Thomas Riquet
Écrit par Chaperon Rouge   

 

Interview réalisé le 22 décembre 2010.

 

Pour le lancement des éditions Asgard en janvier 2011, Thomas Riquet, directeur de la collection fantasy "Reflets d'Ailleurs" et attaché de presse, nous parle de l'avenir de la maison d'édition ainsi que de ses différents projets:

 

 

Bonjour Thomas ! Tout d'abord, un grand merci d'accepter cette interview pour Psychovision. Alors nos lecteurs ne te connaissent peut-être pas encore tous sous ton vrai nom, mais une chose est sûre, tu œuvres depuis plusieurs années dans de nombreux domaines de l'imaginaire et de l'édition: diffuseur, chroniqueur, créateur de plusieurs sites défendant l'imaginaire (Mythologica et plus récemment Actua Libria dédié à l'imaginaire francophone), directeur de collection, anthologiste, attaché de presse… Une chose est sûre, tu ne chômes pas !

Peux-tu nous parler un peu plus de toi et nous dire comment tu en es arrivé à travailler pour les éditions Asgard en tant que directeur de collection et attaché de presse ?

 

Bonjour Peggy !

Non je ne chôme pas en effet

Pour la direction de collection c'est une très longue histoire ! J'ai commencé il y a deux ans de ça en tant que diffuseur (attaché commercial en fait) pour beaucoup de petites maisons liées à l'imaginaire. En parallèle de cela j'ai monté le site Mythologica.net dédié aux chroniques de livres sur ces univers. L'ensemble a plutôt bien fonctionné pendant 6 mois puis j'ai été contraint de cesser mon activité de diffuseur, gardant un pied dans l'imaginaire par le biais du site. Celui-ci s'est étoffé et j'ai gagné en expérience et en connaissance dans ces littératures.

J'ai également un Master Edition et l'ensemble a conduit le directeur de Lokomodo à me proposer la direction d'une anthologie dans un premier temps puis celle de la collection fantasy des Editions Asgard. Voilà pour la petite histoire de la collection Reflets d'Ailleurs.

Cela fait maintenant neuf mois que je la dirige et c'est un plaisir de tous les instants.

Je m'occupe également des relations presse pour cet éditeur et cela s'est fait naturellement, sans que je m'en rende véritablement compte d'ailleurs

 

 

Les éditions Asgard sont toutes nouvelles sur le marché de l'imaginaire. Peux-tu nous présenter la maison d'édition et ses différentes collections ? Tu es en charge de la collection Fantasy, peux-tu nous en parler plus précisément?

 

Les Editions Asgard se lancent sur le marché de l'Imaginaire avec une volonté de proposer des romans d'auteurs français au sein de quatre collections : science-fiction, fantasy, fantastique, policier. Ce sont les quatre types de « littérature de genre », même si je déteste cette expression, qui sont les plus marquantes sur le marché actuelle. Le constat que nous avons fait est le suivant : le marché est inondé de traductions d'auteurs anglo-saxons plus ou moins intéressantes, laissant les auteurs français en retrait. En matière d'imaginaire le travail que peut faire une maison comme Mnémos est excellent mais ils ne peuvent malheureusement pas publier l'ensemble de ce que les auteurs français, fort diserts en la matière, peuvent produire. Et croyez-moi les français sont au moins aussi capables que les américains lorsqu'il s'agit d'emmener leurs lecteurs sur des terres de rêves.

 

 

Comment se passe ton travail avec les auteurs ? Quels critères président à la sélection des textes ? Peux-tu nous présenter le travail d'un directeur de collection ?

 

Le travail de directeur de collection est à la fois ingrat et passionnant. Il est ingrat car nous sommes contraints de refuser nombre de manuscrits, et cela pour diverses raisons. Qu'ils soient trop courts, trop longs, pas adaptés à la ligne éditoriale, parfois mal écrits… C'est à nous de faire le choix de ce que la maison va publier et ce poids pèse lourd car nous assumons aussi bien les échecs que les succès.

Mes critères de sélection sont assez spéciaux pour ma part puisque je ne choisis que des manuscrits m'ayant vraiment emporté. Je lis beaucoup de manuscrits mais je fais avant tout des choix de cœur, me laissant emporter dans l'univers de l'auteur. Je ne fais aucune annotation au texte lors de la première lecture, préférant prendre du plaisir en lisant avant de passer à un réel travail sur le texte.

La première tâche du directeur de collection est donc de chercher la perle qu'il va vouloir publier au milieu de la masse de manuscrits reçus. Ensuite vient le moment de travailler le manuscrit en partenariat avec l'auteur. Personnellement je suis pour le partenariat complet. Je cherche avant tout à la faire progresser, à le faire mûrir dans son style comme dans sa créativité afin que son roman soit le plus abouti possible. Je préfère discuter longtemps d'un point de détail mais que tout le monde soit satisfait de la finalité plutôt que d'imposer une vision autoritaire qui créera une certaine frustration chez chacun. L'auteur est avant tout un créatif qui a une vision d'ensemble de son œuvre. Je cherche plus à entrer dans les détails, déceler les petites incohérences que personne n'a vues…

Une autre tâche constitue à travailler avec l'illustrateur pour produire une image collant le plus possible au roman mais qui soit également capable de séduire le lecteur. Il s'agit donc de faire l'interface entre les deux créatifs afin de produire le meilleur livre possible.

 

 

Tu es à la fois directeur de collection et attaché de presse. Cette double casquette n'est-elle pas difficile à gérer ? Comment cela se passe au jour le jour ?

 

Ce n'est pas évident tous les jours en effet. Cela me facilite clairement la tâche en ce qui concerne la dure loi de l'obtention d'éléments promotionnels puisque, au moins pour Reflets d'Ailleurs, je suis au centre et gère les choses de mon côté. Mais vis-a-vis des médias cela ne me pose aucun problème car je considère ces deux activités comme différentes bien qu'elles soient intimement liées. Chacune a son savoir-faire que je tâche d'acquérir au fil du temps…

 

 

2011 va être l'année test pour les éditions Asgard, celle où beaucoup de choses vont se jouer. Peux-tu déjà nous révéler quelques éléments du planning, quelques titres à paraître dans les mois à venir ?

 

Je peux bien entendu te donner les éléments prévus du planning. Tout commencera en janvier avec un roman de Simon Sanahujas intitulé Nereliath. Un pur concentré d'action débridée où le lecteur aimant les littératures efficaces et les aventures trépidantes trouvera son plaisir. Puis ce sera au tour de Laurent Fétis d'inaugurer la collection Zone d'ombres (Policier) avec Nocturnes pour instruments divers.

Mars verra l'anthologie officielle du Festival Zone Franche paraître. Intitulée Eternelle Jeunesse elle regroupera onze auteurs représentant un panel à la fois expérimenté et novice des auteurs de l'Imaginaire.

En même temps sortira Aux Frontières de l'Aube de Guillaume Fourtaux. Un roman de fantasy politico-stratégique assez intéressant à découvrir et qui devrait en surprendre plus d'un.

Avril verra approcher un nouveau roman policier, de Ian Thirion cette fois, intitulé Inconsolables sorcières et le grand retour de Nicolas Liau à la plume avec un recueil de nouvelles fantastiques qui promet nombre de frissons de plaisir, voire de peur…

Le mois de mai sera lui aussi chargé avec la sortie du XXIème siècle de Dickerson et Pocci, recueil de nouvelles de science-fiction qui inaugurera d'ailleurs cette collection. Il sera accompagné sur les tables par La Cité Noire de Thomas John, magnifique roman de fantasy à l'anglo-saxonne avec les apprêts de la plume française. Un régal.

En juin, juste avant que vous ne quittiez le travail pour la plage vus pourrez découvrir Hydriss de Patrick Raveau, excellent roman de science-fiction ainsi que Les Miracles du Temps d'Olivier Bidchiren dans la collection Nuits d'Avril (Fantastique).

En septembre et octobre sortiront Aliénation de Jean-Michel Calvez (SF) et Faille de David Bry. Premier Souffle de Thomas C. Durand rejoint notre production d'octobre de même qu'une très grosse anthologie de ghost stories que je co-dirige avec Peggy Van Peteghem.

Ce programme est incomplet et je m'excuse si j'ai présenté plus facilement les titres de fantasy mais je les connais mieux que les autres

 

 

Tu continues parallèlement à l'édition tes activités de chroniqueur. N'éprouves-tu pas de difficultés à jongler entre tes activités de directeur de collection et de critique ? Ne devient-il pas plus difficile de chroniquer les ouvrages sur le marché en travaillant soi-même pour une maison d'édition ?

 

Encore une fois tout est histoire de casquette. Je n'irais jamais chroniquer les ouvrages de Reflets d'Ailleurs, c'est pour moi une question d'éthique. En ce qui concerne les autres titres Asgard je ne ferme pas la porte sachant que je tiens à garder mon indépendance et à pouvoir dire qu'un livre est mauvais s'il l'est vraiment…

Quant aux autres ouvrages sur le marché cela me permet aussi d'observer beaucoup de ce que font les concurrents, comment sont conçus leurs livres,… de manière plus commode finalement. Mais je tiens à garder mon objectivité malgré tout et je fais parfaitement le distinguo entre mes différentes activités même si des fois je me prends un peu pour le Chapelier Fou

 

 

Tu viens de terminer une anthologie sur le thème de la Jeunesse Eternelle qui sera l'anthologie officielle du festival Zone Franche de Bagneux en mars 2011. Comment s'est déroulé ce partenariat ? Peux-tu nous parler un petit peu de cette anthologie et de ton travail d'anthologiste ? C'était ta première expérience dans ce domaine si je ne me trompe pas ?

 

Ce partenariat s'est déroulé de manière très simple. J'ai proposé à Marie-Charlotte Delmas d'associer l'anthologie que je devais de toute manière diriger pour Asgard et le Festival Zone Franche. Elle a accepté et le travail s'est fait très rapidement car je me suis retrouvé sur des délais très courts (et les auteurs aussi, je le reconnais parfaitement). Entre le début de l'appel à texte et la fin du travail sur l'anthologie il ne s'est écoulé que 6 mois. C'est très peu pour une anthologie.

C'est effectivement ma première expérience en direction d'anthologie. Le travail d'anthologiste est totalement différent de celui de Directeur de collection. En fait ils sont aussi passionnants l'un que l'autre. Il s'agit de choisir les textes mais pas seulement en fonction de ce que l'on pense d'eux, de l'affect qui peut nous atteindre à leur lecture. Il faut penser à leur articulation les uns avec les autres. Je partais avec un texte choisi d'emblée qui me permettait de définir le thème de l'anthologie (L'Illusion Noire de Julie Blanc, jeune auteure de 16 ans). Je devais ensuite réfléchir à la manière dont les textes allaient s'emboîter les uns avec les autres pour former un tout cohérent. J'espère que ce sera le cas. En tout cas l'ensemble a su séduire la direction du Festival.

L'autre grosse difficulté à laquelle je me suis trouvé confronté est la jeunesse de la moitié des auteurs de l'anthologie. J'ai sélectionné des auteurs qui n'avaient pas ou peu publié (Vincent Mondiot, Julien d'Hem, Elodie Meste, Peggy Van Peteghem, Julie Blanc,…) et le travail a été surprenant avec eux puisqu'ils ont su être réactifs et me donner entière satisfaction sur leur travail. Je leur ai associé des auteurs bien plus expérimentés. Je pense notamment à Lucie Chenu (qui m'a également rendu un grand service en m'aidant sur la préface), Jean-Michel Calvez, le duo Eris+Sandman, Jean Millemann,.. Chacun d'eux m'a également aidé à faire mûrir ma direction littéraire, à me faire avancer en tant qu'anthologiste. Et cette expérience m'a également beaucoup enrichi personnellement. Là où l'ensemble vient se lier c'est que toute cette expérience emmagasinée sur Eternelle jeunesse me sert aujourd'hui sur Reflets d'Ailleurs.

 

 

Et je me suis laissée dire que tu avais d'autres projets d'anthologie sur le feu, dont une notamment fin 2011 aux éditions Asgard. Peux-tu déjà nous en parler un petit peu ?

 

Eh oui ! Je co-dirige avec Peggy Van Peteghem une anthologie de Ghost Stories où nous souhaitons réunir quelques-unes des plus belles plumes françaises. Nombre de grands noms ont été contactés et plusieurs ont répondu présent, les autres déclinant du fait d'un emploi du temps trop chargé malheureusement… Je ne peux pas vous donner de noms mais c'est intimidant de travailler avec des auteurs dont on a aimé les livres et qui sont reconnus pour leur talent. Intimidant et extrêmement excitant en même temps car c'est un très gros projet. Le sommaire est encore loin d'être définitif mais l'on devrait compter pas loin de trente auteurs pour une anthologie en forme de haie d'honneur de l'imaginaire au genre « fantômatique ». Nous souhaitons vraiment faire le meilleur travail possible dessus et c'est pour cela que nous prenons le temps. Vous devriez trouver de gros bébés sur les tables des libraires pour Halloween 2011, ou Samhain d'ailleurs, période on ne peut plus propice à cette thématique

 

 

On te voit donc à l'initiative de nombreux projets mais tu ne sembles pas avoir encore envisagé de passer de "l'autre côté". L'écriture t'intéresse-t-elle aussi ou préfères-tu laisser cette facette du métier à tes auteurs ? Ou est-ce plutôt une question de temps et de disponibilité ?

 

Bonne question… En fait, oui j'écris. Est-ce que je destine ces écrits à la publication ? Sûrement pas dans l'immédiat et j'ai du mal à l'envisager à long terme. Je fonctionne plutôt sur le schéma court de la nouvelle voire de la micro-nouvelle et plusieurs idées de recueils me trottent dans la tête. Je ne les réalise pas pour le moment car le lancement d'Asgard me demande beaucoup de temps mais peut-être un jour Cendrelune sortira-t-elle de son fourreau, qui sait ?

 

 

Quel regard portes-tu actuellement sur le livre et l'imaginaire en particulier ? Que penses-tu de l'ouverture de plus en plus grande vers le numérique ?

 

Il est difficile de se projeter quelques années en avant pour savoir ce que deviendra réellement le numérique. Personnellement je crois à l'avenir des livres papier et en la pérennité de leur succès. Alors bien sûr le numérique va gagner des parts de marchés mais à l'heure actuelle le modèle économique viable demandé par ce système n'a pas été trouvé, malgré quelques très belles tentatives.

Personnellement je ne pourrais pas lire un roman sur tablette du type Ipad ou sur liseuse. Cela m'est totalement impossible. J'ai besoin de cette odeur, de ce toucher que me procure l'objet-livre. Si je devais choisir entre toutes les choses matérielles en ma possession je sauverais mes livres, pas mes fichiers numériques. Pour moi cela veut tout dire

D'un point de vue éditorial, Asgard ne se ferme pas cette porte même si l'accent va dans un premier temps être mis sur le papier. L'équipe n'a pas encore vraiment discuté de ce qu'il pourrait être possible de faire dans l'optique du numérique donc affaire à suivre !

 

 

Thomas, je te remercie pour ta disponibilité et tes réponses à nos questions. Je te souhaite beaucoup de réussite dans tes divers projets ainsi qu'aux éditions Asgard ! Et je te laisse le mot de la fin:

 

Merci pour tes questions. Psychovision fait partie des sites majeurs pour les lecteurs cherchant des informations sur l'Imaginaire et cela est un honneur que tu m'aies contacté pour cette interview.

Quant à tes lecteurs j'ai juste envie de leur dire : Continuez à rêver !

Et retrouvez-nous dès le 7 janvier en librairie et pour la soirée de lancement de Nereliath !

 

 

 

A propos de cette interview :

 

- Site des éditions Asgard : http://www.editions-asgard.com/ (en construction)

- Site d'Actu-Libria : http://www.actua-libria.fr/