Slaughtered Vomit Dolls
Genre: Expérimental , Trash
Année: 2005
Pays d'origine: Canada / Etats-Unis
Réalisateur: Lucifer Valentine
Casting:
Ameara Lavey, Pig Lizzy, Maja Lee, Princess Pam, Miss Pussy Pants, Allen Nasty, Hank Skinny...
 

Une prostituée signe un pacte avec le diable...
Lucifer Valentine est originaire d'Afrique Du Sud. Satanique et scarificateur à ses heures, il s'habille de costumes Hugo Boss et aime "l'absinthe, l'inceste et la torture". Il partage sa vie avec sa soeur cadette aveugle, qui à l'occasion est aussi sa compagne avec qui il pratique une sexualité épanouie dans laquelle elle lui vomit copieusement sur le corps. Oui, Lucifer Valentine est emetophile (sexuellement attiré par le vomit / l'acte de vomir). C'est lorsqu'une jeune actrice porno s'installe chez lui qu'il décide de faire un film...
Non, il ne s'agit pas là du scénario du film, mais bien du C.V. du réalisateur. Informé de la sorte, on se fait une mince idée du genre de métrage dont peut accoucher une telle personnalité... Lucifer Valentine nous annonce en toute modestie la naissance d'un nouveau genre de film, rien que ça. Il brandit alors fièrement l'étiquette "Vomit Gore" (qui a rigolé ?) et la colle sur son oeuvre. Ca sonne un poil puéril mais on se dit que si les formes sont mises, l'oeuvre a le potentiel pour être gravement outrancière, voir culte...

 

 

Alors, concrètement, ça donne quoi ? Le film peut se décrire comme une successions de plans flashs n'ayant ouvertement ni queue ni tête, le tout porté par une bande son noisy. Alors les 5 premières minutes, c'est amusant. Les plans s'enchaînent sans aucune logique à une vitesse folle (rarement plus d'une seconde, sans hyperbole). En quelques instants seulement, par exemple, on voit l'actrice principale s'adresser à la caméra, puis se tortiller ivre morte à poil sur le sol de sa salle de bain, puis supplier quelqu'un de ne pas faire quelque chose (qui ? quoi ? on n'en saura pas plus). Et ça continue... tout le film durant. Et encore, c'est pire sur la fin où les plans se contentent parfois carrément de clignoter les uns par dessus les autres façon stroboscope. Là, on déchante : on se rend compte que, en plus de se payer le luxe de n'instaurer absolument aucune structure narrative, Lucifer Valentine s'en tamponne de poser une seule scène qui se tienne !
Se revendiquant d'Harmony Korrine, il lui emprunte la passion des scénarios squelettiques et des narrations dépourvues de colonnes vertébrales, soit, mais oublie au passage de montrer quoi que ce soit. On assiste, catastrophé, à la mise à mort de la plus petite unité cinématographique qu'il soit : la scène (et encore : parfois c'est même le plan, qui disparaît). Au mieux, extrêmement lassant, au pire, complètement irritant, son montage façon "je suis un déglingo" saborde complètement le film en le transformant en véritable guirlande de Noël. Mais on ne s'arrête pas là ! On a aussi droit au best-of des meilleurs effets offerts par un logiciel basique de montage vidéo : le ralenti moche, le noir et blanc avec effet vieilli, la caméra tremblotante (houra). Bref, tout le manuel du bon vieux film de vacances fait par papy. Pour vous donner une idée, on se croirait parfois devant un épisode de Jackass réalisé par un intermittent du spectacle dopé au crack. Visuellement, on frise le niveau zéro de l'expérimental, pas une seule trouvaille à signaler.

 

 

On décide alors de temps en temps, pour reposer ses yeux à l'agonie, de fermer les paupières. Et là, horreur : la bande son aussi est une torture auditive ! Pas une once de naturel : les prises de son directe doivent représenter un pourcent du film. Le reste a été bricolé en studio sans talent : ça donne un enchevêtrement insupportable de bruit distordus, de samples agressifs affligeants de banalité, de grosses basses crades qui cassent les oreilles, de paroles et chants passés à l'envers... Pire encore : pratiquement pas une seule voix n'est laissée tel quel, toutes sont numériquement altérées, ralenties pour leur donner un timbre guttural... Tous ces effets ne sont pas forcements inintéressants dans l'absolu, mais leur sur utilisation abusive transforme le film en vraie pantalonnade, rien de plus. Techniquement, Slaughtered Vomit Dolls est au cinéma ce que le bruitisme est à la musique : une provocation ultime dans la recherche du chaos absolu. Là, ça tourne à vide.
Du coup, peu préoccupé de poser une quelconque ambiance ou de mettre en condition le spectateur, Lucifer Valentine foire aussi complètement ses effets gores, qui en plus de ne pas être si nombreux, perdent tout impact. Impossible de savoir qui est tué, ni pourquoi, et pire encore, parfois on ne comprend même pas comment. Les meurtres sont simplement annoncés et numérotés par des textes sur l'écran. Noyés dans le flot intelligible d'images nerveuses, la violence est si confuse qu'on se retrouve souvent à deviner ce qui est montré. Peut-être est ce volontaire de façon à masquer la faiblesse des effets spéciaux (l'énucléation faite avec deux faux globes oculaires achetés à la Foire fouille fleure bon l'amateurisme), mais c'est un comble pour un film ayant pour vocation de montrer le pire. Pourtant certaines scènes, à l'image de celle où un homme se faire dévorer le cerveau avant que celui-ci ne soit revomit directement dans sa boite crânienne, avaient de quoi hérisser les poils du dos. D'autres idées semblaient bonnes : le scalpe de visage, par exemple. Mais tout est désamorcé par une réalisation compilant les clichés arty (sorties de cadre intempestives, surexposition, abondance d'effets ralentis, etc.) et un montage nullissime.

 

 

La sobriété aurait sans aucun doute donné du sens à tout ce bordel, au lieu de ça, on a le droit à une pochade "pop art" que le réalisateur envisage sûrement d'exposer dans une galerie londonienne. Tout est si synthétique qu'on se contrefout complètement de ce qui peut arriver aux "acteurs" : on n'entend pas un cri, pas un bruitage crispant et on perçoit difficilement quelque chose sur l'écran. Impossible de définir une soupe pareille : on ne ressent véritablement rien, ni tension émotionnelle, ni vibration esthétique, juste une impérieuse envie de bailler de temps en temps en regardant sa montre...
Quant aux scènes de vomi, elles n'ont rien à envier à un film de soirée sur un de vos pote bourré qui s'égosillerait dans les chiottes. Et c'est bien tout ce à quoi on a droit, Lucifer Valentine n'osant pimenter les situations que dans une seule scène montrant un type gerber dans une chope avant de la reboire, la revomir, la reboire... Là encore, si le spectacle est cauchemardesque pour plus d'une génération, ceux qui ont grandi à l'heure d'Internet auront vu bien pire. On ne manquera d'ailleurs pas de se rappeler que, même dans le pays le plus puritain du monde, MTV a diffusé une scène très similaire dans "Dirty Sanchez" à 22h30 seulement. Le spectacle allait d'ailleurs bien plus loin : d'une part parce qu'il était filmé de façon crue et en plan séquence, d'autre part parce que le liquide vomi était une bière qui auparavant avait été vidée dans le rectum d'un autre mec à l'aide d'un entonnoir. Bref. C'est de la provoc' de pacotille, ni gerbante, ni sans morale, juste peu inspiré et désespérément ennuyeuse. Le tout aurait pu être sauvé par un zeste de second degré ici complètement absent : le film se pavane dans ses prétentions artistiques et conceptuelles qui n'amuseront même pas les cinéphiles et autres zozos lassés du pré mâché.

 

 

Une fois le film terminé, on est épuisé, soulagé comme après un rendez-vous chez le dentiste. On lui reconnaîtra au moins le mérite d'un certain jusqu'au-boutisme, le film se bornant tout du long à ses choix inesthétiques formels, ce qui ne manque pas de lui créer une identité visuelle (moche, mais une identité quand même). Le parti pris de pris de vouloir faire du trash avec 3 sous est aussi toujours louable, surtout dans un pays aussi conformiste que l'Afrique du Sud. Et puis, dans tout ce fatras audio-visuel, le miracle survient de façon sporadique. Il est rare, accidentel et très fugace, mais vu la médiocrité ambiante on le remarque. C'est attendrissant, mais ça ne doit pas faire oublier que Slaughtered Vomit Dolls est un film bébé et pleurnichard, toujours loin d'être extrême.

 

Croustimiel
 
A propos du film :
 
# Le film a dû rencontrer un certain succès, car une trilogie est déjà en préparation. Le second volé est en post-production, son nom : "ReGOREgitated Sacrifice".

# La soeur / compagne du réalisateur, Cinderella Valentine, s'est suicidée le 31 Décembre 2006.
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