Vampyr
Genre: Vampirisme , Fantastique , Expérimental
Année: 2023
Pays d'origine: France
Réalisateur: Alexandre H. Mathis
Casting:
Pamela Stanford, Salomé Girod, Michel Girod, Michel Thomas, Jean-Pierre François
 

 

Vampyr d'Alexandre H. Mathis est le troisième volet de son triptyque de la mort, après Outre-tombe (2019) et Lady Usher's Diary (2022). Ici d'autant plus porté par l'actrice Pamela Stanford qu'elle y interprète pas moins de cinq personnages, certains hallucinés et d'autres hallucinants : tantôt plusieurs vivantes inquiètes, tantôt une agonisante vampirisée puis une succube, certes au-delà de la vie mais pas encore morte, une mort-vivante.

 

 

Il y a quelque chose d'authentiquement dreyerien (outre le titre et la citation du célèbre plan du sonneur de cloche à la faux du film de 1932) dans ce film de 2023. La réalité y est subvertie, métamorphosée par la présence du vampirisme, par son idée autant que par sa présence, par le fait que les personnages vivants féminins en sont conscientes, inquiètes, obsédées. Les séquences quotidiennes de jour où elles apparaissent (épluchage de légumes, conversation de jardin avec un visiteur du village, arrosage de plantes en compagnie d'une petite fille future spectatrice de l'apparition du fantôme) sont aussi fondamentalement inquiètes que les quelques séquences franchement fantastiques où la vampire erre la nuit, en extérieurs enserrés par l'obscurité, la lune, le silence ou en intérieurs, hantant l'escalier menant à la chambre du voyageur.

 

 

La vie quotidienne est, en somme, autant métamorphosée par l'idée du vampire que par sa réelle présence lorsqu'elle apparaît. Pamela Stanford vampire et succube est expressionniste tandis que la même Pamela Stanford, dans ses rôles de vivantes (aux maquillages, aux tenues et aux accents divers) est réaliste mais une réaliste déjà inquiète car se sachant en puissance d'être morte ou vampirisée.

 

 

La porte du couvent, les toits de Clairac sont eux aussi métamorphosés plastiquement par l'avancée de la nuit puis la nuit : le monde normal devient, par l'angoisse, subrepticement métamorphosé. C'était exactement la visée de Dreyer lorsqu'il avait réalisé son Vampyr de 1932. Celui de 2023 réalisé par Mathis, obtient le même effet. Une différence plastique cependant : les étranges plans baroques parfois colorés en vert ou en rouge montrant la vampire / succube. Eux sont proches d'un baroque qui se heurte à la quotidienneté de l'environnement et s'y oppose frontalement.

 

 

Pamela Stanford est, à un moment, confrontée à quelques images d'elle-même en 1976 provenant d'un autre film expérimental de Mathis, ici remontées et refilmées. Cette liaison, cette mise en relation, cette double incarnation d'esthétiques parallèles symbolisent autant qu'ils manifestent l'écoulement du temps qui est, à vrai dire, autant que l'espace, le sujet ontologique de cette trilogie.

 

 

Vampyr de Mathis approfondit - loin de vouloir rompre avec elle - la mythologie car il se veut ouvertement référentiel, conscient de l'esthétique dont il se veut l'héritier sélectif, héritier d'images autant que de mots et d'idées : les citations littéraires (La Fiancée de Corinthe de Goethe, Metzergenstein de Poe, Dracula de Bram Stoker parmi d'autres) qui émaillent parfois les intertitres de la narration, les fragments musicaux (de Chostakovitch, de Carl Orff, parmi d'autres), les illustrations et les fragments de peintures, de gravures, de bandes-dessinées, les affiches de films (certains signés par les cinéastes Vittorio Cottafavi, Riccardo Freda, Robert Hossein, Renato Polselli) composent, à mesure que le film tisse sa toile, un arrière-plan mis en abyme, une esthétique passée qui dialogue activement avec l'esthétique présente : "Cuncta fluunt, omnisque vagans formatur imago." (1) (Ovide, Métamorphoses, XV, 179).

 

 

Jusqu'aux plans filmant d'anciennes publicités et leurs savoureux arguments, devenus davantage poétiques que logiques avec le recul inexorable du temps ("Néocide extermine la vermine") composant un monde matériel passé, des arguments passés de vente à des vivants devenus "fantômes de vivants" (titre de l'article de Bergson écrit pour la Société psychique de Londres dont il était membre, ensuite chapitre de L'Énergie spirituelle) dont seul l'esprit se révèle avoir été momentanément fixé par ces slogans et ces conseils devenus curieusement étrangers, lointains, et, au fond, fondamentalement étranges. Le montage, sophistiqué et pointilliste, capable de prouesses techniques (la rencontre de la petite fille et du fantôme dans la pièce abandonnée aux miroirs) est signé Mathis et Alain Deruelle.

 

 

PS : Parmi quelques bonus intéressants annexés au film sur son DVD, je signale le très beau Spirit on Notre-Dame (France - 2023) d'Alexandre Mathis.

 

 

 

Francis Moury

 

 

(1) "Tout coule et chaque image est une forme errante."

 

 

En rapport avec le film :


# Vampyr sur le blog d'Alexandre Mathis

Vote:
 
7.71/10 ( 7 Votes )
Clics: 502
0

Autres films Au hasard...