Black Dragons
Genre: Espionnage
Année: 1942
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: William Nigh
Casting:
Bela Lugosi, George Pembroke, Joan Barclay, Clayton Moore, Robert Frazer...
Aka: Yellow Menace
 

1942 - Alors que quelques mois plus tôt les nippons ont traîtreusement attaqué la flotte américaine, hommes d'affaires et politiciens assistent à une réception chez le docteur Saunders. Tandis que le champagne et les Ferrero rochers coulent à flots, ces fous enivrés par les vapeurs d'alcool, désireux de se hausser du col et de se donner de l'importance devant les convives féminines, n'hésitent pas à révéler devant toute l'assemblée des secrets stratégiques. Mal leur en prend, car comme chacun sait, les murs ont des oreilles (qui ne sont pas celles d'un sourd, oui... même celles d'un mur aveugle) et la cinquième colonne nippone, tapie dans l'ombre, n'en perd pas une miette. Le résultat ne se fait pas attendre : les ponts sautent, les trains déraillent, et une dizaine de types déambulent dans une cour d'usine. Autrement dit : l'industrie militaire américaine, frappée en plein cœur par ces saboteurs, est au bord de la paralysie. Dissimulés sous l'apparence anodine d'honnêtes businessmen yankees, les perfides espions à la solde d'Hirohito s'esclaffent et s'auto-congratulent dans le repaire de l'abject Saunders. L'Amérique à genoux va-t-elle céder devant eux ?

 

 

Non, car arrive d'on ne sait où et on ne sait comment (ah si, en taxi) le sombre et effrayant instrument de la justice divine, qui va s'abattre sur eux, comme 600 ans plus tôt le kamikaze s'abattit sur la flotte mongole pour sauver leurs îles méphitiques (juste retour des choses). Et cette justice divine, ce terrible mais mérité châtiment, prend la forme inquiétante, quoiqu'un peu voûtée et empâtée, de "Monsieur Colomb" (en français dans le texte), incarné par Bela Lugosi. D'emblée, la peur se lit sur les traits des agents nippons car, même dans leurs ridicules maisons aux parois de papier de riz décorées d'estampes zoophiles, ils ont entendu parler du "Dracula" de Tod Browning. Mais déjà le vengeur les a frappés à la tête, et les six membres de l'affreux insecte ne vont pas tarder à tomber. L'un d'eux choit déjà sous ses coups. C'est alors qu'arrive une donzelle se réclamant de la parentèle de Saunders. Serait-ce une moderne Dalila extrême-orientale, perfidement dissimulée sous les traits d'une descendante des hardis pionniers du Mayflower qui, grâce à ses charmes tentateurs, espère détourner notre übermensch au nom français et à l'accent hongrois de sa noble mission ? Non... non car elle possède le postérieur charnu et le visage honnête et sans attrait d'une fille de fermier du Wisconsin...

 

 

Oui, euh... pardonnez moi, je me suis laissé emporter par l'ambiance de ce "Black Dragons", film de propagande anti-japonais de 1942, ou plutôt film surfant sur les sentiments anti-japonais du public américain suite à l'attaque de Pearl Harbor. Et là, petite déception quand même, le film se montre extrêmement "light" en matière de racisme anti-asiatique, beaucoup moins en tous cas que la première "Bessonnerie" venue à destination des "cailleras" de banlieue. Point donc de ces épithètes délicieusement politiquement incorrects ("face de citron", "bridé" et j'en passe) qui font tout le sel des pulps de l'époque.
Il faut dire que le film réussit l'exploit de traiter d'un réseau d'espionnage japonais sans qu'il y ait un seul rôle d'asiatique plus important que celui de figurant (à part dans un flashback).
Bon, soyons clair, il s'agit d'une série B au sens premier du terme, un film court (une heure) et à petit budget (ici vraiment très modeste) précédant le film principal à une époque où les séances de cinéma comprenait deux films et un entracte. Mais ce "Black Dragons" bénéficie (ou souffre, selon l'humeur du spectateur) d'un scénario particulièrement inepte qui fait tout son charme. Inepte, non pas à cause de la nature réelle de la menace, d'ailleurs révélée dès le premier quart d'heure, mais plutôt à cause de l'identité véritable du personnage de Lugosi, et surtout de ses motivations, sans oublier le modus operandi de sa vengeance. De fait, on ne saurait parler de film de propagande tant les "américains", et en particulier le couple de jeunes premiers, ne font rien d'autre qu'assister passivement aux événements.

 

 

Je n'insisterai pas sur la genèse du film et ses participants, vous invitant pour plus de détails à consulter le remarquable livret de présentation, accompagnant le DVD, signé Jean-Pierre Putters.
Disons, pour résumer, qu'hormis sa tête d'affiche, le casting est très marqué série B, voir C, voire... (oui, ok). Le chef des méchants espions, George Pembroke, sortait des serials "Drums of Fu Manchu" et "Les aventures du Capitaine Marvel". L'interprète du jeune inspecteur, Clayton Moore, accèdera à la célébrité dix ans plus tard dans le rôle titre de la série télé (avatar "moderne" du serial) "The Lone Ranger", où il retrouvera d'ailleurs George Pembroke dans un rôle secondaire. La "jeune première", Joan Barclay, trouve ici le rôle le plus important de sa carrière, elle croisera elle aussi Pembroke et Lugosi à plusieurs reprises ; ce qui n'a rien de surprenant, tout ces acteurs étant sous contrat dans les années 40 avec la Monogram de Sam Katzman, la plus huppée (ou plutôt la moins pauvre) des compagnies de la Poverty Row. Le réalisateur Will Nigh, fils d'émigrants allemands, né Emil Kreuske à Berlin au Wisconsin (ça ne s'invente pas), est un véritable stakhanoviste des films de série B, avec pas moins de 120 réalisations entre 1914 et 1948. Dans l'ensemble, l'interprétation et la réalisation sont certes sans génie mais pro et carrées.
Le film reposant presque exclusivement sur les épaules de Bela Lugosi (et n'aurait sans doute pas connu d'édition DVD s'il n'avait pas été présent au générique), je ne saurais conclure cette modeste critique sans évoquer son interprétation : et bien, euh, Bela Lugosi joue dans ce film, voilà... c'est fait, c'est dit, vous êtes prévenu. Non, plus sérieusement, quoiqu'on puisse penser de son jeu d'acteur (et il est ici relativement sobre, sans trop de "tics de sur-jeu"), on est obligé de lui reconnaître un indéniable charisme qui éclate d'autant plus dans ce métrage que le reste du casting en est entièrement dépourvu.
Bref, un film qui mérite largement d'être vu.

 

 

Sigtuna

 

En rapport avec le film :

 

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