Etrange pari que de confier la suite officielle du médiocre film de Stuart Rosenberg à un réalisateur italien ayant fait son beurre à la grande époque du film bis italien, dans des films souvent assez politiques (comme le magnifique "El Chuncho", western penchant fort à gauche). Mais lorsque l'on sait que le producteur de la chose est également italien et se nomme Dino De Laurentiis, on comprend mieux les raisons, le fameux nabab étant un adepte des choix audacieux, puisqu'on lui doit les mégalomanes "King Kong" et "Flash Gordon", deux films confiés respectivement à John Guillermin et Mike Hodges, deux réalisateurs embarqués avec plus ou moins de bonheur dans les délires de leur producteur. Damanio Damiani se lance donc là-dedans, se basant sur un scénario rédigé par Tommy Lee Wallace, proche collaborateur de John Carpenter, qui pour l'occasion adapta un livre dédié entièrement à la véritable histoire d'Amityville écrit par un de ces parapsychologues américains jamais avares de sensations.
Amityville 2 est en réalité la préquelle du premier film et nous dévoile l'histoire vraie du meurtre de la famille DeFeo (qui devient la famille Montelli dans le film) par le fils aîné, Ronald Jr. (qui devient Sonny ici). La mère, le père (joué par Burt Young, paumé entre deux "Rocky"), les deux enfants en bas âge et la soeur de 18 ans, tout le monde y passe, ce qui donnera bien entendu lieu aux séquelles que l'on connaît, avec l'histoire de la famille Lutz vue dans le premier film. Mais bien sûr la maison était déjà hantée au moment où les Montelli emménagent, sinon ça ne serait pas drôle. Et puis Ronald DeFeo a lui-même déclaré avoir agit pour obéir aux voix qu'il entendait, alors bon, s'il vous plaît, je vous en prie. C'est donc logiquement que Damiani va utiliser avec joie les nombreux poncifs du film de maison hantée durant la première partie.
Mais la surprise est que ça marche à merveille ! Pas une once d'humour n'est présente dans le film et le réalisateur s'applique consciencieusement dans sa mise en scène. Les mouvements de caméra sont inventifs, entretiennent une menace pesante et tous les effets paranormaux classiques (sang qui coule de l'évier, portes qui se claquent toutes seules, courants d'air, objets qui bougent, présence d'insectes putrides et découverte d'une pièce cachée...) s'en trouvent crédibilisés, avec l'aide non négligeable de la partition de Lalo Schifrin. Il faut également dire que cette tension doit également beaucoup aux personnages, puisque l'ambiance dans la famille n'est pas au beau fixe : le père est un ancien militaire violent qui oppresse sa famille à longueur de temps.
On sent quelque peu l'influence du "Shining" de Kubrick, film que Damiani semble avoir bien assimilé et qu'il ne reproduit pas à l'identique, préférant miser sur les quelques mythes entourant la famille DeFeo. La violence du père, donc, mais aussi les liens incestueux qui unissent le frère et sa soeur. Largement de quoi pourrir l'atmosphère d'une maison à qui il n'en fallait pas tant. Puis Sonny Montelli est petit à petit victime des forces de la maison, jusqu'à une scène plutôt démonstrative qui le transformera tout à fait en être possédé, ce qui ne va pas arranger le climat familial, mais qui marquera l'arrêt des manifestations surnaturelles classiques. On pourrait à la rigueur voir cette possession et l'accès de violence démente qui va succéder comme une conséquence logique des brimades vécues par le jeune homme, qui doit en outre composer avec le remords de s'être livré à un acte incestueux avec sa soeur. Ce ne serait pas faux, mais la présence surnaturelle étant indiscutable et omniprésente, elle ne laisse que trop peu de place à la métaphore.
Ce qui devait arriver se produit finalement au bout d'une heure : le meurtre de la famille. C'est plutôt bien vu de placer cette scène une demie heure avant le terme du film : ainsi, la fin d'Amityville 2 reste inconnue, là où on aurait pu penser la connaître avant même de voir le film. Mais il faut que ce qui suive se tienne aussi bien ce qui a précédé. Et là, c'est un peu plus délicat. Damiani ne se réfère plus à "Shining" mais à "L'Exorciste", et la tentation de céder au spectaculaire est assez grande (demandez à Renny Harlin ce qu'il en pense). Alors évidemment, du film de Friedkin, c'est surtout la fin qui est retenue. Sonny, enfermé en prison ou dans un hôpital, se montre parfois sous son plus mauvais jour, avec un maquillage proche de celui de Linda Blair (qui heureusement n'est pas mal fait du tout), tandis que le curé de la famille tente tant bien que mal d'organiser un exorcisme malgré les réticences de l'Eglise et de la police.
Sans être à proprement parler imbuvable, cette dernière partie (qui pique également quelques éléments de "La Malédiction" de Donner) est en tout cas plus faible que le reste, la faute certainement au fait que le principal enjeu est déjà passé et que l'action ne se déroule plus entièrement dans la maison d'Amityville. Ceci dit, Damiani reste assez imaginatif et parvient à éviter le ridicule, même en plaçant quelques plans gores dans le final. Il boucle ainsi son film de manière assez artificielle, mais ne remet jamais en cause la qualité de l'ensemble, qui est au dessus du tout-venant des films estampillé Amityville. Amityville 2 est ainsi le meilleur film de toute la saga.
Note : 7/10
Walter Paisley