Patterns
Genre: Drame , Document
Année: 1956
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Fielder Cook
Casting:
Van Heflin, Everett Sloane, Ed Begley, Beatrice Straight, Elisabeth Wilson, Joanna Roos...
 

Une journée de travail commence dans le building new-yorkais de la Ramsey and Co, puissante société industrielle, où secrétaires et employés s'affairent. Pour Fred Staples, venu de province avec sa femme, c'est le premier jour au siège de la société. Tout a été fait pour qu'il se sente comme chez lui dans son nouveau poste directorial. Il fait la connaissance de Bill Briggs, le sympathique vice-président de la compagnie, dont le bureau jouxte le sien. Le même jour, Staples participe à sa première réunion du comité directeur, lors de laquelle Briggs est violement pris à partie par le PDG Walter Ramsey. Par la suite, Staples se voit affecter les mêmes taches que Briggs, et comprend rapidement qu'il est là pour le remplacer…

 

 

Patterns est la version cinématographique d'une dramatique télé de 1955 qui eut un grand retentissement lors de sa diffusion. A l'époque, les magnétoscopes n'existaient pas et les limites techniques imposaient de tourner en direct (comme une pièce de théâtre) sans qu'il y ait moyen de sauvegarder l'œuvre (autre que filmer un écran de télévision avec une caméra cinéma, ce qui ne donnait pas des résultats très satisfaisants). Les "pièces" jugées dignes d'être immortalisées avaient donc droit à une deuxième "existence" cinématographique, dans des versions allongées (les téléfilms durant à l'époque une cinquantaine de minutes), ce qui permettait d'introduire quelques scènes d'extérieurs, et avec une star à l'affiche (ici Van Heflin). Un des cas les plus célèbres de ce genre de "conversion cinématographique" étant 12 hommes en colère avec Henry Fonda.

 

 

Si Patterns a eu droit à cette "immortalisation", c'est grâce à son thème aussi original que bien traité (c'est-à-dire de façon réaliste et crédible, en tous cas aux yeux d'un non spécialiste) sur les rapports humains au sommet d'une grande société. Ici, il ne s'agit pas vraiment de luttes de pouvoir au sein d'une entreprise, mais plutôt de violence psychologique et de harcèlement moral. Harcèlement moral dans le cadre professionnel, voilà un thème qui, un demi-siècle plus tard, est resté particulièrement d'actualité.
Gardons-nous, toutefois, de faire des comparaisons avec les nombreux faits divers récents dans notre pays. Ici, ce harcèlement ne répond pas qu'à une logique financière cynique d'économie de frais de licenciement (quitte à détruire l'existence d'un être humain). Si Ramsey veut se débarrasser de Briggs (qui, en tant que vice-président, n'est pas révocable), c'est pour liquider le dernier reliquat d'un héritage paternel qui lui pèse, avatar dans le cadre professionnel du freudien meurtre du père. C'est aussi une allégorie du passage brutal, de la société américaine, d'un capitalisme industriel et paternaliste se sentant responsable de ses employés, à un capitalisme financier et prédateur uniquement préoccupé par les bénéfices à distribuer à ses actionnaires.

 

 

Patterns est un paradoxe : ce n'est presque pas un film (seules les séquences d'introduction dépassent l'aspect théâtre filmé, mais elles sont quasiment inutiles). Les personnages secondaires sont unidimensionnels et stéréotypés (les secrétaires célibataires, quelque soit leur âge, et dont l'existence se résume à leur profession et à l'attachement qu'elles ont pour leurs supérieurs) ; ou n'existent que par leur rapport avec l'un des personnages principaux (l'épouse de Staples, qui n'est là que pour le mettre face à ses contradictions ; le fils adolescent d'un Briggs veuf et sexagénaire qui n'est là que pour rendre sa chute plus pathétique). Et pourtant, ce métrage fonctionne parfaitement, grâce à la finesse des situations et des dialogues signés Rod Serling ; mais surtout grâce à la remarquable interprétation du trio vedette, et en particulier d'Everett Sloane dans le rôle du patron froid et tyrannique, qui pourrait facilement être caricatural mais qu'il arrive à rendre humain.

Si ce métrage brille par son scénario et son interprétation, on n'en dira pas autant de sa réalisation. Son origine télévisuelle, pour ne pas dire théâtrale, se ressent, et Patterns est bien plus un film de Rod Serling (son scénariste) que de Fielder Cook (son metteur en scène). Ici, pas d'effets de style ni de travellings de folie, seulement de la caméra fixe placée dans l'axe de la pièce ou du couloir (et "boum", on tourne). Vous me direz que John Ford ou Riccardo Freda n'étaient pas non plus de grands fanatiques du travelling, et ils furent pourtant de grands cinéastes. Certes, mais reconnaissons que l'esthétique, le "rendu plastique" de leurs films étaient d'un tout autre niveau. Là, on a un honnête technicien issu de la télévision et qui y retournera très vite. Le seul mouvement de caméra de tout le film a lieu lors du générique de début, la caméra part d'une église néogothique, que l'on voit ensuite écrasée par les buildings d'affaires qui l'entourent, avant de terminer sur l'immeuble de la Ramsey and Co. Hélas, tout cela est filmé à contrejour (sans doute plus par impréparation et manque de moyens que par maladresse) et gâche ce qui aurait pu être une métaphore (grossière mais efficace) du capitalisme à l'américaine, mais symbolise par contre les limites de ce film.

 

 

Malgré ces défauts formels, on aurait tort de se priver de la vision d'une oeuvre aussi intéressante et originale dans son propos.

Note : 7,5/10

Sigtuna


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# La fiche dvd Wild Side de Patterns

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