu'ils se partagent un butin dans l'auberge d'Anita, la compagne d'Amza, ces bandits d'honneur sont cernés par les troupes du tyran phanariote honni. Ils ont été trahis par Sarbu, jaloux d'Amza et surtout envieux de sa maîtresse Anita. Amza est capturé, mais son sacrifice permet à la plupart de ses hommes de s'enfuir. Anita, restée seule, est violée par Sarbu. Amza, fouetté en place publique, est condamné aux travaux forcés à vie dans les geôles troglodytes de Telega.

 

 

Quelques années plus tard, Sarbu, pour prix de sa trahison, a obtenu un haut poste de commandement dans les armées du prince de Valachie et a épousé la fille de son trésorier. Anita, elle, dirige une sorte de claque fréquenté par la haute société de Bucarest dont Sarbu, qui est perclus de dettes. Le prince, lui, vient de recevoir l'envoyé du sultan ottoman qui ne lui accorde plus que quelques semaines pour achever de payer son trône, sans quoi il sera renversé au profit d'un autre phanariote plus généreux. De son côté, Anita, qui est restée en contact avec les haïdouks, n'a pas renoncé à faire évader Amza et à se venger de Sarbu...

 

 

Si ce Haiducii, quoi que plaisant, n'est pas un film particulièrement remarquable, il occupe pourtant une place (relativement) importante dans l'histoire du cinéma populaire roumain, car son succès au box-office local générera, outre des suites directes (voir plus bas), un nouveau genre alors inconnu dans le paysage cinématographique autochtone, celui du film d'aventures picaresque en costume. Un genre que l'on différenciera facilement de son aîné, le film historique épique, par l'ampleur respective des productions, et parce que le second met en vedette des personnages historiques réels (vivant dans l'une des périodes "glorieuses" où les principautés roumaines combattaient victorieusement l'Empire ottoman) et le premier des héros de fiction totalement imaginaires (l'action se déroule dans une des périodes noires de l'histoire roumaine, où les dirigeants des principautés étaient des vassaux soumis de la "sublime porte"). Un genre que l'on peut, par ailleurs, assimiler à celui des "cape et d'épée", bien que l'on n'y voit assez peu de capes, et que le présent film, qui lui servit de modèle, est pour ainsi dire totalement dépourvu de duels à l'épée. À l'inverse, on y fait beaucoup usage du pistolet (certes à poudre) et du fusil (certes à silex), et l'affrontement final tant attendu du héros et de son adversaire est un combat à mort à mains nues (!) qui n'aurait pas déparé dans un film de "lucha libre".

 

 

Autre singularité de Haiducii par rapport à un film de cape et d'épée standard (mais qui là ne sera pas reproduit dans les films suivants de la série), l'importance donnée au "méchant" qui est de fait le personnage principal du film. Certes, l'extraordinaire charisme de son interprète (Amza Pellea, sans doute le plus grand acteur du cinéma roumain) y est pour beaucoup, mais c'est bien son personnage qui est le pivot de l'histoire et qui a le plus de présence effective à l'écran. L'autre originalité de ce métrage est son héroïne à la personnalité forte et indépendante. On est ici bien loin du machisme des films de Nicolaescu, où les personnages féminins sont réduits à la portion congrue et aux simples archétypes de "maman" ou de "putain".

Mais à part l'originalité de son thème, dû à son exotisme relatif (pour un spectateur français contemporain), ce film vaut surtout pour la prestation de ses deux interprètes principaux, Amza Pellea donc et Ion Besoiu, acteurs complets (jamais doublés par des cascadeurs) et cavaliers émérites. Notons que tous deux sont à contre-emploi par rapport à leurs rôles habituels, un contre-emploi imprévu pour Besoiu puisqu'il dut remplacer au pied levé l'acteur initialement prévu (Emanoil Petrut), victime d'une grave chute de cheval au début du tournage.
Pour le reste, la réalisation d'un Dinu Cocea alors débutant, sans être mauvaise, n'a rien de particulièrement remarquable. La direction des figurants dans les scènes de foules et de combats laisse parfois à désirer, mais il semble que pour des raisons budgétaires elles aient été, la plupart du temps, tournées en une seule prise. Le montage, ou plutôt le découpage scénaristique, est assez elliptique, là encore sans doute pour des raisons budgétaires, mais l'histoire reste compréhensible et le rythme du film est maintenu sans temps morts, ce qui est l'essentiel.

 

 

Enorme succès public à sa sortie en 1966 dans les salles roumaines, Haiducii va engendrer deux suites (en fait, un diptyque tourné deux ans plus tard), constituant une première trilogie, puis en 1970 une seconde trilogie (George Lucas n'a donc rien inventé en matière d'exploitation, au cinéma, d'un filon jusqu'à épuisement) sortira sur les écrans. Soit donc, pas moins de six films en tout, ce qui en fait un cas unique en Europe orientale pour une série cinématographique présentant une continuité scénaristique. Surtout qu'il faut lui ajouter une série télévisée à destination du public français, mais qui ne serait qu'un redécoupage (le conditionnel est de rigueur, ce feuilleton semble avoir disparu corps et biens) doublé en français de la seconde trilogie, plus les deux dernier films de la première (soit les cinq films en couleur), le problème du changement de personnage principal entre les deux trilogies étant résolu en faisant agir ces deux personnages en parallèle (l'ordre chronologique des films ne serait donc pas respecté).

Quoi qu'il en soit, pour ce feuilleton, les suites filmiques sont moins réussies que l'original (ce qui pour le coup n'a rien d'original) en partie à cause de l'absence de Pellea (et pour cause) et Besoiu (remplacé par Emanoil Petrut dans le rôle d'Amza pour les deux films suivants, le personnage d'Amza n'étant plus présent dans la seconde trilogie). Des trois acteurs principaux de Haiducii, seule Marga Barbu tournera dans toute la série, bien qu'elle fût dès le premier métrage un peu trop âgée pour le rôle ; mais il faut dire qu'elle était l'épouse du scénariste (Eugen Barbu) des six films, ceci expliquant cela.

 

 

Sigtuna



En rapport avec le film :

Les haïdouks

Mi-bandits d'honneur, mi-robins des bois, les haïdouks sont surtout des résistants à l'occupation turque, luttant contre l'oppression subie par les chrétiens au sein de l'Empire ottoman. On en retrouve donc dans tous les Balkans, de la Renaissance jusqu'au début du 19e siècle et même en Hongrie au 17e siècle. Le cas des haïdouks roumains est un peu particulier, puisque aucune des principautés roumaines ne fut sous le contrôle direct des Ottomans. Néanmoins, par périodes elles durent payer tributs à leurs puissants voisins. Au 18e siècle, après avoir perdu la Hongrie, les Turcs resserrent leur domination sur la Valachie et la Moldavie (profitant de l'affaiblissement de la puissance polonaise) en imposant aux deux états des dirigeants désignés par le sultan et choisis parmi les riches familles chrétiennes orthodoxes d’Istanbul, les "phanariotes".
Dans la pratique, les trônes sont vendus aux plus offrants qui, ensuite, pressurent d'impôts leurs nouveaux sujets pour se rembourser ou s'acquitter de leur dette envers le sultan ottoman, quand l'achat s'est fait à crédit. Ce sont à ses tyrans phanariotes autant qu'aux exactions ottomanes que s'opposèrent les haïdouks roumains.

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