Mabuse attaque Scotland Yard
Titre original: Scotland Yard jagt Dr. Mabuse
Genre: Policier , Krimi
Année: 1963
Pays d'origine: Allemagne (RFA)
Réalisateur: Paul May
Casting:
Peter van Eyck, Dieter Borsche, Walter Rilla, Klaus Kinski, Werner Peters, Sabine Bethmann...
Aka: Le Dr. Mabuse contre Scotland Yard / Scotland Yard traque Dr. Mabuse
 

Aux archives de la police de Hambourg l'inspecteur Vulpius fait classer le testament du célèbre et décédé Docteur Mabuse, mais celui-ci, piégé, explose et blesse un des employés. Le monde en a-t-il donc fini avec le diabolique Mabuse, alors que viennent de disparaître les dernières traces de son génie maléfique ? Hélas non, car l'esprit de ce dernier a pris possession de celui du neurologue Pohland, directeur de l'asile où l'enveloppe charnelle de Mabuse est passée de vie à trépas. L'organisation criminelle de Mabuse est donc remise en place, et fait libérer l'ancien médecin militaire (et chercheur) anglais George Cockstone, détenu par les forces d'occupation britannique en Allemagne. Cockstone, passé entre temps sous le bistouri d'un chirurgien esthétique véreux, se fait engager comme assistant du professeur Lorentz, scientifique hambourgeois travaillant sur un appareil de contrôle de l'esprit humain. Cokstone dérobe le prototype de Lorentz pour le compte de Mabuse, et s'en sert pour faire assassiner le professeur par un paisible facteur. Toute l'organisation de Mabuse, Cokstone et la machine comprise, passe alors en Angleterre...

 

 

Sorti en 1963, au plus fort de la vague krimi en Allemagne, et alors que la série des Docteur Mabuse (remise au goût du jour par Fritz Lang lui-même avec "Le diabolique docteur Mabuse", en 1960) battait son plein, ce film mélange les deux "franchises" star du cinéma populaire (et policier) allemand, et ceci jusque dans son titre. A première vue, ce "mixe" peut paraître une idée saugrenue, tant les deux univers semblent éloignés. Pourtant, quand on y regarde de plus près, on se rend compte qu'il ne s'agit pas que d'une raison "marketing". En ce début des années 60 la CCC, maison de production d'Artur Brauner, accueille dans ses studios hambourgeois et ouest-berlinois les premiers krimis de la Rialto. Jaloux du succès de ceux-ci, Brauner décide de produire ses propres krimis.
Ici, une parenthèse s'impose : ce que nous appelons krimi (dans les pays non germanophones) c'est ce que les Allemands appellent les "Edgar-Wallace-Filme", les films adaptés du romancier anglais Edgar Wallace (pour plus de précisions je vous invite à consulter la critique par Flint de The College Girl Murders, qui comprend une présentation détaillée du "genre"). Notons que krimi, l'abréviation de "kriminalfilm", désigne en Allemagne l'ensemble du cinéma policier.

 

 

Hélas, la totalité des droits des romans d'Edgar Wallace est détenue par la Rialto. Pas grave, se dit Brauner, car Wallace a un fils qui se prénomme aussi Edgar (Bryan Edgar en fait, mais bon, le public est aisé à berner), et oeuvre également dans le roman de gare. Il suffit donc d'acheter les droits d'adaptation de tous ses ouvrages. Hélas encore, les livres du fils n'ont aucun rapport avec ceux du père, et renferment de nébuleuses et rocambolesques histoires d'espionnage et de savants fous rêvant de dominer le monde, à l'aide de machines infernales plus ou moins grotesques. Pas grave non plus, se dit à nouveau Brauner, on utilise le nom de l'auteur en gros dans le générique, celui du roman adapté en tout petit, et on en tire un scénario sans aucun rapport avec le livre, mais imitant les krimis de la Rialto. Naîtront ainsi les deux premiers "Brian Edgar Wallace" de la CCC. Hélas toujours (pour Brauner), le public allemand préfère les originaux aux copies, alors qu'au même moment la série des "Docteur Mabuse", le produit phare de la CCC, connaît aussi des résultants décevants au Box Office. Et là, germe cette idée dans l'esprit fécond d'Artur : "Putain, mais les bouquins du Bryan Edgar c'est en britannique et en moins bien, ce que Ladislas (Fodor) fait lorsqu'il adapte aux goûts du jour les histoires de Mabuse. Je n'ai qu'à lui (Ladislas Fodor, le scénariste des Mabuse de la CCC, et déjà d'un Brian Edgar Walace) demander d'adapter réellement un de ces romans en mettant à la place du méchant d'origine, anonyme et sans charisme, le vrai, le seul, l'unique, Mabuse. On met un préambule en Allemagne pour faire la liaison avec le précédent Mabuse ("Le testament du docteur Mabuse"), et le reste de l'histoire à Londres pour faire krimi, et hop, le tour est joué, on a un Wallace-Mabuse."

 

 

Si l'idée de faire un krimi avec le docteur Mabuse n'était donc pas si saugrenue, force est de constater que le résultat n'est pas très convaincant. La plupart des éléments qui font le sel des krimis manquent (l'aspect whodunit, les méchants subalternes hauts en couleurs), et même l'enquête policière est réduite à la portion congrue. Alors certes, on n'a pas le temps de s'ennuyer, et heureusement, les péripéties rocambolesques s'enchaînant rapidement, empêchant le spectateur de trop constater l'inconsistance du plan de Mabuse pour contrôler le Commonwealth britannique (pourquoi le Commonwealth d'ailleurs ? Mabuse doit aimer les haricots à la tomate au petit déjeuner, à moins que ce ne soit les filles androgynes, ou bien les Shortbread). Pour faire plus krimi, on a appelé Klaus Kinski, l'une des plus familières figures des films de la Rialto, qui a même ici un rôle beaucoup plus conséquent que dans tous les krimis véritables (son personnage survit jusqu'au dénouement, c'est dire). Mais c'est un rôle qui ne sert à rien, si ce n'est à empêcher Van Eyk/Tern ou Peters/Vulpius de soliloquer, et quand ces deux autres policiers sont ensemble à l'écran, leur collègue, incarné par Kinski, se contente de les écouter poliment sans dire un mot. Un Kinski qui, par conséquent, se montre étonnement sobre dans son jeu, presque transparent. De son côté, le grand Wolfgang Preiss, le Mabuse des années 60, a beau avoir son nom en gros au générique, il n'apparaît en tout et pour tout qu'une dizaine de secondes dans ce métrage, et encore en surimpression, puisque son personnage (le vrai Mabuse) est mort avant le début du film. Dans le rôle du héros, Van Eyck ne force pas son talent, gardant la même attitude cool et flegmatique en toute circonstance, que ce soit quand il badine avec sa mère (représentant ici l'élément comique inhérent au krimi), quand il manque de se faire exécuter, ou quand il sauve la jeune et jolie fille en détresse (autre élément indispensable au krimi, incarné ici par la pas très jolie Sabine Bethmann). On notera aussi la présence fugace du colosse Ady Berber, dans un rôle court mais saisissant (celui du bourreau), mais il faut reconnaître qu'avec des cheveux et un complet veston il est beaucoup moins impressionnant.

 

 

Si, par la suite, et Mabuse et les krimis "Bryan Edgar" continueront leur route au cinéma, ce sera sur des voies différentes qui ne se croiseront plus.

Sigtuna


Note : 6/10 pour cet hybride

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