Immoralità, L'
Genre: Thriller , Drame
Année: 1978
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Massimo Pirri
Casting:
Howard Ross, Lisa Gastoni, Karin Trentephol, Mel Ferrer, Andrea Franchetti, Angela Luce, Wolfango Soldati...
 

Federico Anselmi est un homme traqué. Tueur pédophile, il vient tout juste d'enterrer sa quatrième victime, après l'avoir violé puis étranglé. C'était une gamine d'environ douze ans, comme les précédentes, et elle a subi le même sort que les autres. A présent, la police est à ses trousses. L'homme parvient à s'enfoncer dans la forêt, après avoir été blessé par balle à un bras. A bout de force, il perd conscience. A son réveil, il remarque que quelqu'un l'observe... une fillette... onze ans, douze tout au plus. Mais elle n'a pas peur, montrant au contraire un air frondeur. Elle s'appelle Simona, vit dans une propriété située à la lisière des bois, en compagnie de ses parents. Sa mère, Vera, aborde la crise de la quarantaine sous de mauvais auspices. Mariée à un homme riche mais impotent, elle se console en ville dans les bras d'autres hommes qu'elle jette comme des kleenex après s'être offerte à eux. Le mari, quant à lui, vit replié sur lui-même au premier étage du domaine, avec pour seules passions les armes à feu et les pendules. C'est dans cette ambiance particulière que Simona décide de cacher le fugitif dans un ancien pavillon de chasse tombé à l'abandon. Jusque là, la petite fille n'avait pour compagnons que d'innocentes tortues. Mais Simona pense avoir trouvé enfin l'ami dont elle rêvait. Une complicité commence à naître entre le criminel et la gamine, qui va peu à peu évoluer dans une relation malsaine...

 


Réalisé en 1978, "L'immoralità" fit scandale à sa sortie, essentiellement pour une scène (il est vrai marquante) située à la fin de la première heure. Dans cette scène, Howard Ross, dans le rôle de Federico, entre dans une salle de bain, et observe Simona occupée à ses ablutions. La fillette finit par le voir, sort de la baignoire sans le moindre geste de pudeur, se sèche avec une serviette en souriant à l'homme, avant de s'allonger par terre, nue, invitant l'adulte à lui faire l'amour. Federico se déshabille, et s'exécute. Le passage est saisissant de réalisme, et a dû choquer plus d'un spectateur. Histoire d'en rajouter une couche, Simona déclare vouloir un enfant de lui. Même si la gamine ignore que cet homme qui a largement l'âge d'être son père est un tueur pédophile, la scène a effectivement un côté malsain, accentué par le fait que l'actrice choisie pour incarner Simona (Karin Trentephol, dont ce sera l'unique apparition dans un film) fait vraiment son âge, à savoir celui d'une enfant âgée d'à peine plus de dix ans.

La sexualité, lorsqu'elle implique des enfants, est indubitablement un sujet à risques lorsqu'un cinéaste décide de l'évoquer, car tabou. Le cinéma de genre possède quelques exemples, comme "Jeux interdits de l'adolescence" ("Maladolescenza", de Pier Giuseppe Murgia – 1977), dans lequel un adolescent et deux fillettes faisaient leur apprentissage de l'amour, ou encore "Libidine", avec la jeune héroïne qui faisait l'amour avec son serpent.

Mais le cinéma d'auteur n'en est pas moins en reste ; en témoigne "La petite", de Louis Malle (qui date aussi de 1978, avec une Brooke Shields alors âgée de treize ans initiée à la sexualité par les prostituées d'un bordel). On pourrait citer aussi Patrick Dewaere, tombant amoureux de sa belle-fille de quatorze ans dans "Beau-Père", de Bertrand Blier (1981) ; Philippe Léotard se faisant allumer par une gamine du même âge dans "La petite sirène", de Roger Andrieux (1980) ; sans oublier l'excellent "Préparez vos mouchoirs" de Bertrand Blier (encore lui), réalisé en 1977, où l'on pouvait voir une Carole Laure frigide trouver l'épanouissement sexuel avec un garçon de treize ans.

 


Evidemment, ce qui peut choquer dans "L'immoralità", c'est cette passion malsaine entre une fillette et un tueur pédophile. Un sujet "casse-gueule" que Massimo Pirri parvient néanmoins à maîtriser. Son film tient la route, grâce à une étude approfondie de ses personnages, qu'il prend le temps de développer et de faire connaître au spectateur, qu'il s'agisse du père, de la mère, de la fille et de l'intrus venu s'immiscer dans une famille totalement éclatée. Tout cela est également facilité par l'interprétation sans failles des protagonistes. Lisa Gastoni, qui incarne Vera, une femme aigrie, haineuse, qui se voit vieillir, recluse dans une prison dorée avec un mari invalide qu'elle déteste, est tout simplement magistrale. Cette actrice a fait une belle carrière, avec des grands noms du cinéma de genre italien ("Marie la rousse, femme pirate", d'Umberto Lenzi – "I maniaci", de Lucio Fulci).

Dans les années 70, on la verra dans quelques films marquants, en dehors de celui-ci, comme "La seduzione" (Fernando Di Leo) et "Scandalo" (Salvatore Samperi). Son mari, dans le film, n'est autre que le formidable Mel Ferrer, grande figure du cinéma hollywoodien ("Scaramouche", "Les Chevaliers de la Table ronde..."). Au seuil des années 70, il entame une nouvelle carrière dans le cinéma-bis, et on le verra ainsi dans des films comme "L'antéchrist", "Le crocodile de la mort", "Le grand alligator", "La secte des cannibales" et "L'avion de l'apocalypse". Il compose ici un homme riche mais terriblement seul, que seul l'amour pour sa fille maintient en vie. Les adultes le méprisent, rejetant presque son existence (à un point tel que son nom n'est jamais mentionné dans le film). Il a perdu le respect des autres en perdant l'usage de ses jambes, et seule la tendresse de Simona lui apporte un peu de réconfort, dans cette partie de la propriété où il s'est isolé, avec ses fusils et ses pendules. Et puis, il y a Howard Ross ("La louve sanguinaire", "L'éventreur de New-York"), un acteur italien un peu trop souvent cantonné à des seconds rôles, et qui livre aussi une prestation convaincante dans un rôle ingrat et pour le moins délicat. Il s'en tire bien, dans l'ensemble, notamment dans certaines expressions, comme le regard qu'il porte à Simona quand celle-ci sort de son bain.

 


"L'immoralità" se passe pour l'essentiel en huis-clos, à savoir dans la propriété et ses alentours. Quelques scènes se déroulent également dans la ville avoisinante, permettant de faire connaissance avec les rôles secondaires qui ont aussi leur importance, comme celui du chef de la police, qui rêve autant de coucher avec Vera (fantasme qui causera sa perte) que d'arrêter le criminel en cavale. Une tâche qui lui est compliquée par Antonio (Wolfango Soldati – "Action immédiate"), un excité de la gâchette qui a levé une partie des citadins pour former une milice bien décidée à lyncher le tueur pédophile sans autre forme de procès.

Le film a été tourné à Vigevano, en Lombardie, dans le nord de l'Italie. Un cadre magnifique contrastant avec la noirceur d'âme de ses habitants. Massimo Pirri, le metteur en scène, n'a réalisé que sept films entre 1976 et 1986. La plupart n'a pas traversé nos frontières, à l'exception de "Tunnel" (1980), un drame sur la drogue avec Helmut Berger et Corinne Cléry.

"L'immoralità" est une oeuvre sulfureuse et aboutie, qui nous dresse un tableau édifiant d'une famille bourgeoise en pleine déliquescence, d'adultes en proie chacun à leurs démons, et d'une enfant dont la maturité croit plus vite que son corps.

En dehors de la scène de la salle de bain, on peut relever d'autres passages marquants, comme celui où Federico, blessé au bras, a besoin d'un bandage. Dans l'impossibilité de trouver un linge propre, Simona finit par enlever sa petite culotte pour en faire un pansement. Les dialogues l'opposant à sa mère sont aussi des joutes oratoires percutantes, et le cinéaste démontre en ces occasions que la petite Simona possède autant de répartie qu'un adulte. Vera conseille à un moment à sa fille de se masturber. Plus tard, c'est Simona qui accuse sa mère d'être frigide. Rivalité dans les mots, et rivalité dans les actes : en devenant la maîtresse de Federico, Vera fait de sa fille une ennemie. Le vice va aller encore plus loin dans l'esprit de la mère de Simona, puisqu'elle va exercer sur le pédophile un odieux chantage. Qu'importe les actes ignobles qu'il a commis, elle n'en a cure. Seul compte le service qu'il peut lui rendre. A l'exception du père, les personnages adultes se montrent dans l'ensemble sous un jour peu glorieux. "L'immoralità" dresse un tableau peu flatteur pour l'homme, qu'il soit criminel ou policier, bourgeois ou fils du peuple. Agrémenté d'une partition musicale d'Ennio Morricone agréable (sans être remarquable), il s'agit là d'une oeuvre à la fois licencieuse et subtile qui mérite le détour.

 

 

Note : 8/10

 

Flint
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